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Décision n° 2006-0592 de l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes en date du 26 septembre 2006 portant sur la définition des marchés pertinents des services de capacité, la désignation d'opérateurs exerçant une influence significative sur ces marchés et les obligations imposées à ce titre


NOR : ARTT0600154S



L'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes,

Vu la directive 2002/21 /CE du Parlement européen et du Conseil du 7 mars 2002 relative à un cadre réglementaire commun pour les réseaux et services de communications électroniques (directive « cadre ») ;

Vu la directive 2002/19 /CE du Parlement européen et du Conseil du 7 mars 2002 relative à l'accès aux réseaux de communications électroniques et aux ressources associées, ainsi qu'à leur interconnexion (directive « accès ») ;

Vu la directive 2002/22 /CE du Parlement européen et du Conseil du 7 mars 2002 concernant le service universel et les droits des utilisateurs au regard des réseaux et services de communications électroniques (directive « service universel ») ;

Vu les lignes directrices 2002/C 165/03 de la Commission des Communautés européennes du 11 juillet 2002 sur l'analyse du marché et l'évaluation de la puissance sur le marché en application du cadre réglementaire communautaire pour les réseaux et les services de communications électroniques (« lignes directrices ») ;

Vu la recommandation C(2003) 497 de la Commission des Communautés européennes du 11 février 2003 concernant les marchés pertinents de produits et de services dans le secteur des communications électroniques susceptibles d'être soumis à une réglementation ex ante conformément à la directive « cadre » (recommandation « marchés pertinents ») ;

Vu la recommandation C(2005) 103/1 de la Commission européenne, en date du 21 janvier 2005, relative à la fourniture de lignes louées dans l'Union européenne Partie 1 : Principales conditions de fourniture en gros de lignes louées ;

Vu la recommandation de la Commission européenne C(2005) 951/2, en date du 29 mars 2005 relative à la fourniture de lignes louées dans l'Union européenne Partie 2 : Tarification de la fourniture de circuits partiels de lignes louées ;

Vu la loi no 2004-669 du 9 juillet 2004 relative aux communications électroniques et aux services de communication audiovisuelle, et notamment son article 133 ;

Vu le code des postes et des communications électroniques, et notamment ses articles L. 36-7, L. 37-1, L. 38, L. 38-1, L. 38-2, D. 301 à D. 315 et D. 369 et suivants (« CPCE ») ;

Vu l'arrêté du 12 mars 1998 autorisant la société France Télécom, société anonyme, immatriculée au registre du commerce et des sociétés de Paris sous le numéro 380 129 866, et dont le siège social est situé au 6, place d'Alleray, 75505 Paris Cedex 15, à établir et exploiter un réseau de téléphonie ouvert au public et à fournir le service téléphonique au public, ci-après dénommée « France Télécom » ;

Vu la décision no 98-901 de l'Autorité de régulation des télécommunications, en date du 28 octobre 1998, établissant la nomenclature de coûts et précisant les règles de pertinence relatives à l'interconnexion des opérateurs soumis aux articles D. 99-11 à D. 99-22 du code des postes et télécommunications ;

Vu la décision no 2001-650 de l'Autorité de régulation des télécommunications, en date du 4 juillet 2001 modifiant les règles de pertinence relatives à l'interconnexion des opérateurs soumis aux articles D. 99-11 à D. 99-22 du code des postes et télécommunications ;

Vu la décision no 2002-1027 de l'Autorité de régulation des télécommunications, en date du 5 novembre 2002 portant sur l'adoption des coûts moyens incrémentaux de long terme comme coûts de référence pour les tarifs d'interconnexion de France Télécom ;

Vu la décision no 2004-376 de l'Autorité de régulation des télécommunications, en date du 4 mai 2004, se prononçant sur un différend opposant Outremer Télécom à France Télécom ;

Vu la décision no 2005-0275 de l'Autorité de régulation des télécommunications, en date du 19 mai 2005, portant sur la définition du marché pertinent de gros des offres d'accès dégroupé à la boucle locale cuivre et à la sous-boucle locale cuivre et sur la désignation d'un opérateur exerçant une influence significative sur ce marché ;

Vu la décision no 2005-0277 de l'Autorité de régulation des télécommunications, en date du 19 mai 2005, portant sur les obligations imposées à France Télécom en tant qu'opérateur exerçant une influence significative sur le marché de gros de l'accès dégroupé à la boucle locale cuivre et à la sous-boucle locale cuivre ;

Vu la décision no 2005-0278 de l'Autorité de régulation des télécommunications, en date du 19 mai 2005, portant sur la définition du marché pertinent de gros des offres d'accès large bande livrées au niveau régional et sur la désignation d'un opérateur exerçant une influence significative sur ce marché ;

Vu la décision no 2005-0280 de l'Autorité de régulation des télécommunications, en date du 19 mai 2005, portant sur les obligations imposées à France Télécom en tant qu'opérateur exerçant une influence significative sur le marché de gros des offres d'accès large bande livrées au niveau régional ;

Vu la décision no 2005-0834 de l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes, en date du 15 décembre 2005, définissant la méthode de valorisation des actifs de la boucle locale cuivre ainsi que la méthode de comptabilisation des coûts applicable au dégroupage total ;



Vu la consultation publique de l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes relative à l'analyse des marchés des liaisons louées publiée le 30 novembre 2005 et clôturée le 13 janvier 2006 ;

Vu les réponses à la consultation publique susvisée, publiées le 17 mars 2006 ;

Vu la demande d'avis au Conseil de la concurrence en date du 28 mars 2006 ;

Vu l'avis no 2006-A-10 du Conseil de la concurrence du 12 mai 2006 relatif à une demande d'avis de l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes en application de l'article L. 37-1 du code des postes et communications électroniques portant sur l'analyse des marchés de détail et de gros des liaisons louées ;

Vu la consultation publique de l'Autorité relative au projet de décision précité, lancée le 21 juin 2006 et clôturée le 21 juillet 2006 ;

Vu les réponses à cette consultation publique ;

Vu le projet de décision portant sur la définition des marchés pertinents de la téléphonie fixe, la désignation d'opérateurs exerçant une influence significative et les obligations imposées à ce titre, notifié à la Commission européenne et aux autorités réglementaires nationales de la Communauté européenne en date du 21 juin 2006 ;

Vu les observations de la Commission européenne en date du 24 juillet 2006 ;

Après en avoir délibéré le 26 septembre 2006,


Préambule



Les articles L. 37-1 à L. 37-3 du code des postes et des communications électroniques (CPCE) disposent qu'il incombe à l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (« ARCEP ») d'analyser les marchés énumérés par la Commission européenne comme marchés pertinents pour une régulation sectorielle, de déterminer les entreprises disposant éventuellement d'une influence significative sur ces marchés et de définir les obligations ex ante susceptibles de remédier aux problèmes concurrentiels identifiés.

Conformément à l'article D. 301 du même code, l'ARCEP a mis en consultation publique, entre le 30 novembre 2005 et le 13 janvier 2006, un document d'analyse des marchés de détail et de gros des liaisons louées. Dans ce document, l'ARCEP proposait une délimitation des marchés pertinents, une détermination des entreprises y disposant d'une influence significative, ainsi que des projets d'obligations afin de remédier aux problèmes concurrentiels identifiés.

L'ARCEP a reçu 16 réponses à cette consultation, qu'elle a rendues publiques, à l'exception de rares passages couverts par le secret des affaires, et a soumis pour avis au Conseil de la concurrence une version amendée de son analyse, tenant compte de ces réponses.

Après réception de l'avis susvisé de ce dernier, le 12 mai 2006, l'Autorité a amendé son projet de décision relative à la détermination des marchés pertinents, à l'influence significative de la société France Télécom et aux obligations imposées à ce titre sur les marchés des liaisons louées.

Ce projet de décision a été mis en consultation publique pour un mois, du 21 juin au 21 juillet 2006, parallèlement à sa notification à la Commission européenne et aux autres autorités compétentes des autres Etats membres de la Communauté européenne.

L'Autorité a reçu 2 contributions qui ne l'ont pas amené à modifier substantiellement son projet de décision. Elle a également obtenu les observations de la Commission européenne le 24 juillet 2006, qui a validé la délimitation des marchés proposés ainsi que la désignation de France Télécom comme opérateur puissant sur l'ensemble des marchés et a formulé un commentaire sur les obligations prévues en ce qui concerne le marché de gros du segment terminal pour les débits supérieurs à 10 Mbit/s.



I. - INTRODUCTION

I-1. TYPOLOGIE DES SERVICES DE CAPACITÉS

I-1.1. Définition réglementaire des liaisons louées

I-1.1.1. Les textes européens


Le texte européen de référence comportant une définition des liaisons louées est la directive 92/44 /CE du Conseil du 5 juin 1992 relative à l'application de la fourniture d'un réseau ouvert aux lignes louées (appelée aussi directive ONP liaisons louées) (1).

Après avoir rappelé dans les considérants que « le concept de lignes louées couvre l'offre de capacités de transmission transparente entre points de terminaison du réseau comme service distinct mais ne couvre pas la commutation sur demande ou l'offre faisant partie d'un service commuté offert au public », la définition donnée aux liaisons louées est la suivante : « lignes louées : les systèmes de télécommunications fournis dans le contexte de l'établissement, du développement et de l'exploitation du réseau public de télécommunications, qui offrent une capacité de transmission transparente entre les points de terminaison du réseau, à l'exclusion de la commutation sur demande (fonctions de commutation que l'utilisateur peut contrôler dans le cadre de la fourniture de lignes louées) ».

Par ailleurs, le principal organisme de normalisation de référence au niveau européen (2), l'ETSI, donne une définition équivalente dans ses normes sur les liaisons louées (par exemple, la norme ETSI EN 300 448 2.1 sur les liaisons louées analogiques 2 fils) : « a leased line is a telecommunication facility provided by a public telecommunication network that provide defined telecommunication characteristics between network termination points and that do not include switching functions that the user can control (e.g. on-demand switching) », que l'on peut traduire par : « une liaison louée est une capacité de transmission fournie par un opérateur de réseau ouvert au public entre points de terminaison du réseau, qui possède des caractéristiques bien définies et qui n'inclut pas de fonction de commutation contrôlée par l'utilisateur (commutation à la demande) ».


(1) Cette directive a été abrogée par la directive cadre 2002/21/CE. Elle sert néanmoins de référence (directive cadre et directive service universel) dans la définition de l'ensemble minimal des liaisons louées. (2) Les normes de l'ETSI adoptées par la Commission figurent dans la liste des normes et/ou spécifications pour les réseaux de communications électroniques, les services de communications électroniques et les ressources et services associés (2002/C 331/04).



I-1.1.2. Les textes français


L'article R. 9 du code des postes et des communications électroniques (CPCE) dispose que : « On entend par "liaison louée la mise à disposition par un opérateur d'une capacité de transmission entre des points de terminaison déterminés d'un réseau ouvert au public, au profit d'un utilisateur, à l'exclusion de toute commutation contrôlée par cet utilisateur. »

De ces définitions des textes européens et français, on retiendra qu'une liaison louée est un service de capacité de transmission dédiée à un utilisateur, assurant une transparence aux applications transportées et ne comportant pas de commutation contrôlée par l'utilisateur.


I-1.2. Typologie des services de capacités par nature technique


Les protocoles utilisés par les communications électroniques peuvent être répartis en 7 couches dont les 3 premières sont les suivantes :

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Par analogie avec ce modèle, les services commercialisés par les opérateurs sont dénommés de niveaux 1, 2 ou 3 (auquel on a ajouté un niveau « 0 », terminologie employée quelquefois pour désigner les infrastructures physiques support passives) :

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Chaque niveau de service intègre le ou les niveaux de service inférieur.

Les services de niveau 0 sont, vu du client, des infrastructures passives n'apportant aucun service de transmission. Parmi les services commercialisés, on trouve les paires de cuivre nue, la fibre optique nues, les fréquences hertziennes. Pour bâtir un service de communication électronique, il faut leur ajouter des équipements actifs de transmission et de commutation et/ou routage.

Les services de niveau 1 sont, vu du client, composés d'un « tuyau » assurant la transmission et d'un équipement d'extrémité posé par l'opérateur permettant l'interconnexion avec les équipements du client. Ils fournissent une capacité de transmission « brute » entre sites, généralement point à point, caractérisée par un débit et des niveaux de qualité de service donnés. Ils ne gèrent que les paramètres de qualité de service du niveau 1 de la couche OSI.

Parmi les services de niveau 1 commercialisés sur le marché, on trouve les liaisons louées traditionnelles (sur support cuivre, optique ou hertzien), les liaisons Ethernet en point à point (Lan to Lan ou interconnexion de deux réseaux locaux distants), les liaisons SAN ou ESCON en point à point. Les liaisons Ethernet peuvent être bâties sur des supports en cuivre ou en optique. En revanche, les liaisons SAN ou ESCON sont bâties sur des supports optiques.

Les services de niveau 2, réseau privé virtuel (VPN) en ATM ou Ethernet sont généralement point à multipoint et quelquefois multipoint à multipoint (« any-to-any »). Ils n'incorporent qu'un degré de commutation statique et non la commutation ou le routage dynamique des paquets envoyés par le client : la commutation ne concerne que des « tunnels » ou des capacités virtuelles à l'intérieur du réseau de l'opérateur par des mécanismes de type VC ou VPN ATM ou bien VLAN Ethernet (3). Les services de niveau 2 se présentent, vu du client, comme une somme de liaisons point à point ; aussi, ces services sont classés parmi les services de capacités de transmission du fait de leur proximité avec les services de niveau 1.

Les services de niveau 3, parmi lesquels les services de transmission de données commutées du type X.25 et frame relay ainsi que les RPV IP, incorporent des fonctions de routage intelligent des paquets envoyés par les clients. Ce sont des services plus sophistiqués que les services de capacités de transmission « bruts » ou avec un premier niveau de commutation statique.


(3) Commutation des adresses MAC des équipements.



I-1.3. Les liaisons louées normalisées par l'ETSI


Les normes ETSI fixent la liste des liaisons louées de manière précise : il s'agit des liaisons louées analogiques (2 fils et 4 fils) et liaisons louées numériques (du numérique bas débit à quelques kbit/s au 622 Mbit/s) ; la normalisation de ces services par l'ETSI sert de référence à la Commission européenne pour définir l'ensemble minimal de liaisons louées (cf. I-2.1).

La normalisation de l'ETSI permet de dégager les caractéristiques techniques majeures susceptibles de satisfaire les besoins des clients finaux.

La liste des références pour les lignes louées énumérées de l'ensemble minimal se trouve à l'annexe II de la directive 92/44 /CE : les liaisons louées analogiques 2 et 4 fils, les liaisons louées numériques 64 kbit/s et 2 Mbit/s structurées et non structurées.

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Pour les équipements terminaux, les normes associées sont les suivantes :

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Pour les liaisons louées en dehors de l'ensemble minimal :

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Pour les équipements terminaux, les normes associées sont les suivantes :

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I-2. DISPOSITIF ACTUEL DE RÉGULATION

I-2.1. Dispositif sur les marchés de détail

I-2.1.1. Les textes européens


Au niveau européen, le dispositif issu de l'ancien cadre est maintenu à titre transitoire jusqu'à l'achèvement des analyses de marché et découle en premier lieu de la directive 92/44 /CE du Conseil du 5 juin 1992 précitée. Elle impose :

- la fourniture sur l'ensemble du territoire d'un ensemble minimal de liaisons louées harmonisées au sein de l'espace européen ; elle précise notamment dans son article 7, alinéa 1 : « les Etats membres assurent que les organismes de télécommunications respectifs fournissent, séparément ou conjointement, un ensemble minimal de liaisons louées conformes à l'annexe II (de la directive) afin de garantir une offre harmonisée dans toute la Communauté » ;

- l'orientation des tarifs vers les coûts avec un système de comptabilisation des coûts et une séparation comptable ;

- la transparence (notamment publication des tarifs et conditions de fourniture) ;

- la non-discrimination ;

- la publication d'informations sur les conditions de fourniture et de cessation de fourniture des lignes louées ainsi que sur leurs tarifs ;

- l'établissement d'indicateurs de qualité de service ;

- la désignation d'au moins un organisme répondant aux obligations ;

- un principe d'interopérabilité entre les liaisons louées ;

- l'autorité réglementaire nationale est chargée du contrôle du respect des principes énoncés par la directive, notamment de l'orientation des tarifs vers les coûts.

Ces obligations, et notamment celle d'orientation des tarifs vers les coûts, s'appliquent à toutes les liaisons fournies par un opérateur soumis aux règles de l'ONP et pas uniquement aux liaisons devant obligatoirement être fournies au titre de l'harmonisation des offres.

La directive 97/51 /CE du 6 octobre 1997 a modifié la précédente directive pour l'adapter à l'environnement concurrentiel où des liaisons louées peuvent être fournies par plusieurs opérateurs. Elle impose aux autorités réglementaires nationales de désigner au moins un organisme puissant, en se fondant sur un critère de 25 % des parts de marché des liaisons louées, afin qu'il réponde aux obligations décrites.


I-2.1.2. Les textes français

I-2.1.3. Obligations au titre de l'ensemble minimal


La directive 92/44 /CE du Conseil du 5 juin 1992 précitée a été transposée en droit français aux articles D. 369 à D. 379 du code des postes et télécommunications par le décret no 93-961 du 28 juillet 1993 et par trois arrêtés du 28 juillet 1993. Leur rédaction est restée quasiment inchangée dans le code des postes et télécommunications de 1996.

Ces articles imposent des obligations notamment de transparence, non-discrimination et orientation vers les coûts à France Télécom, puis à tout opérateur désigné.

En outre, deux dispositions spécifiques ont été ajoutées en France par rapport à la réglementation européenne.


I-2.1.4. Obligation de service public


La fourniture de l'ensemble minimal de liaisons louées (et d'une offre X.25) est une composante du service public en tant que service obligatoire. Sa fourniture est imposée à France Télécom, désigné opérateur en charge de la composante 1° du service universel (4). A ce titre, leur fourniture doit être assurée « dans le respect des principes d'égalité, de continuité et d'adaptabilité », ce qui, selon la jurisprudence relative au principe d'égalité en droit public, se traduit par l'acceptation d'une différenciation géographique des tarifs limitée uniquement à des éléments objectifs, notamment les coûts (5).


(4) Arrêté du 3 mars 2005 portant désignation de l'opérateur chargé de fournir la composante du service universel prévue au 1° de l'article L. 35-1 du code des postes et des communications électroniques (service téléphonique). (5) L'Autorité a été amenée à refuser une dépéréquation géographique des liaisons louées 2 048 kbit/s qui allait au-delà des différences de coûts (avis no 99-967 de l'Autorité de régulation des télécommunications en date du 5 novembre 1999).



I-2.1.5. Obligation d'homologation tarifaire des services sans concurrence effective


Au titre de l'article 133 de la loi no 2004-669 du 9 juillet 2004 relative aux communications électroniques et aux services de communication audiovisuelle et de l'article 17 du cahier des charges de France Télécom annexé au décret no 96-1125 du 27 décembre 1996, un contrôle tarifaire des services sans concurrence effective de France Télécom est maintenu pour une période transitoire jusqu'à la mise en oeuvre de l'analyse des marchés. Ce contrôle s'applique, entre autres, à l'ensemble des services de capacités commercialisés par l'opérateur (liaisons louées et capacités avec interfaces alternatives).


I-2.2. Dispositif actuel sur les marchés de gros

I-2.2.1. Les textes européens


La directive 97/33 /CE du 30 juin 1997 relative à l'interconnexion dans le secteur des télécommunications en vue d'assurer un service universel et l'interopérabilité par l'application des principes de fourniture d'un réseau ouvert (directive « ONP ») impose aux opérateurs puissants sur le marché des liaisons louées les obligations suivantes :

- réponse aux demandes raisonnables de connexion au réseau, notamment l'accès à des points autres que les points de terminaison du réseau offerts à la majorité des utilisateurs finals ; toute restriction à l'utilisation des liaisons louées, à l'interconnexion des liaisons louées entre elles ou à l'interconnexion des liaisons louées aux réseaux commutés doit être levée ;

- non-discrimination et transparence ;

- principes de tarification de l'interconnexion et système de comptabilisation des coûts, notamment que les redevances d'interconnexion respectent les principes de transparence et d'orientation vers les coûts.

Ces dispositions sont maintenues jusqu'à l'achèvement des analyses de marché.

La recommandation (6) sur la fourniture de liaisons louées d'interconnexion distingue une catégorie spécifique de liaison louée de gros : les circuits partiels de liaisons louées.

Un circuit partiel de liaison louée est une liaison spécialisée fournie par l'opérateur notifié à l'opérateur alternatif entre les locaux du client et le point d'interconnexion de l'opérateur alternatif, situé au noeud du réseau de l'opérateur notifié (ou à proximité) et qui, aux fins de la présente recommandation, doit être considérée comme un type particulier de liaison louée en gros qui peut être utilisé par l'autre opérateur autorisé pour fournir à des utilisateurs finals, à d'autres opérateurs ou à son propre usage, des services tels que des liaisons louées, des connexions au réseau téléphonique commuté, des services de données ou l'accès à large bande.

En 2005, la Commission européenne a pris deux nouvelles recommandations sur les liaisons louées d'interconnexion (7) dont la seconde porte sur la tarification des circuits partiels de 64 kbit/s, 2 Mbit/s, 34 Mbit/s et 155 Mbit/s.


(6) Recommandation de la commission relative à la tarification de l'interconnexion des lignes louées dans un marché des télécommunications libéralisé, 24 novembre 1999. (7) Recommandation de la commission du 21 janvier 2005 relative à la fourniture de lignes louées dans l'Union européenne : Partie 1 : Principales conditions de fourniture en gros de lignes louées. Recommandation de la commission du 29 mars 2005 relative à la fourniture de lignes louées dans l'Union européenne : Partie 2 : Tarification de la fourniture de circuits partiels de lignes louées.



I-2.2.2. La mise en oeuvre en France

I-2.2.2.1. Offre d'interconnexion de liaisons louées


Pour les marchés de gros, une offre de circuit partiel, dite de « liaisons louées partielles » ou « liaisons partielles de terminaison » (LPT), a été partiellement introduite au catalogue d'interconnexion de France Télécom à partir de l'année 2002.

La liaison partielle de terminaison a été créée à la suite d'un règlement de différend entre la société MFS Communications et France Télécom (décision no 2002-147 de l'Autorité en date du 12 février 2002). Dans ce règlement de différend, l'Autorité avait exigé que France Télécom fasse une offre de gros d'interconnexion de liaisons louées pour les opérateurs entrants afin de leur permettre de raccorder les sites des clients sur le territoire, conformément aux directives européennes et à la demande de MFS.

Il était demandé à France Télécom d'introduire une offre de gros d'interconnexion composée de deux parties pour réaliser une architecture opérateur de type « tronc-feuille » :

- pour la partie « feuille », une capacité entre un noeud de réseau de France Télécom et le site du client : le demi-circuit ;

- pour la partie « tronc » : des prestations connexes de raccordement entre ce noeud de réseau de France Télécom et les points de présence (POP) des opérateurs tiers demandeurs de la prestation : colocalisation, capacité d'aboutement entre réseaux (liaisons d'aboutement) et interconnexion en ligne (in-span).

La décision disposait, selon les débits de la LPT, que :

- pour les débits compris entre 64 et 2 048 kbit/s, la LPT reliait le site client et un brasseur du réseau RTNM (Réseau de transmission numérique multiservice) de France Télécom, utilisé par France Télécom pour le brassage de ses propres liaisons louées de moins de 2 Mbit/s, techniquement proche du site raccordé ;

- pour les débits de 34 et 155 Mbit/s, la LPT reliait le site client et n'importe quel noeud d'interconnexion du réseau de France Télécom, brasseur de liaisons louées RTNM mais aussi PRO ou CAA ; en effet, pour ces débits, les liaisons louées ne sont pas brassées donc le brasseur des réseaux RTNM ne joue aucun rôle technique d'où la possibilité de « récupérer » la liaison à d'autres noeuds de réseau où les opérateurs avaient plus de chance d'être déployés.

La décision précisait également que les LPT jusqu'à 2 048 kbit/s devaient être introduites au catalogue d'interconnexion de France Télécom ; en revanche, les liaisons louées d'interconnexion de 34 et 155 Mbit/s pouvaient être proposées dans les conventions entre France Télécom et les autres opérateurs, sans être introduites au catalogue.

Le régime réglementaire des liaisons louées d'interconnexion n'a pas évolué depuis le règlement de différend : les liaisons louées jusqu'à 2 Mbit/s sont incorporées à l'offre de référence d'interconnexion et soumises aux obligations d'orientation vers les coûts, de système de comptabilisation comptable et de séparation comptable, de non-discrimination, de transparence et de publication d'indicateurs de qualité de service. Les liaisons louées très haut débit sur fibre optique 34 et 155 Mbit/s ne sont pas incorporées à l'offre de référence et font toujours l'objet d'une convention d'interconnexion. Depuis le règlement de différend, les liaisons louées très haut débit fournies aux opérateurs ont toujours été livrées aux brasseurs RTNM de France Télécom (c'est-à-dire les mêmes brasseurs que les liaisons louées jusqu'à 2 Mbit/s) et la possibilité de les livrer à d'autres noeuds de réseau n'a jamais connu d'applications pratiques.

En termes de prestations connexes inscrites au catalogue d'interconnexion de France Télécom pour relier son POP au brasseur de liaisons louées de France Télécom, l'opérateur entrant a le choix entre plusieurs offres : une offre de liaisons d'aboutement (LA) actuellement proposée à 2 Mbit/s et 155 Mbit/s, techniquement identique à une liaison louée, une interconnexion in-span ou une colocalisation sur le site du brasseur de liaisons louées de France Télécom.



I-2.2.2.2. Offre d'interconnexion de liaison louée dite liaison louée de transport

entre un brasseur de référence en métropole et un brasseur de référence à la Réunion


Pour le circuit interurbain, une offre de liaison louée de transport a été créée entre la métropole et l'île de la Réunion, à la suite d'un règlement de différend entre les sociétés Outremer Télécom et France Télécom (8). Cette offre figure dans les conventions d'interconnexion mais pas dans le catalogue d'interconnexion de France Télécom.

L'offre consiste en une liaison louée entre un site de France Télécom à Saint-Denis-de-la-Réunion ouvert à l'interconnexion (brasseur de liaisons louées) dans lequel est disponible un service d'aboutement de liaisons louées, et un site France Télécom à Paris ouvert à l'interconnexion et dans lequel est aussi disponible un service d'aboutement de liaisons louées.



Vous pouvez consulter le tableau dans le JO

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La prestation de gros définie repose sur trois tronçons principaux :

- un backhaul (ci-après « complément terrestre ») en métropole entre la station d'atterrissement et le point de livraison ;

- une capacité à fournir par France Télécom au sein de la capacité dont elle dispose déjà entre les stations d'atterrissement à La Réunion et à Penmarch ;

- un complément terrestre à La Réunion entre la station d'atterrissement et le point de livraison.


(8) Décision no 2004-376 du 4 mai 2004.



I-2.2.2.3. Mise en place de l'offre de gros « CE2O » à la demande de l'Autorité


L'offre « CE2O » (Collecte Ethernet optique opérateur) a été lancée par France Télécom le 17 mai 2005 (disponibilité réelle en octobre 2005 ([9]), à la demande de l'Autorité, afin de permettre aux opérateurs entrants de répliquer une offre de détail de France Télécom appelée « Pack LAN » puis « Ethernet VPN » puis « Ethernet Link » offrant aux entreprises un réseau privé virtuel à interface Ethernet (niveau 2).

Cette offre permet de pallier l'absence d'offre de gros de segment terminal à très haut débit sur fibre optique, pour les services utilisant des interfaces alternatives aux liaisons louées (en l'occurrence en Ethernet). En effet, l'offre de LPT très haut débit à 34 ou 155 Mbit/s avec interfaces SDH (liaisons louées) s'est révélée inadaptée à la réplicabilité technique et économique de l'offre de détail Ethernet Link pour les accès de 20, 40 ou 100 Mbit/s, support de connexions de 6 à 100 Mbit/s en Ethernet.


(9) Cf. section IV-2.6.3.2.



I-3. STATUT DES AUTRES OFFRES UTILISÉES SUR LE MARCHÉ DE GROS

I-3.1. Utilisation de l'offre de détail TDSL par les opérateurs


L'offre Turbo DSL a été lancée en juin 1999 par France Télécom sur le marché de détail et donc à ce titre intégrée au catalogue des offres de détail de France Télécom. Cette offre, d'architecture tronc-feuille, visait en premier lieu la fourniture de l'accès à Internet à des débits compris entre 128 et 512 kbit/s à différents sites d'une même entreprise, selon une architecture en étoile, avec un tronc pour relier le site central et des feuilles pour relier des sites extrémités au réseau de France Télécom.

Du fait de sa commodité d'usage et des économies d'échelle autorisée par son architecture, elle a surtout été utilisée par les opérateurs pour fournir la totalité des services en IP. En outre, comme elle comporte une large gamme de débits, plusieurs niveaux de qualité de service (dont la qualité CBR) et présente une version symétrique, son usage a dépassé le marché du bitstream (fourniture de l'accès à Internet haut débit mono-site en qualité UBR, généralement à des petits sites de PME) pour devenir une des briques de base utilisées par les opérateurs sur le marché de gros du segment terminal, pour des prestations multi-sites internes aux entreprises (beaucoup de RPV IP et, quelquefois, des services de capacités de détail). A ce titre, proposée initialement avec des interfaces ATM, elle a évolué pour intégrer en option des interfaces Ethernet, plus utilisées sur le marché de gros du segment terminal.

Suite à l'analyse des marchés des offres de gros d'accès large bande livrées au niveau régional (10), ou bistream, une offre ayant les mêmes caractéristiques que l'offre Turbo DSL a été mise en place sous le nom de DSL Entreprise (DSL-E).


(10) Cf. décisions no 2005-278 et no 2005-280 du 19 mai 2005.



I-3.1.1. Création de trois offres de capacités sur les marchés de gros (voir annexe)


Par ailleurs, France Télécom a créé trois offres sur les marchés intermédiaires à destination des opérateurs.

La première est l'offre « AIRCOM » à destination des opérateurs mobiles servant à relier leurs BTS à leurs BSC.

La seconde est l'offre dite « POP-NRA » servant à relier les points de présence des opérateurs entrants fixes à leurs DSLAM souvent installés dans les répartiteurs (NRA) de France Télécom dans le cadre du dégroupage. Elle est destinée aux opérateurs entrants ne réalisant pas de liaisons en propre des NRA. Suite à l'analyse du marché du dégroupage (11), cette offre a été considérée comme une prestation connexe du dégroupage.

La troisième est l'offre « VPN HD » qui propose des capacités avec interfaces liaisons louées à 34 Mbit/s et plus, et des capacités avec interface Giga Ethernet (à partir de 100 Mbit/s jusqu'à 2,5 Gbit/s) dans et entre les vingt plus grandes agglomérations de France sous deux formes :

- dans le segment terminal, des « liaisons terminales » entre les points de présence des opérateurs et des sites clients ou des noeuds capillaires de leur réseau ;

- dans le circuit interurbain, des « liaisons backbone » entre les points de présence des opérateurs (à la fois fixes et mobiles) à des débits compris entre 34 Mbit/s et 2,5 Gbit/s.


(11) Cf. décisions no 2005-275 et no 2005-277 du 19 mai 2005.



I-4. CHAMP D'ANALYSE

I-4.1. Période temporelle d'analyse


Conformément aux prescriptions de l'article D. 301 du code des postes et des communications électroniques, l'inscription d'un marché sur la liste de l'ensemble des marchés pertinents « est prononcée pour une durée maximale de trois ans ». L'Autorité doit réviser cette liste, de sa propre initiative, « lorsque l'évolution de ce marché le justifie » ou encore « dès que possible après la modification de la recommandation de la Commission européenne » « marchés pertinents » du 11 février 2003 susvisée.

En outre, en vertu des articles D. 302 et D. 303 du même code, les décisions déterminant l'existence d'une influence significative et imposant aux opérateurs des obligations peuvent être réexaminées dans les mêmes conditions.

L'Autorité fait porter son analyse des marchés des liaisons louées sur une période de 3 ans, jusqu'au 1er octobre 2009.

L'Autorité s'attache à effectuer une analyse prospective des marchés sur cette période. Néanmoins, en tant que de besoin, par exemple en cas d'évolution significative de la structure du marché, elle pourra être amenée à en effectuer une nouvelle analyse avant la fin de la période envisagée.

Pour mettre à jour les données de marché dont elle disposait pour l'analyse soumise à la première consultation publique, qui portaient sur la période 2001-2004, l'Autorité a adressé le 27 janvier 2006 un nouveau questionnaire quantitatif portant sur les données constatées pour les années 2004 et 2005.


I-4.2. Portée géographique


Le code des postes et des communications électroniques s'applique en France aux territoires de la métropole, des départements d'outre-mer, de Mayotte et de Saint-Pierre-et-Miquelon.

Cependant, dans la mesure où la collectivité de Saint-Pierre-et-Miquelon connaît une situation concurrentielle particulière, la présente analyse porte sur les seuls territoires de la métropole, des départements d'outre-mer et de Mayotte, ci-après dénommés « territoire d'analyse ».


I-5. RÉPONSES À LA CONSULTATION PUBLIQUE DU 30 NOVEMBRE 2005


L'Autorité a mis en consultation publique son analyse du 30 novembre 2005 au 16 janvier 2006. Elle a reçu des contributions des entreprises suivantes :

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Vous pouvez consulter le tableau en cliquant,
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JO no 247 du 24/10/2006 texte numéro 70
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Ces contributions sont publiées sur le site web de l'Autorité, à l'exception des parties confidentielles, et ont été prises en compte dans la rédaction de la nouvelle version de l'analyse de l'Autorité.


I-6. RÉPONSES À LA CONSULTATION PUBLIQUE MENÉE DU 21 JUIN AU 21 JUILLET 2006


L'Autorité a reçu 2 contributions de la société Mediaserv et de la société France Télécom. Ces contributions sont publiées sur le site web de l'Autorité, à l'exception des parties confidentielles, et ont été prises en compte dans la rédaction de la décision finale de l'Autorité.



II. - DÉLIMITATION DES MARCHÉS PERTINENTS


La délimitation des marchés pertinents s'effectue conformément à des principes (III-1). Certains éléments d'analyse communs aux différents marchés sont dégagés (III-1) avant de définir les marchés de détail (III-2), puis les marchés de gros du segment terminal (III-3), et les marchés de gros du circuit interurbain (III-4).


II-1. INTRODUCTION SUR LA DÉLIMITATION DES MARCHÉS PERTINENTS


L'exercice de délimitation des marchés a pour but de définir le contour, en termes de services et en termes géographiques, des marchés susceptibles d'être régulés par une autorité sectorielle. Cet exercice est, en application des dispositions de la directive « cadre », effectué conformément aux principes issus du droit de la concurrence.

La délimitation des marchés de détail est suivie de celle des marchés de gros, car les produits et services disponibles sur les marchés de détail dépendent des prestations techniques disponibles sur les marchés de gros pour les opérateurs alternatifs.


II-1.1. Délimitation des marchés en termes de produits et services


Le périmètre des marchés du point de vue des services repose principalement sur l'analyse des éléments suivants :

- les caractéristiques objectives, le prix et l'usage des services : ces éléments, cités par les « lignes directrices » (12) de la Commission, permettent de définir l'ensemble des services qui peuvent appartenir à un même marché, en particulier sur les marchés de détail ;

- la substituabilité du côté de la demande : deux produits ou services appartiennent à un même marché s'ils sont suffisamment « interchangeables » (13) pour leurs utilisateurs, du point de vue de l'usage qui en est fait, de leurs caractéristiques, de leur tarification, de leurs conditions de distribution, des coûts de « migration » d'un produit vers l'autre, etc. Afin d'apprécier cette notion d'interchangeabilité, l'analyse doit entre autres prouver que la substitution entre les deux produits est rapide (14) et prendre en compte les « coûts d'adaptation » (15) qui en découlent ;

- la substituabilité du côté de l'offre : un produit B peut appartenir au même marché que le produit A en cas de substituabilité du côté de l'offre, c'est-à-dire lorsque les fournisseurs du produit B peuvent se mettre à produire le produit A en cas de hausse du prix de marché de ce produit, sans qu'ils aient à subir des coûts importants de modification de leur appareil de production.

Pour établir l'existence d'une substituabilité éventuelle entre services du point de vue de la demande ou de l'offre, l'analyse peut également impliquer la mise en oeuvre de la méthode dite du « monopoleur hypothétique », ainsi que le suggèrent les « lignes directrices » de la Commission (16). Du point de vue de la demande, ce test consiste à étudier qualitativement les effets sur la demande d'une augmentation légère (5 à 10 % par exemple), mais réelle et durable, du prix pratiqué par un hypothétique monopoleur sur un service donné, de manière à déterminer s'il existe des services considérés comme substituables par les demandeurs, vers lesquels ils seraient susceptibles de s'orienter. Du point de vue de l'offre, il s'agit de savoir si, face à une telle hausse de prix, des entreprises commercialisant d'autres services seraient en mesure de fournir, rapidement et facilement, un service équivalent à celui du monopoleur hypothétique. Ainsi que le mentionnent les lignes directrices, l'utilité essentielle de cet outil réside dans son caractère conceptuel ; ainsi, sa mise en oeuvre n'implique pas une étude économétrique.


(12) Point 44 des lignes directrices 2002/C 165/03 de la Commission des Communautés européennes du 11 juillet 2002. (13) Point 51 des lignes directrices 2002/C 165/03 de la Commission des Communautés européennes du 11 juillet 2002. (14) Point 49 de ces lignes directrices. (15) Point 50 de ces lignes directrices. (16) Point 40 de ces lignes directrices.



II-1.2. Délimitation des marchés en termes géographiques


Il est rappelé au point 56 des « lignes directrices » susvisées que, « selon une jurisprudence constante, le marché géographique pertinent peut être défini comme le territoire sur lequel les entreprises concernées engagées dans la fourniture ou la demande des produits ou services sont exposées à des conditions de concurrence similaires ou suffisamment homogènes et qui se distingue des territoires voisins sur lesquels les conditions de concurrence sont sensiblement différentes ».

Concrètement, deux critères permettent, selon les « lignes directrices » de la Commission, de procéder à la délimitation géographique des marchés de communications électroniques :

- d'une part le territoire effectivement couvert par les réseaux ;

- d'autre part l'existence d'instruments de nature juridique conduisant en pratique à distinguer une zone géographique ou une autre ou, au contraire, à considérer que le marché est de dimension nationale (17).


(17) Lignes directrices, § 59 de la section 2.2.2 « Marché géographique ».



II-1.3. Introduction sur la pertinence des marchés


L'article L. 37-1 du code des postes et des communications électroniques dispose que l'Autorité doit définir les marchés « au regard notamment des obstacles au développement d'une concurrence effective ».

Ainsi, pour qualifier un marché pertinent au regard de la régulation sectorielle, il convient de mener une analyse concurrentielle de ce marché.



En application des directives susvisées, la Commission européenne a publié les « lignes directrices » précitées, relatives au processus d'analyse de marché. Elle a également adopté une « recommandation marché pertinent », susvisée, définissant une liste de 18 marchés susceptibles d'être pertinents pour une régulation sectorielle.

L'Autorité a tenu le plus grand compte de cette « recommandation » et de ces « lignes directrices » dans l'élaboration de son analyse de marché.

Pour définir les marchés des services de capacités pouvant être considérés pertinents pour une régulation sectorielle, la « recommandation » de la Commission s'appuie sur trois critères :

- la présence de barrières à l'entrée élevées et non provisoires ;

- l'absence d'évolution vers une situation de concurrence effective ;

- l'efficacité insuffisante du droit de la concurrence.

L'Autorité considère, conformément au paragraphe 36 des lignes directrices de la Commission susvisées, que ces trois critères ne doivent pas être réexaminés lorsque le marché analysé est conforme à celui recensé par la Commission. La recommandation précise en effet que ces critères doivent être réexaminés par les autorités réglementaires nationales lorsqu'elles recensent des « marchés qui ne figurent pas dans la recommandation ».

Toutefois, conformément à l'article L. 37-1, elle s'attachera, dans le cadre de la présente analyse, à démontrer le caractère pertinent des marchés identifiés.


II-1.4. Les marchés identifiés par la recommandation


L'exposé des motifs de la recommandation de la Commission relative à la fourniture de lignes louées dans l'Union européenne indique : « les lignes louées sont des éléments constitutifs fondamentaux du marché des communications, utilisés par les exploitants de réseau et les fournisseurs de services en tant qu'infrastructure de transport de base de leurs services, et par les gros usagers professionnels pour relier leurs sites dans le monde entier afin d'acheminer les communications vocales et les données internes ».

La recommandation de la Commission sur les marchés pertinents précitée indique que le marché général considéré est celui des connexions et capacités réservées (liaisons louées). Plus précisément, en termes de marchés pertinents pour la régulation ex ante, trois marchés sont identifiés.

Le premier est le marché de détail concernant l'ensemble minimal de lignes louées (qui comprend les types de lignes louées spécifiés jusqu'à 2 Mbit/s inclus, tels que visés à l'article 18 et à l'annexe VII de la directive « Service universel » et dans la liste de normes publiée au Journal officiel des Communautés européennes [18]) ; il s'agit du marché de détail de l'ensemble minimal des liaisons louées fournies aux utilisateurs finals (entreprises et administrations) qui désirent construire des réseaux ou relier des sites entre eux. Ce marché comporte les services suivants : liaisons louées analogiques 2 fils et 4 fils, liaisons louées numériques 64 kbit/s et 2 Mbit/s, structurées et non structurées.

Deux marchés de gros sont également identifiés par la recommandation, « parallèles » au marché de détail. Il s'agit des liaisons louées fournies à un opérateur tiers qui souhaite approvisionner les utilisateurs finals :

- un marché de la fourniture en gros du « segment terminal », correspondant au segment technique terminal d'un circuit loué (ou segment local) ;

- et le marché de gros de lignes louées sur le circuit interurbain correspondant aux segments inter-brasseurs, complémentaires du segment terminal pour bâtir une liaison louée de détail.

En effet, ces deux segments techniques permettent, additionnés, de constituer notamment une liaison louée point-à-point de détail entre deux sites d'entreprise.

La recommandation prévoit explicitement une possible segmentation par débit des liaisons louées de gros.


(18) 2002/C331/04, JO C 331 du 31 décembre 2002, p. 32.



II-1.5. Séparation entre segment terminal et circuit interurbain


La recommandation indique : « les éléments constitutifs des segments terminaux dépendront de la topologie du réseau propre à chaque Etat membre et seront désignés par l'ARN compétente ».

C'est l'architecture technique des offres de capacités de France Télécom qui sert de référence sur le marché français.

Elle conduit aux points de séparation suivants entre les deux marchés :

- pour les liaisons louées ETSI : le premier brasseur de liaisons louées ; celui-ci joue un rôle actif pour les liaisons louées jusqu'à 2 Mbit/s (brassage des IT) mais n'est qu'un point d'interconnexion pour les liaisons louées de débits supérieurs (34 et 155 Mbit/s principalement) ;

- pour les services de capacité avec interfaces alternatives : le premier brasseur ATM (ou équivalent).

Les « premiers brasseurs » de France Télécom représentent aujourd'hui de l'ordre de 250 points.

En fonction de l'évolution de la structure des réseaux, l'Autorité pourra être amenée à revoir le point de séparation entre segment terminal et circuit interurbain.


II-1.6. Distinction entre marchés de détail et marchés de gros


A la différence de la téléphonie où il existe une différence de nature entre les prestations de détail (un appel téléphonique de bout en bout) et les prestations de gros (un tronçon d'appel), pour les liaisons louées, la plupart des produits vendus aux utilisateurs finals sont aussi vendus à des opérateurs. Ainsi, les liaisons louées 2 Mbit/s sont utilisées massivement par les opérateurs mobiles entre les BTS et les BSC. De même, les offres conçues pour être vendues à des opérateurs sont parfois achetées par des entreprises qui ne sont pas fournisseurs de services de communications électroniques.

Néanmoins, si les opérateurs achètent beaucoup de produits de détail, c'est en grande partie parce qu'aujourd'hui il n'existe pas toujours des produits de gros adaptés.

La différence de la nature de la demande est telle qu'il paraît pertinent de distinguer d'une part le marché des produits vendus à des utilisateurs finals, et d'autre part le marché des produits vendus à des opérateurs.


II-2. MARCHÉ DE DÉTAIL

II-2.1. Délimitation en termes de produits et services


La délimitation en termes de services se fait en partant de l'ensemble minimal de liaisons louées et en examinant la substituabilité du côté de la demande et de l'offre de ce segment de marché avec les segments de services les plus « proches ». Si cette substituabilité est forte, ils sont inclus dans le marché pertinent avec l'ensemble minimal. Sinon, ils en sont exclus. Et ainsi de suite avec tous les services raisonnablement susceptibles de se substituer aux capacités de l'ensemble minimal.

La demande en services de capacités sur le marché de détail provient des besoins des entreprises et administrations ayant au moins deux sites et échangeant entre leurs sites des quantités importantes de services de communications électroniques (principalement de voix et de données).

Ces besoins se convertissent en consommation lorsque trois conditions sont réunies :

- avoir un intérêt économique à acheter un service de capacité plutôt qu'un service à la durée dès que l'on dépasse un certain volume d'échanges : l'achat de liaisons louées pour l'échange de la voix permet de « forfaitiser » la dépense plutôt que de payer à la durée ;

- souhaiter contrôler ou séparer la gestion d'une partie du service (notamment la partie « routage ») : l'achat d'un service de capacités plutôt que de services de transmission de données plus packagés comme les RPV IP qui peuvent rendre les mêmes services peut s'expliquer par la volonté de conserver le contrôle d'une partie du service ;

- acheter sur le marché plutôt que de déployer ses propres infrastructures : certaines des plus grandes entreprises françaises (les entreprises de transport comme la SNCF, les autoroutes, EDF) ont déployé des réseaux propres à une époque où elles trouvaient les tarifs des liaisons louées trop élevés ou parce que les réponses techniques sur le marché ne les satisfaisaient pas. L'ouverture à la concurrence et la diversification des services qu'elle a entraînée renforcent la tendance des entreprises, même les plus importantes, à externaliser leurs besoins de communications entre sites, au moins jusqu'à la couche de transport.


II-2.1.1. Inclusion de l'ensemble minimal et des autres liaisons louées

jusqu'à 2 Mbit/s dans le même marché

II-2.1.1.1. Du côté de la demande


Il y a une chaîne de substituabilité continue et forte allant des liaisons louées analogiques aux liaisons louées numériques de 2 Mbit/s, c'est-à-dire entre les liaisons louées de l'ensemble minimal et les autres liaisons louées de moins de 2 Mbit/s.



Entre les liaisons louées analogiques, numériques très bas débit et les liaisons louées numériques 64 kbit/s, il y a une substituabilité de la demande, attestée par la réalité du marché : les acheteurs remplacent leurs liaisons louées analogiques ou numériques très bas débit par des liaisons louées 64 kbit/s à mesure qu'ils passent à des applications internes plus récentes et plus consommatrices en débits et que le différentiel de prix se réduit entre ces catégories de liaisons.

La substituabilité des liaisons louées numériques de 64 kbit/s à 2 Mbit/s du côté de la demande est également attestée par la réalité du marché (montée en débits progressive des acheteurs de 64 kbit/s vers les 2 Mbit/s). Elle s'explique par les caractéristiques techniques identiques en termes d'interfaces, de qualité de service, de disponibilité géographique et d'applications (voix, données, vidéo) entre ces liaisons qui favorisent le passage au niveau supérieur dès que les besoins en débit de l'entreprise augmentent (avec la croissance de l'activité ou des évolutions dans les applications internes) ou que les prix se rapprochent.


Tableau 1 : Mesure de l'écart des tarifs entre liaisons louées

(contrat de 3 ans pour une distance de 15 km, tarifs 2004)

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France Télécom indique dans sa réponse à la première consultation publique ne pas avoir pu reconstituer cette analyse comparative « ni sur la base des tarifs 2002 ou 2003, ni sur la base des tarifs 2004 ». En effet, par soucis de concision, le document soumis à la consultation ne précisait pas les hypothèses prises (distance de la liaison de 15 km, contrat de 36 mois permettant une remise de 10 %). En tout état de cause, les tarifs de ces liaisons n'ont pas évolué entre 2002 et 2004.

La comparaison des écarts de tarifs des liaisons louées de l'opérateur historique donne des éléments pour analyser l'effet d'un test du monopoleur hypothétique en cas de hausse durable de tarifs de 5-10 % :

- une substituabilité forte entre liaisons louées analogiques et numériques très bas débit et liaisons louées 64 kbit/s ;

- une substituabilité forte entre liaisons louées 64 kbit/s et 128 kbit/s ;

- une rupture tarifaire relative entre les 128 kbit/s et les 256 kbit/s ;

- une substituabilité forte et continue entre débits compris entre 256 kbit/s et 2 Mbit/s structurées et non structurées.

La rupture tarifaire entre 128 kbit/s et 256 kbit/s ne semble pas freiner l'actuelle substitution constatée entre liaisons louées inférieures à 128 kbit/s et liaisons louées de plus de 256 kbit/s sur le marché, compte tenu de la croissance de la demande en débits plus élevés.


II-2.1.1.2. Du côté de l'offre


Jusqu'à 2 Mbit/s, la chaîne de substituabilité par l'offre ne présente pas de discontinuité forte : le réseau d'accès est le même (boucle locale de cuivre) ; le coeur de réseau logique utilisé est le même pour fournir les services (par exemple, le réseau RTNM des liaisons louées pour l'opérateur historique) ; enfin, des coûts de changements dans les équipements d'extrémités côté client (ETCD) et côté opérateur (ADM et PAM) sur un même site représentent une part limitée du coût total (19), comme le montrent les éléments de coûts du modèle d'interconnexion de liaisons louées bottom-up de l'Autorité :


Tableau 2 : Modèle bottom-up réalisé par TERA pour l'ARCEP (2002)

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Les différences de coûts selon les technologies de production des liaisons louées pour passer d'une liaison louée donnée à la liaison louée de débit immédiatement supérieure sont généralement réduites : coûts de remplacement d'équipements terminaux qui restent peu différents et surcoût de brassage dû à un débit supérieur (occupation des ports de sortie du brasseur). La seule différence de coût sensible existante se fait lors du passage d'une liaison louée de 128 kbit/s à une liaison louée de 256 kbit/s du fait de l'utilisation systématique d'une seconde paire de cuivre à partir de ce débit. Cependant, cette différence de coût n'est pas suffisamment importante pour provoquer une véritable rupture dans la chaîne de substituabilité par l'offre pour qui a déjà effectué les investissements en génie civil.


(19) En outre, ce ne sont pas des coûts perdus puisque l'opérateur peut réinstaller les équipements ailleurs jusqu'à la fin de la période d'amortissement, à l'exception peut-être de certains équipements posés dans des produits ne connaissant pas de renouvellement de la demande.



II-2.1.1.3. Conclusion


France Télécom indique dans sa contribution à la première consultation publique que les liaisons louées à 2048 kbit/s G.703 ne seraient pas substituables aux autres liaisons louées, et en particulier les liaisons louées à 1920 kbit/s G.704 au motif que les liaisons louées à 2048 kbit/s seraient exclusivement utilisées par les opérateurs mobiles.

S'il est vrai que les opérateurs mobiles utilisent beaucoup de liaisons louées à 2048 kbit/s, il faut noter que ces opérateurs utilisent aussi des liaisons louées à n*64 kbit/s et à 1920 kbit/s. De même, on peut observer que les opérateurs alternatifs fixes achètent autant de liaisons à 2048 kbit/s qu'à 1920 et 1984 kbit/s.

Les données collectées auprès des opérateurs, et en particulier auprès de France Télécom, conduisent à considérer que les demandes en liaisons louées à 1920, 1984 et 2048 kbit/s sont substituables.



En outre, du côté de l'offre, un opérateur fournisseur de liaisons louées à 2 048 kbit/s pourrait rapidement se lancer dans la vente de liaisons louées à 1 920 kbit/s, et inversement.

Du côté de la demande, la substituabilité est forte entre les liaisons louées de l'ensemble minimal et les autres liaisons louées numériques à débits intermédiaires (liaisons louées numériques à très bas débits et liaisons louées dites n*64 kbit/s) du fait d'une continuité dans la chaîne de substituabilité. Cette substituabilité par la demande est renforcée par la substituabilité par l'offre.

Sur le marché français, l'ensemble minimal de liaisons louées est donc « enveloppé » dans un ensemble plus continu en termes de débits allant des liaisons louées analogiques aux liaisons louées numériques 2 Mbit/s, qualifié d'« ensemble minimal étendu ».


II-2.1.2. Inclusion des liaisons louées jusqu'à 2 Mbit/s

et des liaisons louées de plus de 2 Mbit/s dans le même marché

II-2.1.2.1. Du côté de la demande


Parmi les produits disponibles, il y a une coupure entre 2 Mbit/s et 34 Mbit/s. Pourtant, ces deux produits ont des caractéristiques techniques et des usages similaires.

Du côté de la demande des clients, même si nombre d'entre eux ont bridé leurs applications (notamment informatiques) pour demeurer en dessous de 2 Mbit/s (20), les besoins en débits « réels » des entreprises forment un continuum en débit et ne marquent pas une rupture brutale entre 2 et 34 Mbit/s. A titre d'exemple, le nombre de circuits voix d'une liaison louée dépend du nombre d'employés des sites reliés, et ne passe pas brusquement de 2 Mbit/s à 34 Mbit/s. De même, plutôt que d'utiliser une liaison voix à 2 Mbit/s et trois liaisons de données à 2 Mbit/s séparées, les entreprises, si elles trouvaient les offres adéquates, préfèreraient faire passer tout le trafic entre deux sites sur une même liaison de débit supérieur. On peut d'ailleurs constater que sur le marché des capacités alternatives où l'offre en débits est plus riche, les entreprises optent pour des raccordements à 4, 6, 8, 10, 15, 20 Mbit/s, etc. selon leurs besoins en débits voix et données. Il y a donc une demande latente pour les liaisons louées entre 2 et 34 Mbit/s.

Les opérateurs ont d'ailleurs lancé, au cours des dernières années, des liaisons louées n*2 Mbit/s sur le marché en utilisant des protocoles permettant d'offrir ces débits aux entreprises sur des accès SDH à 155 Mbit/s (notamment le protocole GFP) (21). Ainsi, les opérateurs entrants proposent déjà des liaisons louées n*2 Mbit/s sur des boucles métropolitaines optiques et l'opérateur historique les a également incorporées dans des services comme SMHD ou VPN HD.

Sur le plan tarifaire, les opérateurs indiquent qu'ils offrent des débits compris entre 2 et 8 Mbit/s par le biais de VC-12 à 2 Mbit/s jusqu'à 4*2 Mbit/s, puis qu'ils passent à la fourniture de 34 Mbit/s, dont la tarification a été précisément calée sur ce niveau.


(20) Notamment du fait de différentiels de prix sensibles entre 2 et 34 Mbit/s. (21) Norme ETSI EN 301 164 décrivant les exigences techniques pour les connexions par ligne louée de conteneurs virtuels SDH, à savoir VC-4 (622 Mbit/s), VC-3 (155 Mbit/s), VC-2 (34 Mbit/s) et VC-12 (2 Mbit/s). Cette norme couvre le « découpage » des trames SDH en VC-12 à 2 Mbit/s sur un même accès optique.

Tableau 3 : écart des tarifs entre liaisons à 2 Mbits/s et liaisons à 34 Mbit/s (février 2006)

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Vous pouvez consulter le tableau en cliquant,
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JO no 247 du 24/10/2006 texte numéro 70
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La généralisation des accès sur fibre optique et la montée en débit des offres en cuivre devraient atténuer considérablement la rupture de la chaîne de substituabilité du côté de la demande entre liaisons à 2 Mbit/s et liaisons à 34 Mbit/s avec l'arrivée des débits intermédiaires n*2 Mbit/s (généralement utilisés jusqu'à 4*2 Mbit/s).

Pour les débits supérieurs, on voit que la tarification des opérateurs incite à passer de 34 Mbit/s à 155 Mbit/s dès lors que le besoin est de 2*34 Mbit/s.




Vous pouvez consulter le tableau dans le JO

n° 247 du 24/10/2006 texte numéro 70



Figure 1 : Ecart des tarifs entre liaisons à 2 Mbits/s, à 34 Mbit/s et à 155 Mbit/s

II-2.1.2.2. Du côté de l'offre


Du côté de l'offre, il y a aujourd'hui une rupture entre 2 Mbit/s et 10 Mbit/s, quel que soit le type d'interfaces : cette rupture dans la substituabilité de l'offre correspond au déploiement d'un réseau d'accès en cuivre pour les débits inférieurs à 8 Mbit/s et d'un réseau en fibre optique à partir de 10 Mbit/s : dans le cadre du test du monopoleur hypothétique, même si les bases de coûts communes (une grande partie du génie civil de la boucle locale) sont importantes sur une grande partie du parcours entre un réseau d'accès en cuivre et un réseau d'accès en optique, le passage d'un réseau de cuivre à un réseau optique induit des coûts fixes, des délais de travaux et administratifs (qui ont aussi un coût) qui empêchent la substituabilité par l'offre de s'exercer dans un délai court. En termes de coûts directs de réseau, un opérateur déployé dans la boucle locale en cuivre doit non seulement déployer de nouveaux câbles optiques, mais aussi des équipements de transmission, revoir la topologie et le dimensionnement du réseau d'accès, ce qui induit généralement des coûts supplémentaires de génie civil. En termes de délais, les travaux de génie civil sont longs à mener et se font généralement progressivement : les opérateurs ne raccordent jamais, sauf exception, un seul site mais déploient d'abord une boucle optique de collecte avant de raccorder les sites clients. En outre, les délais administratifs pour rouvrir les tranchées sont également longs et occasionnent des coûts supplémentaires.

Pour les débits supérieurs à 10 Mbit/s, la chaîne de substituabilité par l'offre ne présente pas de discontinuité forte (changements d'équipements représentant une part relativement réduite des coûts). Selon les informations transmises par les équipementiers, les prix de marché des équipements terminaux sont les suivants : 4 000 euros environ pour un ADM 34 Mbit/s, 5 500 euros environ pour un ADM 155 Mbit/s et 23 000 euros pour un ADM STM-4 (très rare comme produit de détail). Les différentiels de prix sur les équipements terminaux ne sont pas suffisants pour provoquer une rupture dans la substituabilité par l'offre.

Comme le souligne France Télécom dans sa réponse à la première consultation publique, l'écart de substituabilité entre liaisons sur paire de cuivre et liaisons sur fibre optique n'est pas net. En effet, le recours aux fibres optiques correspond généralement à des liaisons d'au moins 10 Mbit/s, mais il faut en fait prendre en compte l'ensemble des débits arrivant sur un même site. Ainsi sur un site où arrivent plusieurs liaisons louées ou une liaison louée et des accès voix, les liaisons louées peuvent être fournies sur fibre optique mêmes si elles sont de débits inférieurs à 10 Mbit/s. Une part importante des liaisons louées de l'ensemble minimal, et en particulier des liaisons de 2 Mbit/s, sont composées d'au moins un accès en fibre optique.


II-2.1.2.3. Conclusion


Dans une vision prospective, la substituabilité de la demande sur le segment des liaisons louées se prolonge entre 2 Mbit/s et les débits supérieurs grâce à l'arrivée des liaisons n*2 Mbit/s sur fibre optique, et ce malgré la relative rupture de substituabilité du côté de l'offre entre 2 Mbit/s et 10 Mbit/s dû au passage d'un réseau d'accès en cuivre à un réseau d'accès en optique, atténuée par l'existence de liaisons louées de moins de 10 Mbit/s en raccordement fibre sur les sites sur lesquels aboutissent plusieurs liaisons.

Sur le marché français, l'ensemble des liaisons louées, tous débits confondus, font partie du même ensemble.


II-2.1.3. Inclusion des liaisons louées et des services de capacités

avec interfaces alternatives dans le même marché


Les liaisons louées sont des produits anciens dans le secteur des télécommunications, utilisés largement par les entreprises dès les années 80. Elles ont fait l'objet d'une normalisation de la part de l'ETSI et de l'UIT, notamment au niveau des interfaces, c'est-à-dire des caractéristiques des équipements terminaux (cf. première partie). Les services de capacités de transmission avec des interfaces alternatives (ATM, Ethernet, ESCON, Fiber Channel...) sont apparus plus récemment sur le marché de détail en France, à partir de 1997. Ils ont fait l'objet d'une normalisation ou d'une standardisation de leurs caractéristiques techniques au cours des dernières années et évoluent rapidement afin d'incorporer de nouvelles fonctionnalités techniques, généralement pour rapprocher leurs caractéristiques de celles des liaisons louées tout en ajoutant des fonctionnalités supplémentaires par rapport aux liaisons louées traditionnelles. Du fait de ces évolutions, ils sont de plus en plus utilisés par les clients sur le marché de détail comme substitut aux liaisons louées.

Le mouvement de substituabilité du côté de la demande se fait dans le sens d'un remplacement des liaisons louées, capacités à interfaces traditionnelles, par des services de capacités avec interfaces alternatives (principalement vers des capacités avec interfaces en Ethernet). Cette substituabilité se fait par le remplacement de liaisons louées existantes par des services de capacités avec interfaces alternatives, avant la fin des contrats ou, plus souvent, lors des renouvellements de contrats.

L'Autorité estime que ce mouvement est suffisamment fort pour justifier l'inclusion des services de capacités avec interfaces alternatives de niveau 1 et 2 (ATM, Ethernet et liaisons de stockage informatiques de type ESCON ou Fiber Channel [SAN]) dans le même marché pertinent de détail que les liaisons louées.


II-2.1.3.1. La substituabilité du côté de la demande

a) Les facteurs de substituabilité


Les facteurs importants dans l'arbitrage et la substituabilité entre les liaisons louées et les services de capacités sont d'abord ceux listés par les lignes directrices de la Commission européenne :

- les caractéristiques techniques « objectives » : normes et standards permettent de faire des comparaisons de niveaux de qualité de service objectifs, de fonctionnalités techniques permettant de transporter différents services de communications électroniques ;

- les niveaux de prix pouvant jouer dans l'adoption de tel ou tel service (à service équivalent ou proche) et les usages sur le marché entendu dans le sens du type de services de communications électroniques transportés (voix, données, accès à Internet, vidéo).

En outre, on peut ajouter à ces facteurs proposés dans les lignes directrices deux autres facteurs jouant un rôle important sur ce marché :

- le premier est la disponibilité du service, notamment sur un plan géographique, du fait de la politique d'offre adoptée par les opérateurs : la substituabilité entre deux services peut être freinée par une couverture géographique insuffisante du territoire.

- Le second apporte une vision de plus long terme que les usages immédiats. Il s'agit de l'ensemble des paramètres de nature « psychologique » ou « organisationnelle » qui peuvent provoquer une certaine inertie dans les usages. Ici, il s'agit de la qualité de service perçue qui peut peser fortement dans les usages à court terme (notamment comme frein à la substituabilité) mais s'éroder fortement à moyen ou long terme ;



b) Les caractéristiques techniques « objectives » :

un rapprochement des caractéristiques techniques entre les deux types de services


Les liaisons louées sont des capacités de transmission transparentes, bidirectionnelles et symétriques entre deux ou plusieurs points, ce qui signifie que l'utilisateur peut en faire usage pour transporter n'importe quel service de communications électroniques (données, voix, vidéo).

Pour assurer cette transparence aux services, les liaisons louées possèdent un certain nombre de caractéristiques de qualité de service qui ont fait l'objet d'une normalisation :

- la première est la capacité à transporter des applications dites temps réel ou simultanées grâce à un temps de transmission des données inférieur à 125 millisecondes, et souvent moins pour certaines liaisons (à titre d'exemple, en France, les liaisons louées jusqu'à 2 Mbit/s (22) commercialisées par l'opérateur historique ont un temps de transmission inférieur à 50 ms ; celles de 34 Mbit/s et plus ont un temps de transmission inférieur à 5 ms) ;

- la seconde est l'interopérabilité avec toutes les applications possibles grâce à des interfaces spécifiques chez le client et dans le réseau le permettant : les interfaces disponibles en France pour ces liaisons louées sont les interfaces G703/G704, très utilisées pour le transport de la voix, notamment l'interconnexion de PABX ou les interfaces X21, V11, V35 et J64 ;

- la troisième est la fourniture d'un service de transmission bidirectionnel, avec un débit garanti spécifié dans le contrat, dédié de façon permanente à l'intérieur du réseau de l'opérateur (ce qui correspond à un mode circuit permanent établi entre les sites extrémités [23]), ce qui est un gage de sécurité et de confidentialité pour les clients (pas de partage de bande passante avec d'autres utilisateurs) ;

- enfin, les liaisons louées sont encadrées par des caractéristiques supplémentaires de qualité de service au niveau commercial élevée à un niveau européen, notamment pour l'ensemble minimal (Interruption maximale de service [IMS], temps de rétablissement [GTR]).

En outre, elles possèdent, pour les clients, des caractéristiques techniques et commerciales appréciées : une large gamme de débits, l'absence de limitation technique en termes de longueur (usages locaux, régionaux, nationaux ou internationaux) et, pour les liaisons louées numériques, une supervision par les opérateurs apportant une garantie en termes de rétablissement du service, importante pour les applications les plus critiques.

Enfin, les liaisons louées se présentent généralement sous la forme d'un service point à point ; la normalisation ETSI y fait d'ailleurs explicitement référence. Cependant, au cours des dernières années, des liaisons louées permettant des architectures point à multipoints voire maillées sont apparues. Certaines liaisons louées permettent la mutualisation de plusieurs canaux sur un même accès et de réaliser des architectures point à multipoints :

- sur des liaisons louées 2 Mbit/s, France Télécom a créé un service de liaisons louées multicanaux (canaux de 64 kbit/s) ;

- sur les liaisons louées sur des supports optiques, ce type d'architecture est possible grâce au découpage de la bande passante des 155 Mbit/s ou 622 Mbit/s en VC de 2, 34, 45 ou 155 Mbit/s (service SMHD ou VPN HD de France Télécom) (24).

Les protocoles de niveau 2 comme ATM ou Ethernet fonctionnent, contrairement aux liaisons louées, en mode paquet mais disposent également de mécanismes de gestion de la qualité de service, issus du monde de la donnée :

- le délai de latence ou de transit des paquets ou des cellules entre l'émetteur et le récepteur ; pour les applications en temps réels, les clients attendent un délai maximum de 50 millisecondes ;

- la tolérance de la gigue (variation du délai de transit) ; pour les applications temps réel, le seuil de minimisation de la gigue est élevé ;

- la taille de rafale (burst) autorisée ; c'est un paramètre important pour optimiser la consommation de la bande passante et l'adaptation du service de communication électronique de transport au profil du trafic émis ;

- le taux de pertes de paquets ou de cellule ou d'arrivée trop tardive pour un traitement utile des données : selon le trafic, les clients sont plus ou moins sensibles aux pertes de session (tolérance pour Internet mais pas pour les applications temps réel ou critiques).

Sur le plan des caractéristiques techniques, le protocole ATM a été développé pour permettre des services temps réels comme la voix et devait, en théorie, servir à tous les usages. Ainsi, la qualité CBR (débit garanti symétrique) d'ATM est souvent qualifiée de « qualité liaison louée » ou d' « émulation de circuit » : transparence aux applications transportées, symétrie et débit garanti sont proches des liaisons louées normalisées. Ainsi, pour la voix, celle-ci est découpée en paquets encapsulés dans les VC (cellules) de qualité CBR d'ATM et restituée au destinataire en temps réel. Par ailleurs, ATM, protocole issu des télécommunications, a été conçu pour pouvoir être transporté sur tous les réseaux, à la fois locaux (LAN), métropolitains (MAN), régionaux, nationaux ou internationaux (WAN) et sous la forme d'un service de niveau 1 comme une capacité de transmission brute point à point ou un service de niveau 2 du type RPV point à multipoints. En outre, les mécanismes de VC et de VP d'ATM permettent d'assurer une certaine étanchéité des flux au sein des réseaux de transport des opérateurs (que ce soit ceux d'un même client ou ceux de clients différents).

En revanche, le protocole Ethernet, issu de l'informatique et utilisé massivement dans les réseaux locaux informatiques, présentait jusqu'à récemment des caractéristiques techniques qui ne permettaient pas d'obtenir la qualité de service des liaisons louées et des limitations en terme de longueur des liaisons possibles. Cependant, au cours des dernières années, deux évolutions ont amélioré considérablement les caractéristiques techniques des services de capacités en Ethernet :

En premier lieu, des évolutions propres à Ethernet :

- l'introduction du full duplex permet de mieux gérer les débits symétriques garantis et de réduire considérablement les délais de transit en réduisant les collisions de paquets ;

- la gamme de débits en Ethernet s'est également considérablement élargie, à la fois vers des niveaux inférieurs (à 10 Mbit/s), des niveaux supérieurs (avec l'introduction du GigaEthernet) et en granularité par la dissociation entre les débits des interfaces et ceux des trafics effectivement transportés (sur une interface Fast Ethernet à 100 Mbit/s, on peut créer une liaison 20, 30, 40 Mbit/s) ;

- les possibilités de faire du multiservice grâce à l'introduction des VLAN en tête de trames Ethernet, ce qui permet grâce à l'identification d'un service donné par son VLAN de lancer des services de niveau 2 de type RPV Ethernet.

En second lieu, des évolutions extérieures à Ethernet ont eu un impact très fort sur son attractivité :

- tout d'abord, la montée en puissance de l'IP comme protocole de données fédérateur (développement de l'intranet, encapsulation d'applicatifs professionnels dans l'IP, voix sur IP) favorise Ethernet pour le transport, du fait de ses caractéristiques techniques bien adaptées à l'IP ;

- ensuite, le développement des services xDSL qui permettent d'offrir un support adapté à Ethernet pour des débits inférieurs à 10 Mbit/s ;

- l'apparition de standard d'encapsulation d'Ethernet dans des protocoles de transport comme ATM, SDH et surtout MPLS, permet à la fois de fournir des services de toutes longueurs (LAN, MAN, WAN), de renforcer l'intérêt des services de niveau 2 du type VPN et d'améliorer la qualité des services de capacités avec interfaces Ethernet par le biais de la correspondance entre VLAN (Ethernet) et VC (ATM) permettant d'obtenir une qualité de service quasiment équivalente aux liaisons louées (qualité CBR) ou entre VLAN et tags ou étiquettes de MPLS (25).

Enfin, pour les besoins liés au stockage de données, généralement à plus de 1 Gbit/s, des services de capacités issus de l'informatique comme ESCON ou Fiber Channel (et GigaEthernet) sont plus adaptés que les liaisons louées SDH traditionnelles. Du fait de leur grande substituabilité avec les applications Ethernet de moindre débit (interfaces Ethernet et FastEthernet), ils entrent, au même titre que le reste des services de capacités avec interfaces alternatives, dans le même ensemble des services de capacités.

France Télécom conteste dans sa réponse à la consultation publique le bien-fondé de l'inclusion des liens entre espaces de stockage (SAN) dans le marché étudié au motif qu'il s'agirait de produits très spécifiques. L'offre de liens entre espaces de stockage de France Télécom disponible sur tout le territoire, InterSAN, consiste pourtant en un mélange entre des liaisons ESCON et Fibre Chanel et des liaisons Fast Ethernet, Gigabit Ethernet, ATM 155 Mbit/s et SDH 155 Mbit/s. En outre, l'Autorité notait dans son avis no 2001-1001 que « L'assiette de la réduction sur le volume de chiffre d'affaires des services Inter LAN HD, Multi LAN, SMHD et SMHD Duo est étendue au service Inter SAN ».

Les améliorations de niveau de qualité des services de capacités avec interfaces alternatives permettent, en théorie, d'atteindre une qualité de service comparable aux liaisons louées traditionnelles en termes de transparence (capacité à transporter toutes les applications, notamment en temps réel), de garantie de débits, d'étanchéité des flux pour le client et d'absence de limitation en termes de longueur. Elles permettent notamment la prise en charge, dans des conditions aujourd'hui correctes, du transport de la voix sur IP à l'intérieur des réseaux d'opérateurs.

Par ailleurs, les services avec interfaces alternatives (notamment Ethernet) présentent des caractéristiques techniques supplémentaires par rapport aux liaisons louées :

- une plus grande palette de qualité de service permettant une meilleure adaptation de la tarification aux flux de données, généralement irréguliers : alors que les liaisons louées sont symétriques et de qualité CBR, les services de capacités avec interfaces alternatives peuvent être aussi bien symétriques qu'asymétriques et présenter de la qualité CBR comme de l'UBR (best effort) ou VBR (débit garanti réduit et possibilités de burst), ce qui permet de faire des économies maximales pour un trafic asymétrique et en rafale comme l'IP par rapport aux niveaux tarifaires de la qualité de débit garanti ;

- une mutualisation/multiplexage des connexions sur un seul accès pour les architectures multisites de type VPN (logique de porte pour les services de niveau 2 impossible en point à point) permettant : de faire du multiservice sur un même accès en réservant des connexions différentes et étanches à des services différents (voix, accès à Internet, réseau privé virtuel IP, données) ; d'optimiser le remplissage des accès par connexions et de faire des économies importantes sur le coût unitaire de la connexion ;

- une flexibilité/granularité des débits plus importante, notamment au-delà de 10 Mbit/s : les services avec interfaces alternatives peuvent avoir un pas de débit niveau d'1 Mbit/s (réseaux ATM ou MPLS), alors que les liaisons louées ont des pas plus rigides ;

- un coût de transport au Mbit/s plus faible (équipements de commutation moins chers, meilleur remplissage du réseau de transmission).

Enfin, les clients utilisateurs d'Ethernet apprécient de conserver la simplicité du pontage de niveau 2 pour les services de capacités avec interfaces Ethernet assurant l'interconnexion de réseaux locaux distants en lieu et place de l'usage de liaisons louées nécessitant une compétence en gestion des modems supérieure.

Sur les supports optiques (SDH ou WDM), la substituabilité entre les interfaces liaisons louées (par exemple, G 957 optique ou électrique) et les interfaces alternatives (FastEthernet, GigaEthernet, ESCON, Fiber Channel...) pour le transport de données est très forte comme l'illustre l'apparition de services couplant les deux interfaces selon les préférences du client comme SMHD ou VPN HD de France Télécom.


(22) D'un débit inférieur ou égal à 2 Mbit/s. (23) Le mode circuit signifie que l'ensemble des ressources nécessaires à une communication est préréservé en permanence lors de l'établissement de la communication. C'est le mode d'acheminement des communications vocales sur le réseau téléphonique commuté traditionnel. (24) Cf. norme ETSI EN 301 164. (25) Correspondance des VLAN avec des champs différents dédiés à la qualité de service (CoS) de MPLS au niveau 3.



c) Les prix sur le marché : un différentiel de prix attractif sur les données, encore insuffisant sur la voix


Pour le transport de données, les avantages techniques listés précédemment se cumulent sur le plan tarifaire, notamment lorsque le client utilise des applications en IP. Par ailleurs, les faibles prix de la montée en débit sur les mêmes interfaces par rapport aux liaisons louées permettent de réduire les anticipations de coûts liés à la montée en débits, ce qui intervient dans le choix des clients (par exemple, le prix de montée en débit pour passer d'une connexion à 256 kbit/s à une connexion à 2 Mbit/s sur une même interface Ethernet est très faible puisqu'il n'y a pas d'équipement à changer pour l'opérateur).

Les graphiques suivants montrent les différentiels de prix entre les services de capacités et les liaisons louées (en base 100) selon les besoins de débits du client (2, 10, 34, 100 et 155 Mbit/s) qui montrent que les strictes considérations de prix plaident pour une substitution des liaisons louées traditionnelles par des services de capacités avec interfaces alternatives.

Les services comparés sont, selon les graphiques :

- les liaisons louées Transfix de 2, 34 ou 155 Mbit/s ;

- le service TDSL ATM et Ethernet de 2 Mbit/s ;

- le service Inter LAN 1.0 Ethernet pour les débits supérieurs à 10 Mbit/s ;

- les services VPN de niveau 2, en Ethernet (Ethernet VPN/Ethernet Link) et en ATM (Multi LAN HD).

Pour un besoin de débit de 2 Mbit/s (tarifs 2004) :


Comparaison des prix des liaisons louées et des capacités

avec interfaces alternatives pour un besoin de débit de 2 Mbit/s



Vous pouvez consulter le tableau dans le JO

n° 247 du 24/10/2006 texte numéro 70





Pour un besoin de débit de 10 Mbit/s (tarifs 2004) :


Comparaison des prix des liaisons louées et des capacités

avec interfaces alternatives pour un besoin de débit de 10 Mbit/s



Vous pouvez consulter le tableau dans le JO

n° 247 du 24/10/2006 texte numéro 70





Pour un besoin de débit de 34 Mbit/s (tarifs 2004) :


Comparaison des prix des liaisons louées et des capacités

avec interfaces alternatives pour un besoin de débit de 34 Mbit/s



Vous pouvez consulter le tableau dans le JO

n° 247 du 24/10/2006 texte numéro 70





Pour un besoin de débit de 40 Mbit/s (tarifs 2004) :


Comparaison des prix des liaisons louées et des capacités

avec interfaces alternatives pour un besoin de débit de 40 Mbit/s



Vous pouvez consulter le tableau dans le JO

n° 247 du 24/10/2006 texte numéro 70





Pour un besoin de débit de 100 Mbit/s (tarifs 2004) :


Comparaison des prix des liaisons louées et des capacités

avec interfaces alternatives pour un besoin de débit de 100 Mbit/s



Vous pouvez consulter le tableau dans le JO

n° 247 du 24/10/2006 texte numéro 70





d) Les usages sur le marché


Pour le transport de la voix, l'interconnexion de PABX en mode circuit se fait via des liaisons louées G703. Jusqu'à présent, les opérateurs n'ont pas lancé sur le marché de services de capacités en ATM ou Ethernet point à point dédiés au transport de la voix. Néanmoins, vu le développement rapide attendu de la téléphonie IP entre sites d'une même entreprise, une forte substitution devrait avoir lieu, avec un transport de la voix sur des services de capacité à interfaces alternatives (encapsulée dans des VC ATM ou des VLAN Ethernet).

Pour le transport de données, la substitution des liaisons louées par les services de capacités avec interfaces alternatives est très forte et devrait s'intensifier dans les années à venir. Elle concernera principalement les services en Ethernet, à la fois en service de niveau 1 et via les VPN de niveau 2. L'interface ATM, malgré ses caractéristiques techniques de qualité de service proche des liaisons louées, n'a jamais été pleinement adoptée par les clients finals du fait de la complexité de la configuration des équipements terminaux ATM (portes ATM).

France Télécom indique dans sa consultation publique qu'il n'existe pas un unique marché des liaisons louées quels qu'en soient les débits car « il apparaît une rupture en termes de besoins et d'usages entre les sites dits "capillaires et les sites dits "centres de données qui ne permet pas de substituer des solutions de liaisons louées suivant les types de sites clients ».

Cette assertion ne peut être retenue puisque par définition si un client a des sites « capillaires », c'est qu'il a aussi des sites « centres de données ». On retrouve d'ailleurs dans les offres de France Télécom de RPV Ethernet Réseau Intra Cité et Ethernet Link cette association de débits faibles pour les petits sites et de débits importants pour les sites centraux. Pour Réseau Intra Cité le débit du site central est même égal par définition à la somme des débits des sites secondaires.


e) La disponibilité sur le territoire


Lors de la consultation publique de juin 2003, les opérateurs ont souligné que la contrainte en termes de disponibilité géographique des services xDSL risquait d'empêcher une fraction significative du territoire (évaluée à environ 30 %) de bénéficier des services Ethernet sur DSL de moins de 10 Mbit/s et de les obliger à continuer à utiliser des liaisons louées, malgré une volonté de changer de services.

France Télécom, dans sa réponse à la première consultation publique, a indiqué que ces éléments n'étaient plus d'actualité. L'opérateur semble avoir confondu l'éligibilité générale au xDSL et l'éligibilité au xDSL à 2 Mbit/s et 4 Mbit/s.

France Télécom a informé l'Autorité en décembre 2005 du lancement de deux offres de gros « CN2 » permettant de réaliser des liens à 2 Mbit/s dans des zones actuellement non éligibles au xDSL 2 Mbit/s.

Selon les hypothèses mêmes de France Télécom cette nouvelle offre ne permettra pas de fournir sur tout le territoire du 2 Mbit/s symétrique, et donc encore moins du 4 Mbit/s.

En outre, la viabilité de cette offre n'est pas encore démontrée, aucun opérateur n'ayant encore souscrit à cette offre tandis que France Télécom continue à utiliser des liaisons louées pour ses services internes (notamment Business Internet).



Vous pouvez consulter le tableau dans le JO

n° 247 du 24/10/2006 texte numéro 70





f) Qualité perçue à court et moyen terme


Pour le transport des données, la qualité perçue se rapproche rapidement de la qualité réelle : certains clients très exigeants en qualité de service (ceux du secteur financier par exemple), notamment en matière de sécurité et d'étanchéité des flux, peuvent encore avoir des réticences vis-à-vis des services de capacités avec interfaces alternatives pour le transport de leurs applications critiques :

- capacité permanente au niveau 1 « dédiée » au client au sein du réseau pour les liaisons louées contre mécanismes de sécurisation du type VLAN ou VC dans des capacités virtuelles qui ne sont pas dédiées en permanence dans le réseau ;

- crainte de la contention sur les protocoles en mode paquets comme ATM ou Ethernet et des risques de pertes de paquets alors que le taux de perte de paquets est garanti au niveau 1. D'après les informations transmises par les opérateurs, ces réticences psychologiques sont en train de disparaître rapidement vis-à-vis des services en ATM ou Ethernet grâce aux mécanismes de gestion de la contention mis en place sur les réseaux ATM ou MPLS permettant de garantir la qualité fournie. En revanche, ces réticences demeurent vis-à-vis des Réseaux privés virtuels IP.

Pour le transport de la voix, la qualité de service « perçue » de la voix sur IP est encore inférieure à la qualité de service objective au sein des entreprises. Cela créera une inertie en faveur des liaisons louées 2 Mbit/s G703, plus importante que pour la donnée.


II-2.1.3.2. Du côté de l'offre


La substituabilité par l'offre est très forte entre les capacités avec interfaces alternatives et les liaisons louées : pour un opérateur ayant déployé un réseau d'accès dans la boucle locale, que ce soit en cuivre ou en fibre optique, le passage d'une liaison louée traditionnelle à un service de capacité avec interfaces alternatives pour un même client se fait à un coût réduit (dû au changement d'équipement d'extrémité côté client et côté réseau) ; en effet, les deux services peuvent être fournis sur les mêmes coeurs de réseaux en MPLS, ATM, voire SDH.

Sur le segment des services de capacités sur fibre optique, la substituabilité par l'offre est conservée entre services de moins de 155 Mbit/s et services de plus de 1 Gbit/s : malgré des différences de coûts sensibles entre les équipements terminaux (commutateurs ou convertisseurs optiques) de moins de 155 Mbit/s et de plus d'1 Gbit/s, ceux-ci sont bien moindres que le déploiement de capacités de transmission dans l'accès et les différentiels devraient s'atténuer à l'avenir (26). Par ailleurs, les équipements terminaux peuvent être installés rapidement et sont réutilisables auprès d'un autre client, ce qui atténue grandement l'impact du passage d'un service à l'autre pour les opérateurs. D'ailleurs, tous les opérateurs fournissant des services de moins de 155 Mbit/s fournissent également des services à débits supérieurs à 1 Gbit/s.

Cela est illustré par deux services de France Télécom, SMHD et VPN HD, qui proposent, sur des couches SDH ou WDM, aussi bien des interfaces liaisons louées (interfaces SDH à 34 et 155 Mbit/s) que des interfaces Fast Ethernet, GigaEthernet ou de stockage informatiques.


(26) Ainsi, les équipementiers ont transmis à l'ARCEP les niveaux de prix suivants pour les équipements terminaux : un convertisseur Ethernet optique avec interface FastEthernet coûte environ 4 000 euros contre 7 500 euros pour un équipement GigaEthernet et 20 000 euros pour un équipement SAN.



II-2.1.3.3. Conclusion


La substituabilité du côté de la demande entre liaisons louées et services de capacités est forte, notamment pour les débits de plus de 10 Mbit/s sur fibre optique. Cette substituabilité par la demande est renforcée par une forte substituabilité par l'offre.

Sur le marché français, l'ensemble des liaisons louées, tous débits confondus, et des services de capacités avec interfaces alternatives font partie du même ensemble des services de capacités.


II-2.1.4. Inclusion des services de capacités non filaires


L'analyse de l'Autorité étant technologiquement neutre, les services de capacités produits autrement que par des technologies filaires, s'ils sont substituables aux liaisons louées filaires, sont inclus dans le même marché.

Il est à noter que cette catégorie de services de capacités (liaisons satellites, Wifi, Wimax...) représentait moins de 1 % de la valeur du marché en 2004 et, au vu des contraintes techniques et des investissements nécessaires, elle devrait rester marginale pendant la durée de la présente analyse. S'il tel ne devait pas être le cas, l'Autorité pourrait, conformément aux dispositions de l'article D. 301 du CPCE, anticiper une nouvelle analyse.


II-2.1.5. Exclusion des RPV IP du marché pertinent des services de capacités


Les réseaux privés virtuels IP (RPV IP) sont des services de communications électroniques simulant une continuité de réseau IP entre différents sites.



II-2.1.5.1. Du côté de la demande


Les RPV IP sont actuellement en plein essor. Une partie de cet essor provient du remplacement massif des anciens contrats de transmission de données commutées en X.25 ou frame relay par des contrats RPV IP ; cette substitution n'est pas examinée par cette analyse de marché. L'autre essor des RPV IP provient de la substitution des anciens contrats de liaisons louées de détail souscrits par des clients multi-sites en RPV IP. Cette substitution provient de deux phénomènes majeurs : la montée en puissance déjà mentionnée des applications en IP dans les entreprises (remplacement d'anciennes applications informatiques, notamment avec l'intranet ou encapsulation des applications informatiques antérieures pour le transport, enfin, convergence voix-donnée avec la voix sur IP) et montée en puissance des capacités avec interfaces alternatives (services xDSL) comme support des RPV IP en remplacement des liaisons louées traditionnelles dans le réseau d'accès. Ces facteurs de substituabilité des liaisons louées de détail vers les RPV IP sont les mêmes que ceux étudiés pour les services de capacités avec interfaces alternatives de détail.

Le principal frein à la substituabilité des liaisons louées et services de capacités avec interfaces alternatives et des RPV IP est la différence dans le mode d'achat adopté par les entreprises : certaines entreprises ou administrations qui achètent des services de capacités souhaitent séparer la fourniture de capacités (niveau 1 ou 2) de la fonction de routage IP entre équipements actifs installés dans les sites reliés (niveau 3) : cette séparation correspond :

- soit à la volonté de conserver la fonction de routage IP en interne pour mieux la contrôler, notamment pour des considérations de qualité de service : les réticences des clients de liaisons louées attachés à l'aspect garanti, dédié et sécurisé de la bande passante fourni par les liaisons louées, qui sont en train de s'atténuer pour les services ATM ou Ethernet du fait des mécanismes de gestion de la qualité de service au niveau 2, demeurent largement vis-à-vis des RPV IP ;

- soit à la volonté de mettre en concurrence les opérateurs de réseau avec des intégrateurs en constituant un lot séparé de celui de la transmission de données afin d'en retirer un surcroît de concurrence (baisse des prix ou meilleure qualité de service). A l'inverse, l'achat d'un service de réseau privé virtuel IP, plus packagé que la simple capacité de niveau 1 ou 2, est le fait d'entreprises et d'administrations qui externalisent la fonction de routage entre leurs sites auprès d'un opérateur ou d'un intégrateur.


II-2.1.5.2. Du côté de l'offre


Il n'y a pas de substituabilité du côté de l'offre car les intégrateurs qui fournissent les RPV IP n'ont pas de nécessité de posséder un réseau en propre et ne sont donc pas en mesure de fournir des services de capacités.


II-2.1.5.3. Conclusion


Les services de RPV IP ne sont pas substituables aux liaisons louées.


II-2.1.6. Exclusion des services de transmission de données (X.25 et Frame Relay)

du marché pertinent des services de capacités


Le positionnement concurrentiel des services X.25 et Frame Relay est proche de celui des RPV IP. Il est donc considéré que ces services ne sont pas substituables aux liaisons louées.


II-2.1.7. Exclusion des services de niveau « 0 » du marché pertinent des services de capacités


Sur le marché de détail, l'achat de services support est très rare et ne présente pas de « substituabilité » avec les services de capacités.

Tout d'abord, la demande potentielle pour des services « support » reste rare et marginale : seules quelques très grandes entreprises ayant des besoins non satisfaits pour des débits très élevés le manifestent. La demande potentielle est également « restreinte » par une offre rare, que ce soit de la part des gestionnaires d'infrastructures ou de la part des opérateurs. Les gestionnaires d'infrastructures et les opérateurs ne louent pas ces supports (paires de cuivre ou fibre optique) aux clients du marché de détail, sauf exception (collectivités locales notamment) car ils en retirent une valeur ajoutée très faible. Par ailleurs, les opérateurs refusent que leurs clients retirent les équipements terminaux des services de capacité qu'ils commercialisent pour poser leurs propres équipements sur des paires de cuivre ou des fibres optiques (clauses contractuelles).

France Télécom, dans sa réponse à la première consultation publique, approuve cette exclusion et indique que « les services de niveau "0 ne font pas partie du marché pertinent de détail des services de capacité : à l'exception des collectivités locales [..] les gestionnaires d'infrastructures ou les opérateurs ne louent généralement pas les supports nus aux clients du marché de détail ».

Toutefois, France Télécom souligne également qu'il convient que « soient intégrés dans le périmètre d'analyse, les "services supports dès lors que leur utilisation par les acteurs les rend effectivement substituables aux "liaisons louées alternatives [..] faisceaux hertziens, Wi-FI, WiMax, liaisons satellitaires [et] courants porteurs en ligne. »

Comme indiqué précédemment, les services de capacité produits autrement que par des technologies filaires sont inclus dans le marché, mais pas les services supports sous jacents.


II-2.2. Délimitation géographique


France Télécom est présent sur l'ensemble du territoire d'analyse. Certains produits sont proposés de façon identique sur l'ensemble du territoire (par exemple les liaisons louées Transfix), et d'autres ne sont disponibles que dans les zones les plus denses (par exemple VPN HD). La disponibilité des services très haut débit évolue rapidement : France Télécom a ajouté plusieurs listes supplémentaires de communes éligibles à son offre Ethernet Link quelques mois après avoir lancé l'offre.

Quant aux opérateurs alternatifs, ils ne couvrent aujourd'hui par leurs réseaux propres que quelques agglomérations, mais peuvent proposer des services de détail sur une grande partie du territoire en utilisant les offres de gros de l'opérateur historique. Là encore le déploiement des opérateurs alternatifs est en cours d'augmentation.

Il n'existe donc pas de critères objectifs permettant de délimiter plusieurs zones géographiques en fonction de la couverture des réseaux. La délimitation d'un marché géographique pertinent englobant le périmètre effectivement déployé des réseaux des opérateurs n'aurait pas de sens dans le cadre de la régulation sectorielle ex ante car le périmètre des réseaux est relativement mouvant et changeant, notamment du point de vue du dégroupage total, ce qui ne nécessiterait une révision permanente de la délimitation des marchés et une insécurité juridique pour le marché.

A cet égard, il convient de souligner que le Conseil de la concurrence dans son avis no 2005-A-03 du 31 janvier 2005 relatif à l'analyse des marchés du haut débit a estimé qu'une segmentation du territoire national, hormis le cas de Saint-Pierre-et-Miquelon, ne serait pas justifiée. Il a ainsi noté qu'en ce qui concerne la délimitation géographique des marchés d'accès à large bande les frontières des zones dégroupées et non dégroupées évoluent rapidement et que « les conditions de concurrence sur ces zones sont directement liées à la progression de la capillarité des réseaux des opérateurs et à leur déploiement sur les répartiteurs ouverts par France Télécom au dégroupage. Si ce déploiement doit à terme rencontrer une limite du fait de perspectives de rentabilité insuffisantes sur les zones restant à couvrir, cette limite n'est pas connue aujourd'hui. [...] S'il ne peut donc être exclu que, sur certaines zones non dégroupées, subsiste un monopole de fait de France Télécom sur les offres de gros d'accès large bande et une position prépondérante des offres de détail de Wanadoo, cette perspective ne préjuge cependant pas des limites du dégroupage lui-même. Une délimitation géographique des zones non dégroupées pourrait donc artificiellement figer le marché et restreindre sa dynamique. L'absence de distinction à priori s'inscrit bien, au cas d'espèce, dans la démarche prospective imposée par le nouveau cadre réglementaire, particulièrement pertinente sur les marchés du haut débit compte tenu des évolutions très rapides qui peuvent y être constatées. »

L'Autorité estime qu'une segmentation géographique trop fine des marchés de capacité aurait également pour conséquence d'opérer une distinction arbitraire entre les différentes zones géographiques et de figer le marché.

Enfin, le cadre juridique étant le même sur l'ensemble du territoire, il n'existe pas de critère justifiant une distinction de zones géographiques en fonction de différences de réglementation.

Il est à noter que l'enquête quantitative conduite par l'Autorité pour estimer les « parts de marché » des opérateurs dans les dix premières agglomérations où les opérateurs entrants ont déployé des infrastructures propres en chiffre d'affaires et en parcs s'est heurtée à l'incapacité des opérateurs nationaux à fournir une ventilation géographique de leur activité, à l'exception d'une ventilation approximative de leur parc de services pour les débits supérieurs à 2 Mbit/s pour l'année 2002 pour les services d'envergure locale (c'est-à-dire ayant leurs deux extrémités dans la même agglomération) ; même l'opérateur qui réclamait une segmentation géographique des marchés n'a pas fourni de ventilation de ses propres services selon la découpe qu'il proposait.


II-2.3. Pertinence du marché de détail


La recommandation de la Commission européenne concernant les marchés pertinents de produits et services dans le secteur des communications électroniques propose comme délimitation du marché de détail la fourniture au détail de lignes louées dans le cadre de l'ensemble minimal.

En appliquant un test « théorique » du monopoleur hypothétique sur le marché de détail des capacités, on finit par incorporer au marché pertinent les services suivants substituables par la demande à l'ensemble minimal jusqu'à une rupture de la chaîne de substituabilité :



Vous pouvez consulter le tableau dans le JO

n° 247 du 24/10/2006 texte numéro 70





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JO no 247 du 24/10/2006 texte numéro 70
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Cette extension du marché de détail conduit à la délimitation d'un marché plus vaste que celui proposé par la Commission dans sa recommandation, limité à l'ensemble minimal de liaisons louées.

Cependant, le nouveau marché défini répond aux trois critères pour la délimitation d'un marché pertinent ex ante.


II-2.3.1. Barrières à l'entrée


Tout d'abord en ce qui concerne le premier critère relatif aux barrières à l'entrée, ce marché est effectivement caractérisé par d'importantes barrières à l'entrée qui perdureront à l'horizon de la présente analyse.

En effet, l'entrée sur ce marché nécessite un coût d'investissement important, en particulier parce qu'il est impossible, techniquement et économiquement, de dupliquer la boucle locale mais aussi le réseau de desserte inter-répartiteur de France Télécom. Le niveau des investissements nécessaires des opérateurs comparés aux revenus procurés par les services reste une barrière économique à l'entrée très élevée, notamment pour les opérateurs qui ne sont présents que sur le marché professionnel.

L'introduction du dégroupage total permet de réduire le coût de déploiement dans la boucle locale pour les services de moins de 10 Mbit/s. De même, le déploiement d'infrastructures optiques en propre permet d'accéder aux sites des clients pour leur fournir des services de plus de 10 Mbit/s. Cependant, le dégroupage total et le déploiement des infrastructures optiques des opérateurs entrants ne devraient se limiter que dans les principales zones d'activité économique réunissant suffisamment de demande potentielle pour rentabiliser les investissements nécessaires et donc n'avoir qu'un impact insuffisant sur la période couverte par l'analyse de marché pour réduire sensiblement l'avantage conféré par le contrôle de l'infrastructure d'accès aux sites clients sur le segment terminal.

France Télécom, dans sa réponse à la première consultation publique, indique que « 71,5 % des extrémités de liaisons louées aboutissent sur des NRA sur lesquels se trouvent des infrastructures de dégroupage en service. [...] De plus, dès aujourd'hui, 60 % des liaisons louées ont une extrémité localisée sur des communes où au moins un opérateur est présent sur le marché entreprise via des offres construites à partir du dégroupage ainsi que d'un réseau local en fibre optique. Le marché des liaisons louées est ainsi beaucoup plus facile à couvrir par les opérateurs tiers que celui des lignes principales cuivre, ce qui diminue considérablement les barrières à l'entrée sur ce marché. »

Il est difficile de tirer une conclusion de ces éléments. Tout d'abord, les liaisons louées ayant deux extrémités, le fait que 71,5 % des extrémités aboutissent sur des NRA dégroupés ne dit rien sur le nombre de liaisons louées dont les deux extrémités aboutissent sur des NRA dégroupés. L'archétype de la liaison louée étant une liaison entre un centre serveur et des sites capillaires ruraux, il semble raisonnable de considérer, vu le chiffre avancé par France Télécom, que plus de 50 % des liaisons louées ont une extrémité qui aboutit sur un NRA qui n'est dégroupé par aucun opérateur. Ensuite, toute liaison louée aboutissant sur des NRA dégroupés n'est pas nécessairement réplicable par une offre xDSL via le dégroupage. En effet, comme évoqué au [II-2.1.3.1](e) et au II-3.1, toute liaison louée ETSI ne peut pas être migrée facilement vers une offre sDSL. Enfin, la référence aux LPT est non pertinente puisqu'en l'absence de régulation des liaisons louées, une telle offre n'existerait pas.

En outre, l'opérateur historique dispose de nombreux avantages, en sa qualité de premier entrant sur ce marché. Tout d'abord, il bénéficie d'importantes économies d'échelle et de gammes grâce à l'importance de ses volumes de production. Il dispose également d'une gamme de service plus étendue que celle des opérateurs alternatifs. Enfin, le marché des services de capacités est caractérisé par des coûts de changement d'opérateurs très élevés qui poussent les entreprises à réaliser des lots importants, d'une durée assez longue et à réduire le nombre de fournisseurs pour ce type de services, tendances qui favorisent l'opérateur en place. Par conséquent, les opérateurs en place, et en particulier l'opérateur historique, disposent de conditions plus favorables que les éventuels nouveaux entrants.

France Télécom évoque dans sa réponse à la première consultation publique les technologies de type satellitaire ou boucle locale radio (Wimax, etc.) qui permettraient de substituer de nouveaux services de capacité aux liaisons louées traditionnelles. France Télécom, dans sa réponse à la deuxième consultation publique achevée le 21 juillet 2006, note que 49 licences régionales Wimax ont été attribuées début juillet 2006 par l'ARCEP. Sur la durée d'analyse, l'Autorité considère que ces technologies ne seront pas en mesure d'abaisser significativement les barrières à l'entrée. Les services de capacité non filaires représentent aujourd'hui moins de 1 % du marché. Il faut noter que les technologies utilisant la propagation aérienne ont des caractéristiques techniques qui les rendent difficilement utilisables pour supporter des services de capacité. En outre, le déploiement d'un réseau permettant d'utiliser de telles technologies avec une qualité de service suffisante demande de très forts investissements.

L'Autorité estime que les technologies utilisant la propagation aérienne ne devraient pas abaisser significativement les barrières à l'entrée du marché des liaisons louées dans les trois années à venir. Dans le cas contraire, l'Autorité anticiperait le renouvellement de la présente analyse des marchés des services de capacité pour adapter ses conclusions, comme le prévoit l'article D. 301 du CPCE.

France Télécom, toujours dans sa réponse à la première consultation publique, souligne que le développement des délégations de services publics (DSP) facilite le développement des nouveaux entrants. L'Autorité considère que les DSP, à l'horizon de l'analyse de marché, ne seront pas en mesure d'abaisser significativement les barrières à l'entrée (cf. section III-2.2.3). Dans le cas contraire, l'Autorité anticiperait le renouvellement de la présente analyse des marchés des services de capacité pour adapter ses conclusions, comme le prévoit l'article D. 301 du CPCE.



II-2.3.2. Absence d'évolution vers une situation de concurrence effective


En ce qui concerne le second critère lié à l'absence d'évolution vers une situation de concurrence effective, il est également rempli. En effet, il convient de noter que dans l'ancien cadre, France Télécom était soumis à une obligation de contrôle tarifaire de ses offres de détail. Malgré ce contrôle et en raison de la complexité de ce marché caractérisé par de nombreuses offres sur mesure difficilement appréhendables dans cet ancien cadre, France Télécom a conservé une part de marché supérieure à 85 % de 2001 à 2004. Dans l'analyse prospective menée par l'Autorité dans le chapitre suivant relatif à la puissance, il est démontré que cette puissance ne devrait pas significativement évoluer à l'horizon de la présente analyse.

En outre, malgré l'existence d'une régulation sectorielle, ou en raison de son inadaptation dans l'ancien cadre, France Télécom a été tentée de mettre en oeuvre à plusieurs reprises des pratiques d'éviction. Peut en particulier être cité le cas de l'offre de détail Ethernet Link. France Télécom avait proposé à l'homologation une offre de détail à interface Ethernet que les opérateurs alternatifs n'étaient pas en mesure de répliquer alors même que ce segment de marché était en plein développement. Par conséquent, l'Autorité a émis un avis défavorable à son homologation et n'a modifié cette position que lorsque France Télécom a été en mesure de démontrer qu'elle avait mis en oeuvre une offre de gros permettant aux opérateurs alternatifs de répliquer cette offre de détail. En l'absence de régulation, France Télécom aurait donc pu évincer du marché les opérateurs entrants.

De même, dans la mesure où le fonctionnement de ce marché se caractérise par de nombreuses offres sur mesure, l'opérateur historique est en mesure d'apprécier pour chaque appel d'offres, les zones où il demeure le seul opérateur capable de répondre et celles où il peut potentiellement avoir des concurrents. Il peut donc être amené à adopter des stratégies différentes d'un point de vue technique ou tarifaire pour ces deux types de zone et formuler des propositions pas nécessairement réplicables par les opérateurs concurrents, lorsqu'ils sont susceptibles de répondre également à l'appel d'offres.

A cet égard, l'Autorité note que les opérateurs alternatifs dans leur contribution à la consultation publique soulignent unanimement l'importance du maintien de la régulation de ce marché.

Il n'existe pas de raison objective permettant de considérer que ce type de comportement ne serait pas également adopté dans le futur, le risque étant encore plus grand si toute régulation devait être supprimée sur le marché de détail tel que défini par l'Autorité.

Dans la mesure où les parts de marché des différents opérateurs ne sont pas susceptibles d'évoluer significativement à l'horizon de la présente analyse, notamment en raison des fortes barrières à l'entrée, et eu égard au comportement passé de l'opérateur historique, la levée de toute régulation à ce stade d'évolution du marché aurait nécessairement pour effet de mettre un terme au développement de la concurrence, malgré les investissements déjà importants engagés par les opérateurs alternatifs.


II-2.3.3. Insuffisance du droit de la concurrence

pour remédier aux problèmes de concurrence constatés


Enfin, le troisième critère est relatif à l'insuffisance du droit de la concurrence pour remédier aux problèmes de concurrence constatés.

Il convient de rappeler que l'objectif du nouveau cadre, et de l'Autorité, est de favoriser la régulation des marchés de gros.

Au titre de la présente analyse, l'Autorité propose effectivement d'améliorer la régulation des marchés de gros des services de capacité, afin notamment de veiller à la réplicabilité des offres de détail. En outre, la régulation du marché de détail proposée va également dans le sens d'un allégement des contraintes par rapport à l'ancien cadre où toutes les offres de détail de liaisons louées étaient soumises à homologation préalable. Toutefois, en raison des éléments exposés ci avant, l'Autorité considère que supprimer toute régulation du marché de détail des services de capacité, à l'exception de l'ensemble minimal, aurait pour effet de mettre un terme au développement de la concurrence sur ce segment de marché et de désinciter les opérateurs à investir.

Le marché de détail tel que défini par l'Autorité connaît deux spécificités : il comprend un nombre important et complexe de produits d'une part, et, d'autre part, il est caractérisé par de nombreuses offres sur mesure.

Or, le droit de la concurrence n'est pas nécessairement le mieux outillé pour traiter ce genre de spécificités. En effet, il peut lui être difficile par exemple d'appréhender, en particulier au titre des mesures conservatoires, une seule offre sur mesure qui sans nécessairement être prédatrice peut avoir pour effet d'évincer les concurrents potentiels en raison d'une absence de réplicabilité de cette offre.

A cet égard, le raisonnement tenu par le Conseil de la concurrence dans son avis no 2005-A-05 du 16 février 2005 sur l'analyse des marchés de la téléphonie fixe peut être transposé au cas d'espèce. Il précisait : « Toutefois, par rapport aux marchés du haut débit sur lesquels le Conseil était saisi dans son avis du 31 janvier 2005, les marchés de détail de la téléphonie fixe, même limités aux abonnés résidentiels, se caractérisent par une multiplicité d'offres et de tarifs, dont chacune peut être, au moment de sa mise en place, d'un poids trop limité dans l'ensemble pour que l'octroi de mesures conservatoires soit justifié. Celui-ci nécessite en effet que puissent être démontrées une atteinte grave et immédiate au secteur ou à une entreprise, et l'existence d'un lien de causalité direct et certain entre cette atteinte et la pratique. Ces conditions peuvent se révéler difficiles à satisfaire dès lors qu'il s'agit de se prononcer sur la tarification de services très spécifiques mais qui néanmoins pourraient présenter des risques de distorsion de concurrence dont les effets pourraient ne pas être négligeables à moyen terme. »

En outre, pour favoriser le développement de la concurrence sur le marché de détail, il est primordial de veiller à la réplicabilité des offres de détail de l'opérateur historique et d'inciter les opérateurs à investir dans leurs propres infrastructures. Or, l'Autorité est d'avis que la régulation sectorielle dispose d'outils plus adaptés en ce qu'elle peut en particulier imposer sur le marché de détail une obligation de comptabilisation des coûts spécifiques et sur les marchés de gros des obligations de ne pas pratiquer des tarifs excessifs, et non une obligation de reflet des coûts, pour certaines prestations afin d'inciter à l'investissement, ou encore une obligation de séparation comptable.

Grâce au nouveau cadre, l'Autorité sera plus à même de réguler les marchés de gros. Toutefois, dans la mesure où cette régulation n'est pas encore effective et portera ses fruits à moyen, voire, long terme, il demeure indispensable à l'horizon de la présence analyse de conserver un contrôle du marché de détail à travers une régulation sectorielle.


II-2.4. Conclusion sur les marchés de détail


L'Autorité définit le marché pertinent de détail des services de capacité comme comprenant l'ensemble minimal, les liaisons louées jusqu'à et supérieures à 2 Mbit/s, ainsi que les services de capacité à interfaces alternatives. Ce marché couvre l'ensemble du territoire d'analyse.

Il exclut les RPV IP, les anciens services de transmission de données (X.25 et Frame Relay) ainsi que les services support.

Cette définition a été approuvée par le Conseil de la concurrence et validée par la Commission européenne, cf. partie II-5.


II-3. MARCHÉS DE GROS DU SEGMENT TERMINAL

II-3.1. Délimitation du marché de gros du segment terminal en terme de produits et services


Les besoins de capacités des opérateurs sur le segment terminal servent à raccorder leur POP à deux types de sites :

- des sites de clients finals professionnels, entreprises ou administrations (besoins de demi-circuits) pour leur fournir des services de détail (services de capacités de détail, accès à internet bas et haut débit, voix, X.25, frame relay ou RPV IP). Dans ce cas l'opérateur installera par ses moyens propres ou achètera sur le marché libre du segment terminal le service de capacité le plus adapté qui servira d'input à la fourniture du service de détail. Il pourra notamment, si cela est techniquement réalisable, mutualiser sur un seul service de capacité (un seul accès) des besoins de plusieurs marchés de détail séparés mais partageant les mêmes services support de niveau 1 ou 2 ;

- des sites capillaires de réseau pour compléter son propre réseau dorsal ou le réseau dorsal de l'opérateur client.

Dans la recommandation sur les marchés pertinents de la Commission, la fourniture de capacités sur le segment terminal n'est pas restreinte en interfaces ni en débits. Comme signalé dans l'introduction, cette recommandation mentionne néanmoins le fait de pouvoir segmenter les marchés selon les débits.

Du périmètre complet des produits du segment terminal, il faut tout d'abord exclure les services du marché 12, puis distinguer les débits inférieurs à 10 Mbit/s et supérieurs à 10 Mbit/s.

Les services du marché 12, ou marché de gros des offres d'accès large bande livrées au niveau régional, sont en effet soumis à une régulation spécifique, en vertu de la recommandation de la Commission précitée. L'ARCEP a finalisé son analyse de ce marché à travers les décisions susvisées no 2005-278 et no 2005-280 du 19 mai 2005.



France Télécom indique dans sa réponse à la première consultation publique : « Le périmètre d'analyse devrait s'étendre ainsi en réalité, très au-delà des segments identifiés, à l'ensemble des liaisons supports de capacités de transmission et inclure également une partie des liaisons relevant des marchés 11 et 12. En effet, le dégroupage, les offres de gros d'accès et de collecte haut débit s'ajoutent aux offres de gros de services de capacités et aux réseaux propres des acteurs, leur permettant de composer des offres aisément substituables aux liaisons louées et d'abaisser ainsi de façon significative les barrières à l'entrée. La grande majorité des sites principaux entreprises est ainsi à portée des opérateurs tiers via les offres xDSL ou via le dégroupage. » Elle réitère son commentaire dans sa deuxième contribution.

L'Autorité considère cependant qu'au sens du cadre réglementaire européen précisé par les « lignes directrices » de la commission un produit de communications électroniques ne peut être que dans un seul marché. En l'espèce, le dégroupage et les offres de bitstream ont été inclus dans des marchés pertinents spécifiques dans les décisions de l'Autorité susmentionnées. L'Autorité admet qu'il puisse y avoir une certaine forme de substituabilité entre ces produits et les produits du marché 14, mais celle-ci n'est pas suffisante pour les considérer dans un même marché. Même si ces produits sont considérés dans des marchés distincts, l'Autorité, dans son analyse de la pertinence du marché du segment terminal, des opérateurs y exerçant une influence significative ainsi que des obligations nécessaires pour remédier aux problèmes concurrentiels, prend en compte l'existence de ces produits et leurs liens avec les produits analysés.

Enfin, il faut noter que, si certains produits du marché 12 peuvent en effet être utilisés par les opérateurs alternatifs pour construire des produits du marché de détail des liaisons louées, non seulement ce n'est pas à ce jour leur principal usage (le principal usage est de construire des accès à Internet), mais en plus ils ne permettent pas de répondre à l'ensemble de la demande en produits de détail de liaisons louées de moins de 10 Mbit/s. Tout d'abord ils ne sont pas disponibles sur tout le territoire avec un débit suffisant (selon une estimation optimiste, 15 % du parc de liaisons louées des opérateurs alternatifs à 2 Mbit/s ne sont pas éligibles au SDSL). Ensuite, il existe un parc historique très important en HDSL ou même dans des technologies plus anciennes antérieures à 1995 (27). Une grande partie de ce parc est très difficile à migrer en raison du caractère critique des interruptions de service et des difficultés de reconfiguration (28). Enfin, quand bien même la liaison louée pourrait être techniquement produite en SDSL, cela ne correspondrait pas à toutes les demandes, en particulier celle des clients qui exigent une bande passante clear channel, c'est-à-dire non supportée par un réseau à commutation de paquets.


(27) France Télécom maintient pour ses clients de détail des liaisons à 2 Mbit/s produites sur des technologies antérieures à HDSL (utilisé depuis le milieu des années 90) nécessitant des parties de cuivre particulières dites « HF ». (28) En outre, le système de remise au volume sur l'ensemble du parc de Transfix rend économiquement non viable une migration progressive du parc.



II-3.1.1. Substituabilité des segments terminaux de liaisons louées

et avec interfaces alternatives

a) Du côté de la demande


Dans le passé, les opérateurs achetaient plutôt des segments terminaux à interface traditionnelle, pour offrir un service de détail voix ou liaison louée traditionnelle, et des segments terminaux à interface alternative plutôt pour offrir un service de détail d'accès à Internet ou de liaison louée à interface alternative. Même dans le second cas, l'opérateur était contraint d'acheter des segments terminaux traditionnels dans les zones où les services à interface alternative n'étaient pas disponibles.

L'évolution des protocoles et l'amélioration de la qualité de service des segments terminaux à interface alternative rend de plus en plus possible l'utilisation de ces derniers pour un usage mixte.

Au final, l'utilisation des différentes interfaces sur le segment terminal suit les tendances suivantes :


Tableau 4 : Evolution de l'utilisation des interfaces traditionnelles et alternatives



Vous pouvez consulter le tableau dans le JO

n° 247 du 24/10/2006 texte numéro 70





Avec l'extension de la couverture du DSL et les progrès de la convergence voix-données, la substituabilité des liaisons louées par les services de capacités avec interfaces alternatives par les opérateurs adressant les marchés de détail est forte sur le marché de gros du segment terminal.


b) Du côté de l'offre


La substituabilité de l'offre sur le segment terminal est équivalente à celle sur le marché de détail des liaisons louées (cf. II-2.1.3.2).


c) Conclusion


Du fait de l'existence d'une forte substituabilité du côté de la demande et de l'offre, les liaisons louées et les services de capacités avec interfaces alternatives sont inclus dans le même marché du segment terminal.


II.-3.1.2. Définition d'un marché global du segment terminal

incluant les services de moins de 10 Mbit/s et ceux de plus de 10 Mbit/s


Le Conseil de la concurrence, dans son avis no 2006-A-10 du 12 mai 2006 susvisé a invité l'Autorité à renoncer à la distinction entre le marché des services de moins de 10 Mbit/s et le marché des services de plus de 10 Mbit/s du fait de la substituabilité des produits du marché du segment terminal en terme de fonction, indépendamment du débit.

La séparation justifiée par le passage d'un support cuivre à un support fibre risque en effet de devenir rapidement obsolète, comme le fait remarquer le conseil. De plus, conformément à l'analyse de l'Autorité qui précède, la frontière entre ces deux types de service est amenée à évoluer si l'on se place dans une démarche prospective, c'est pourquoi l'Autorité décide en définitive de ne définir qu'un seul marché de gros du segment terminal.


a) Du côté de la demande


Du côté de la demande, en cas de mutualisation des architectures d'interconnexion entre bas et haut débit, la substituabilité est techniquement très forte en théorie (possibilités de mutualiser plusieurs « feuilles » sur un même tronc, que ce soit les LPT sur les LA ou les feuilles TDSL et CE2O sur un même tronc).

Dans les faits, les opérateurs entrants sont encore un peu marqués par leur mode d'entrée sur le marché. Celle-ci a créé une petite discontinuité dans la substituabilité en débits sur le segment terminal avec une polarisation des opérateurs, soit sur des services à moins de 10 Mbit/s, soit sur des services à plus de 10 Mbit/s : les opérateurs ayant déployé des MAN optiques sont restés plutôt concentrés sur des services à plus de 10 Mbit/s, notamment Ethernet, et faiblement actifs sur les services de moins de 10 Mbit/s (notamment les RPV IP). A l'inverse, les opérateurs entrés sur le marché en déployant un réseau national sont eux restés concentrés sur des besoins à moins de 10 Mbit/s, notamment les services de transmissions de données en frame relay ou RPV IP.

Cette situation devrait évoluer avec la disponibilité d'offres de gros dans tous les segments de débits, la volonté des opérateurs de couvrir la totalité des segments de marché, la montée en débits des sites sur le territoire et la généralisation de services de type VPN induisant sur tout le territoire des besoins dans une large gamme de débits de raccordement.


b) Du côté de l'offre


Du côté de l'offre, il existe une rupture relative de la substituabilité vers 10 Mbit/s correspondant au passage du cuivre à la fibre optique.


c) Conclusion


Dans une analyse prospective et respectueuse du principe de neutralité technologique, et afin de prendre en compte l'avis du Conseil de la concurrence précité, l'Autorité estime justifié de ne définir qu'un marché de gros du segment terminal.


II-3.1.3. Exclusion des services support des marchés


Les services support (niveau « 0 ») de gros ne sont pas soumis aux mêmes contraintes concurrentielles.

Les services support au marché de gros du segment terminal se situent en amont de ce marché, et les transactions concernant le support sont courantes (paire de cuivre nue via le dégroupage total ou mise à disposition de fréquences via le dégroupage partiel, location de fibres noires, location de fourreaux).



Lorsque c'est possible, l'achat de support est souvent préféré par les opérateurs à l'achat de services de capacités ; il y a d'ailleurs une demande non satisfaite pour des services supports (notamment la location de fourreaux ou de fibre noire), qui se reporte sur les services de capacité.

L'Autorité considère néanmoins, au titre de la présente analyse, que ces services ne font pas partie du marché du segment terminal (avec une substituabilité avec les services de niveau 1 ou 2) mais plutôt des éléments de l'arbitrage entre faire ou acheter (make or buy).

En revanche, la facilitation de la mise à disposition de services support peut constituer un remède sur les marchés pertinents analysés pour permettre aux opérateurs de construire leur raccordement en propre.

France Télécom indique dans ses réponses aux consultations publiques que, s'agissant des liaisons louées vendues aux opérateurs mobiles, celles-ci sont à analyser dans un marché spécifique incluant les faisceaux hertziens. Il est vrai que les opérateurs mobiles, pour relier les BTS aux BSC, peuvent être amenés à utiliser des liaisons louées à 2 048 kbit/s ou des faisceaux hertziens. Néanmoins, il faut noter que lorsqu'il y a recours au faisceau hertzien, c'est toujours en auto-production, en outre il n'y a pas de réelle substituabilité du côté de la demande, et enfin il n'y pas du tout de substituabilité du côté de l'offre.

Il n'y a pas de réelle substituabilité du côté de la demande. Tout d'abord, il n'y a pas de limitation théorique de la distance d'une liaison louée alors qu'en raison des lois de la physique, les liaisons hertziennes sont limitées en distance. Par ailleurs, la disponibilité théorique des liaisons faisceaux hertziens est inférieure à celle des liaisons louées en raison des limitations inhérentes à la propagation hertzienne (dégradation en cas d'intempérie). D'autre part, l'éligibilité des sites est quasiment totale pour les liaisons louées alors que pour les faisceaux hertziens cette éligibilité est moindre en raison des contraintes environnementales croissantes et des difficultés que peuvent engendrer les installations hertziennes auprès des bailleurs, particulièrement dans les zones urbaines.

Il n'y pas de substituabilité du côté de l'offre. Un opérateur proposant des liaisons louées filaires n'est pas en mesure de proposer rapidement des faisceaux hertziens à ses clients. La technologie des faisceaux hertziens est en effet complètement différente et demande donc d'avoir un nouveau département d'ingénierie. Les opérateurs alternatifs ne proposent aujourd'hui pas de tels services.


II-3.1.4. Absence des services de niveau 3 sur le segment terminal


Sur le marché de gros du segment terminal, les opérateurs n'achètent pas de services de transmission de données. Il n'y a donc pas de question de substituabilité avec les services de capacités à examiner à l'horizon de la présente analyse.


II-3.2. Délimitation géographique


L'analyse est menée sur le marché national des services de capacités du segment terminal définis sur le territoire de la métropole, des DOM et de Mayotte.

S'agissant du segment de marché des services de capacités de moins de 10 Mbit/s, le développement du dégroupage total pour la clientèle professionnelle est encore insuffisant pour distinguer des zones du territoire avec des conditions de concurrence sensiblement différentes du reste du territoire. Même sur les zones de déploiement, on retrouve les obstacles recensés au niveau du marché de détail, et les conclusions précitées du Conseil de la concurrence dans son avis sur l'analyse des marchés du haut débit semblent à nouveau transposable au cas d'espèce.

S'agissant du segment de marché des services de capacités de plus de 10 Mbit/s, quatre opérateurs alternatifs ont déployé des boucles métropolitaines optiques principalement dans les zones de Paris-La Défense - Boulogne et Issy-les-Moulineaux et les centres-villes de Lyon, Lille et Marseille, qui sont les territoires concentrant le plus de sites à forts besoins en débits et de conditions d'offre plus favorables au déploiement.

Il est à noter que certains opérateurs, actifs sur le marché de détail, n'offrent pas de capacités de raccordement sur le marché de gros du segment terminal à leurs concurrents et ne font que des raccordements pour leurs besoins propres ; ainsi, sur les quatre opérateurs entrants présents, deux ne vendent pas à leurs concurrents.

L'enquête quantitative conduite par l'Autorité pour estimer les « parts de marché » dans les différentes zones géographiques a donné les estimations suivantes pour la part de France Télécom sur les parcs de services de plus de 10 Mbit/s en 2002, révélant des conditions relativement homogènes géographiquement sur le marché ainsi que l'absence de concurrence sur une grande partie du territoire.


Parts de marché de France Télécom en parcs

sur le segment des services de capacités de plus de 10 Mbit/s locaux (2002)



Vous pouvez consulter le tableau dans le JO

n° 247 du 24/10/2006 texte numéro 70





France Télécom, dans sa réponse à la première consultation publique, s'étonne de l'ancienneté de ces valeurs et de leur difficile interprétation. Il est à noter que c'est France Télécom qui était à l'origine de la demande de calcul de parts de marché par agglomération et que, pourtant, malgré de très nombreuses relances, il n'a pas été en mesure de fournir des informations plus récentes que 2002.


II-3.3. Conclusion sur le marché de gros du segment terminal


Eu égard à l'ensemble de ces éléments, l'Autorité considère que le marché du segment terminal inclut les interfaces classiques et les interfaces alternatives. Il couvre l'ensemble du territoire d'analyse. Il exclut les services support et les services de transmission de données ainsi que les offres d'accès large bande livrées au niveau régional.



II-4. MARCHÉS DE GROS DU CIRCUIT INTERURBAIN

II-4.1. Délimitation des marchés intra-territoires et inter-territoires


L'Autorité considère qu'il convient de distinguer les prestations inter-territoires des prestations intra-territoires.

Le territoire français sur lequel s'applique le code des postes et des communications électroniques est constitué de 7 territoires géographiquement distincts : la métropole, les départements d'outre-mer, Mayotte et Saint-Pierre-et-Miquelon.

Une prestation de circuit interurbain peut être fournie entre deux équipements de réseau d'un même territoire ou entre des équipements de réseau situés sur deux de ces territoires. Pour être en mesure d'offrir des prestations de circuit interurbain inter-territoires, un opérateur doit disposer de capacité sur des infrastructures reliant les différents territoires, tels des câbles sous-marins. Au contraire, pour être en mesure d'offrir de telles prestations au sein d'un même territoire, un opérateur n'a pas besoin de contrôler de telles infrastructures.

Les relations intra-territoires sont caractérisées par des conditions de concurrence homogènes avec une certaine concurrence sur les routes principales de ces territoires suite au déploiement d'opérateurs entrants en mesure de concurrencer France Télécom (par exemple, en métropole, dans une trentaine d'agglomérations).

En revanche, pour les relations inter-territoires, la formation des prix, les parts de marché et le niveau des marges reposent sur une économie de l'offre (conditions commerciales des câbles sous-marins, intérêts des opérateurs membres du consortium, contrôle de goulots d'étranglement sur le parcours) et de la demande (taille des territoires à relier) différente de celle des marchés intra-territoriaux.

Du fait de conditions concurrentielles spécifiques à ces infrastructures, l'Autorité estime que les prestations de circuit interurbain intra et inter territoires ne sont pas substituables entre elles du côté de l'offre. Ces prestations sont donc incluses dans des marchés de produits distincts.


II-4.2. Délimitation du marché en terme de produits et services

II-4.2.1. Frontière segment terminal - segment interurbain


La frontière du marché de gros du circuit interurbain par rapport au marché de gros du segment terminal est définie par rapport à l'architecture de référence de France Télécom pour la constitution de services de capacités de détail.

Pour le réseau de France Télécom, les noeuds de réseau définissant cette frontière sont l'ensemble des brasseurs (ATM et liaisons louées) soit environ un demi-millier de noeuds sur le territoire métropolitain et quelques noeuds outre-mer utilisés actuellement pour constituer des services de capacités pour compte propre ou dans le cadre de l'interconnexion avec les opérateurs entrants (les brasseurs de liaisons louées et les brasseurs ATM). Ce périmètre est susceptible d'évoluer en fonction des évolutions technologiques.

Pour les opérateurs entrants fixes vendant des services de capacités concurrentes de France Télécom, les noeuds de réseau principaux intervenant dans le circuit interurbain sont leurs points de présence à l'intérieur des agglomérations. Il convient d'ajouter à ces points les noeuds d'échange de trafic où plusieurs opérateurs s'interconnectent facilement par simple aboutement de leurs équipements. Ces noeuds supplémentaires à inclure dans le circuit interurbain sont les carrier hotels et les noeuds d'échange de trafic Internet qui jouent le rôle de « POPs mutualisés ».


II-4.2.2. Les prestations de circuit urbain intra-territoires


Compte tenu des analyses conduites précédemment pour les marchés de gros du segment terminal et le marché de détail, on aboutit à la délimitation suivante du circuit interurbain en termes de services : sont inclus dans le marché tous les services de capacités de transmission (de niveau 1 ou 2), quel que soit leur débit et leurs interfaces entre les brasseurs du réseau de France Télécom (brasseurs ATM et liaisons louées) permettant de constituer des liaisons louées, notamment de détail, en complément des produits du segment terminal. Figurent également dans le marché les services de capacités commercialisés entre points de présence des opérateurs, y compris sur les boucles optiques qu'ils ont déployé à l'intérieur des agglomérations pour raccorder les noeuds du réseau de France Télécom et des autres opérateurs dans le cadre de l'interconnexion.

De même que l'analyse précédemment menée, les services de gros de niveau 3 (et au-dessus) commercialisés sur les mêmes éléments de réseau physique que les services de niveau 1 ou 2 comme les services commutés (voix ou accès à Internet commutés) ou de transit IP ne font pas partie du marché du circuit interurbain.

Enfin, les infrastructures passives support (fibre optique, fourreaux) ne peuvent pas être inclues dans le marché du circuit interurbain pour les mêmes raisons que celles développées pour le segment terminal.


II-4.2.3. Les prestations de circuit urbain inter-territoires


Les prestations de circuit interurbain inter-territorial comprennent, comme celles de circuit interurbain intra-territoires, l'ensemble des capacités de transmission (niveaux 1 et 2) entre un brasseur dans un territoire et un brasseur dans un autre territoire séparé. Aboutés à des produits du segment terminal, ils constituent également des services de capacités de détail. Comme exposé ci-avant, les prestations de circuit interurbain inter-territoires ne sont pas substituables avec les prestations au sein d'un même territoire. Le circuit interurbain inter-territorial exclut également les services de niveau 3 et des services support.




Vous pouvez consulter le tableau dans le JO

n° 247 du 24/10/2006 texte numéro 70





Figure 2 : Câbles sous-marins reliant l'outre-mer


France Télécom précise que le câble ECFS ne relie pas directement la Martinique et la Guadeloupe aux Etats-unis. Il faut transiter via le câble « Taino Caraïbes » à partir de Tortola, puis via un 3e câble sous-marin. En outre, SAT3/WASC/SAFE ne relie pas directement la métropole, il est nécessaire de prolonger le circuit via le câble SMW3 ou via le Portugal.

Compte tenu du tracé des câbles sous-marins existants et des informations transmises, l'Autorité estime que certaines prestations ne doivent pas faire l'objet de marchés spécifiques. En effet, au vu des informations dont elle dispose, il apparaît qu'une prestation de circuit interurbain entre un territoire 1, situé sur l'océan Indien (Réunion ou Mayotte) et un territoire 2, situé de l'autre côté de l'océan Atlantique (Guadeloupe, Martinique, Guyane ou Saint-Pierre-et-Miquelon), se découperait en fait (si elle existe) en une prestation de circuit interurbain entre le territoire 1 et la métropole et une prestation de circuit interurbain entre la métropole et le territoire 2.

De même, il n'existe pas de câble sous-marin desservant Saint-Pierre-et-Miquelon et Mayotte.

Les prestations pertinentes sur le marché de gros du circuit interurbain sont celles qui relient chaque département d'outre-mer à la métropole ainsi que celles qui relient les départements de la zone Antilles-Guyane entre eux.


II-4.3. Conclusion


Le marché du circuit interurbain est composé de deux sous-ensembles : les marchés intraterritoriaux et les marchés interterritoriaux, qui comprennent chacun l'ensemble des capacités de transmission (niveaux 1 et 2) entre noeuds de réseau principaux des opérateurs.

Sont définis les marchés interterritoriaux suivants :

Métropole-Martinique ;

Métropole-Guadeloupe ;

Métropole-Guyane ;

Métropole-Réunion ;

Martinique-Guyane ;

Martinique-Guadeloupe.

L'analyse de la puissance (cf. supra) proposera toutefois un regroupement de ces marchés selon les routes transatlantiques et vers l'océan Indien possédant des caractéristiques concurrentielles suffisamment homogènes pour en permettre une analyse conjointe.


II-4.4. Pertinence des marchés de gros


La recommandation de la Commission européenne concernant les marchés pertinents de produits et services dans le secteur des communications électroniques recense au titre des marchés pertinents les marchés de gros de segments terminaux d'un circuit loué (quelquefois appelés terminaison de ligne ou « local tails » ou encore « segments locaux »), marché 13, et les segments du circuit interurbain, marché 14.

Elle a ainsi estimé qu'il existait sur ces marchés des obstacles à une concurrence effective tels qu'une régulation ex ante pourrait être considérée comme nécessaire.

L'Autorité considère que l'analyse des marchés de gros qui est présentée par la commission dans sa recommandation est pertinente dans le contexte français. En particulier, il existe sur ces marchés de fortes barrières à l'entrée, notamment la présence d'une infrastructure d'accès aux sites difficile à dupliquer de manière économiquement raisonnable et des effets d'échelle importants qui sont susceptibles de conduire un opérateur disposant d'une forte part de marché à exercer une influence significative sur ce marché. Cette situation de concurrence est peu susceptible d'évolution du fait du maintien des barrières à l'entrée structurelle sur la durée de l'analyse des marchés.

Le développement de la concurrence sur l'ensemble de ces marchés de gros est donc progressif et nécessite à l'horizon de la présente analyse une régulation ex ante. En effet, pour l'ensemble de ces marchés, la régulation ex ante dispose d'outils adaptés. Elle est nécessaire pour qu'une concurrence pérenne puisse se développer sur un terme suffisamment long. Ces outils spécifiques à la régulation ex ante sont notamment les obligations de contrôle tarifaire ou encore la mise en place et le suivi d'obligations de séparation comptable. Le seul droit de la concurrence apparaît donc comme insuffisant pour remédier aux problèmes de concurrence existant sur ces marchés.

Enfin, l'Autorité note que la recommandation pour les marchés de gros ne se réfère pas explicitement à une catégorie de circuit loué et permet donc d'inclure les capacités avec interfaces alternatives dans le marché au même titre que les liaisons louées normalisées par l'ETSI.

Ce marché des services de capacités est caractérisé par des barrières à l'entrée fortes (coût économique de déploiement dans le réseau d'accès principalement et présence d'une infrastructure difficile à dupliquer) ; compte tenu de l'état connu de la technologie, ces barrières à l'entrée demeureront sur la période de l'analyse des marchés et constitueront un obstacle durable à l'établissement d'une concurrence effective sur le marché.

Pour ce qui est des marchés du circuit interurbain, l'Autorité a distingué les prestations relevant du circuit interurbain inter territoires de celles relevant du circuit interurbain intra territorial pour tenir compte de la spécificité du territoire français, constitué de 7 territoires géographiquement distincts.

Toutefois, l'ensemble de ces marchés correspond effectivement au marché 14 de la recommandation « marchés pertinents ».

Sur les marchés inter territoires, les barrières à l'entrée sont importantes. En effet, bâtir des offres compétitives sur ces marchés nécessite l'accès à des infrastructures difficiles à dupliquer, si ce n'est impossible à l'horizon de la présente analyse (câbles sous-marins notamment). Il n'est donc pas possible d'envisager une évolution vers une situation de concurrence effective sans intervention d'une régulation ex ante pour les raisons exposées ci-dessus.

En ce qui concerne les marchés intra territorial, l'Autorité estime qu'il existe toujours de nombreuses barrières à l'entrée en raison de la présence sur ce marché d'un opérateur historique disposant d'un réseau très capillaire qui le rend à ce jour encore incontournable.

Pour l'ensemble de ces marchés de gros qui correspondent aux marchés 13 et 14 de la recommandation de la Commission, le 3e critère de cette même recommandation sur l'efficacité du droit général de la concurrence et du droit sectoriel est rempli. En effet, elle est nécessaire afin notamment de mettre en place une gamme d'offre d'accès aux sites (séparation comptable, estimation des coûts, définition précise des conditions d'offre, notamment des paramètres techniques) ainsi que pour imposer un contrôle tarifaire adéquat permettant de contrôler les tarifs de l'opérateur puissant tout en incitant ses concurrents à investir dans leur propre réseau, à travers l'obligation de ne pas pratiquer des tarifs excessifs.

Eu égard à l'ensemble de ces éléments, l'Autorité considère que les marchés tels que définis ci-dessus doivent être déclarés pertinents au titre de la régulation sectorielle des communications électroniques.




II-5. COMMENTAIRES SUR L'ANALYSE DE L'AUTORITÉ

II-5.1. Avis du Conseil de la concurrence


Conformément à l'article L. 37-1 du CPCE, l'Autorité a sollicité l'avis du Conseil de la concurrence, notamment sur la liste des opérateurs réputés exercer une influence significative sur les marchés pertinents qu'elle a identifiés, le 28 mars 2006. Le Conseil de la concurrence a rendu un avis no 2006-A-10 en date du 12 mai 2006.

Au sujet du marché de détail, le conseil souligne que la régulation des marchés de détail ne peut se justifier que dans des cas exceptionnels.

Toutefois, au cas d'espèce, il considère (§ 73) que « la position particulière que conserve l'opérateur historique ne permet pas d'exclure, à priori, la mise en oeuvre de pratiques d'éviction ou de préemption vis-à-vis de services émergents, notamment si les concurrents se trouvent dans l'impossibilité de proposer des offres équivalentes ». Si le conseil dispose de compétences pour agir en urgence au titre des mesures conservatoires, il constate toutefois que « la multiplicité d'offres au niveau des marchés de détail des services de liaisons louées et services de capacité, dont chacune peut être, au moment de sa mise en place, d'un poids relativement limité dans l'ensemble, peut faire obstacle à l'octroi de mesures conservatoires. Celui-ci nécessite en effet que puissent être démontrées une atteinte grave et immédiate au secteur ou à une entreprise, et l'existence d'un lien de causalité direct et certain entre cette atteinte et la pratique. Ces conditions peuvent se révéler difficiles à satisfaire dès lors qu'il s'agit de se prononcer sur la tarification des services très spécifiques mais présentant des risques de distorsion de concurrence dont les effets pourraient s'avérer non négligeables à moyen terme ».

Le conseil considère également que la régulation des seuls marché de gros ne pourra suffire à garantir les objectifs de régulation de l'article L. 32-1 du CPCE, en ce que la définition de ces offres pour assurer la réplicabilité est particulièrement complexe et leur mise en oeuvre non immédiate. Dans ces conditions, le conseil « partage l'avis de l'ARCEP, selon lequel il serait illusoire d'imaginer délimiter des offres de gros permettant de répliquer de manière exhaustive les offres de détail de l'opérateur historique qui sont le plus souvent des offres "sur mesure ».

En conclusion, le conseil « approuve donc la proposition de l'ARCEP de maintenir les marchés de détail sur la liste des marchés régulables ».

Au sujet des marchés de gros, le conseil formule trois observations. Il approuve tout d'abord la délimitation des marchés entre marché du segment terminal et marché du circuit interurbain.

Il met ensuite en avant la pression concurrentielle que peuvent exercer les offres d'accès large bande (marché no 12 du « bitstream ») sur les marchés de gros no 13 du segment terminal et dans une moindre mesure no 14 du circuit interurbain. Néanmoins, il indique que « plus que sur un besoin de remise en cause des précédentes délimitations de marché avant même que l'ensemble des marchés ait été analysé une première fois, le problème soulevé attire l'attention sur le besoin de cohérence des décisions prises en matière de régulation, qui sont l'enjeu final de l'exercice d'analyse des marchés prévu par le CPCE ».

L'ARCEP entend donc maintenir la délimitation des marchés de gros telle que proposée au conseil, dans la mesure où elle a démontré sa justification et est en outre conforme aux marchés définis par la Commission européenne dans sa recommandation sur les marchés pertinents. Toutefois, elle est effectivement consciente de la frontière ténue entre les marchés de gros objet de la présente analyse et ceux du haut débit analysés en 2005. Elle s'efforce donc comme l'y invite le conseil d'adopter une régulation cohérente entre ces différents marchés.

Par ailleurs, en ce qui concerne la définition du marché du segment terminal en deux sous-marchés selon un seuil en Mbit/s, le conseil souligne que « dans la pratique décisionnelle du conseil, la fonction aux yeux des demandeurs et l'utilisation effective d'un produit constituent les principaux critères à prendre en compte pour apprécier la substituabilité entre plusieurs produits ou services. Des produits, différenciés mais ayant la même fonction ou destinés à la mêmes utilisation, peuvent ainsi être considérés comme substituables du point de vue de la demande. La substituabilité du côté de l'offre n'est examinée que dans un second temps, si elle est nécessaire. [...] De plus, comme le conseil l'a souligné à plusieurs reprises ci dessus, le caractère prospectif de l'analyse des marchés telle que définie par le CPCE et les évolutions technologiques rapides constatées dans le secteur des communications électroniques risquent de rendre rapidement obsolète une délimitation des marchés fondée sur une segmentation trop détaillée et de créer inutilement des effets de seuil aux frontières de ces marchés. Le conseil recommande donc à l'ARCEP de ne pas distinguer les services du segment terminal de plus de 10 Mbit/s par rapport à ceux de moins de 10 Mbits/s ».

L'Autorité a pris en compte cette observation et a modifié en conséquence sa délimitation du marché du segment terminal.

Enfin, d'un point de vue géographique, il indique que « la segmentation entre métropole et outre-mer proposée correspond à celle déjà effectuée par l'ARCEP pour plusieurs marchés précédemment examinés et n'appelle pas de remarques particulières ». En outre, il indique que, concernant la délimitation au sein d'un même territoire, un découpage à priori des zones ne serait pas pertinent en ce qu'il pourrait artificiellement figer le marché et restreindre sa dynamique. Il approuve donc la délimitation géographique proposée par l'Autorité.


II-5.2. Observations de la Commission européenne


Dans ses observations susvisées en date du 24 juillet 2006, la Commission ne formule pas d'observation en ce qui concerne les marchés de gros.

Elle indique qu'en ce qui concerne le marché de détail elle « prend acte que, du côté de la demande, l'existence d'une chaîne de substitution ininterrompue jusqu'à 10 Mbit/s peut être avérée sur le marché français ». En revanche, du côté de l'offre, la substituabilité est limitée « par des charges d'investissements et des délais de migration, bien que cette contrainte soit relativisée par le fait que la fibre optique peut être employée pour fournir des lignes louées avec des débits inférieurs à 10 Mbits/s en raison d'une substituabilité limitée du côté de l'offre, la définition du marché du marché par l'ARCEP pourrait être remise en question comme étant trop large ».

Toutefois, la Commission note que l'ARCEP a démontré que « (i) les ruptures de substitution du côté de la demande et du côté de l'offre décrites ci-dessus pourraient s'atténuer au fur et à mesure que la technologie se développe et (ii) la définition de marchés séparés (en particulier les lignes louées avec interfaces traditionnelles jusqu'à 2Mbit/s et les lignes louées avec interfaces traditionnelles supérieurs à 2Mbit/s) n'aurait pas conduit à des résultats différents s'agissant de l'analyse de PSM ou de la satisfaction du test des trois critères ».

Dans ces conditions, la Commission valide la définition de l'ensemble des marchés proposés par l'ARCEP, y compris le marché de détail.



III. - INFLUENCE SIGNIFICATIVE EXERCÉE PAR FRANCE TÉLÉCOM


En application de l'article 16 de la directive « cadre », le régulateur détermine si les marchés pertinents sont concurrentiels et, le cas échéant, identifie les entreprises qui y sont puissantes.

L'analyse d'un marché pertinent vise à évaluer le niveau de développement de la concurrence et, le cas échéant, à identifier les opérateurs y disposant d'une influence significative, i.e. se trouvant dans une situation équivalente à une position dominante au sens du droit de la concurrence (III-1). L'analyse de l'Autorité porte d'abord sur la situation concurrentielle des marchés de détail (III-2), avant d'examiner celle des marchés de gros (III-3, III-4 et III-5).


III-1. INTRODUCTION SUR L'ANALYSE DE L'INFLUENCE SIGNIFICATIVE

SUR LES MARCHÉS PERTINENTS


Aux termes de l'article L. 37-1 du CPCE : « Est réputé exercer une influence significative sur un marché du secteur des communications électroniques tout opérateur qui, pris individuellement ou conjointement avec d'autres, se trouve dans une position équivalente à une position dominante lui permettant de se comporter de manière indépendante vis-à-vis de ses concurrents, de ses clients et des consommateurs. »

L'analyse des marchés pertinents permet d'identifier les situations d'influence significative. L'observation des parts de marché des acteurs est une étape première et essentielle. La commission propose trois chiffres-clés dans le déroulement de cet exercice :

- au-delà de 40 % de part de marché, il est peu probable qu'une entreprise ne soit pas en situation de puissance significative ;

- une présence supérieure à 50 % du marché « suffit, sauf circonstances exceptionnelles, à établir l'existence d'une position dominante » (29) ;

- une entreprise ayant au contraire moins de 25 % de part de marché est peu susceptible de se révéler puissante, même si cela n'est pas totalement exclu.

L'analyse des parts de marché, bien que prospective, ne suffit toutefois pas à démontrer l'éventuelle influence significative des acteurs présents sur un marché. Pour une analyse complète du développement de la concurrence sur les marchés pertinents, les lignes directrices précitées recommandent en effet de « procéder à une analyse approfondie et exhaustive des caractéristiques économiques du marché pertinent avant de conclure à l'existence d'une puissance sur le marché ». A cet égard, la Commission recommande d'utiliser notamment les critères suivants :

- le contrôle d'une infrastructure qu'il n'est pas facile de dupliquer ;

- les avancées ou la supériorité technologiques ;

- l'absence ou la faible présence de contre-pouvoir des acheteurs ;

- l'accès facile ou privilégié aux marchés des capitaux et aux ressources financières ;

- la diversification des produits et/ou des services ;

- la présence d'économies d'échelle et de gamme ;

- l'intégration verticale ;

- l'existence d'un réseau de distribution et de vente très développé ;

- l'absence de concurrence potentielle ;

- des entraves à l'expansion.

On peut prévoir, le cas échéant, d'observer par ailleurs l'évolution des tarifs de détail ainsi que l'existence d'un effet de levier vertical (situation où un opérateur puissant sur un marché donné peut renforcer son influence sur un autre marché qui lui est étroitement lié).


(29) Point 75 des lignes directrices de la Commission.



III-2. INFLUENCE SIGNIFICATIVE DE FRANCE TÉLÉCOM SUR LE MARCHÉ DE DÉTAIL

III-2.1. La demande potentielle sur le marché


La consommation effective actuelle ne reflète que partiellement la demande potentielle des clients sur le marché de détail qui s'exprimera sur le marché au cours des prochaines années.

Les tendances sur le marché sont :

D'une part, une croissance en débits du fait de la généralisation des applications multimédia sur le marché en remplacement d'applications faiblement consommatrices de débits, des évolutions des architectures de réseau des entreprises favorisant les liens entre sites et la centralisation des bases de données favorisés par la baisse des coûts de transmission (voir analyse de la demande potentielle en débits de raccordement au III.3.1.2). La part des services de plus de 10 Mbit/s devrait donc augmenter.

D'autre part, une augmentation de la part des services de capacités avec interfaces alternatives par rapport aux liaisons louées, notamment les services de niveau 2 de type Ethernet Link devrait également favoriser cette montée en débits (voir analyse de la substituabilité entre liaisons louées et services de capacités avec interfaces alternatives au II.2.1.3).

Cas du raccordement des sites d'entreprise :

Les sites de clients finals sont actuellement tous raccordés en cuivre. Une partie significative d'entre eux sont raccordés au réseau général des opérateurs par des services de capacités sur le segment terminal soit par des liaisons louées, soit par d'autres services sur xDSL. Les mouvements principaux sur ce segment de marché sont la montée des besoins en services de capacités xDSL et en fibre optique, notamment à la faveur d'une montée généralisée en débits.

Pour apprécier la demande potentielle de débits de raccordement sur le segment terminal des sites clients, on peut se référer à une étude publiée par France Télécom le 10 janvier 2002, l'Evolution des activités fixes voix et données en France, prévoyant une forte montée en débits de raccordement des sites d'entreprises. L'étude partait de la structure du tissu économique français composé de 19 000 sites principaux (sièges sociaux, sites de production informatique, salles de marché, siège des administrations centrales) principalement concentrés dans les 10 premières villes de France ; 200 000 sites secondaires ; 300 000 à 500 000 petits sites. Elle avançait les projections suivantes pour les besoins de raccordements des sites, suite à une montée en débits :

- pour les 19 000 sites centraux, des besoins compris entre 10 Mbit/s et 10 Gbit/s donc, en fibre optique ;

- pour les 200 000 sites secondaires, des besoins de raccordements compris entre 500 kbit/s et 20 Mbit/s, donc une fraction en cuivre et une fraction en fibre optique ;

- pour les 300 000 à 500 000 petits sites, les besoins de raccordements seraient en xDSL, donc en cuivre, avec un passage de liaisons point à point entre ces sites à une structure point-multipoints de type VPN, que ce soit de niveau 2 ou de niveau 3.



Au cours des deux dernières années, les besoins en débits de raccordement en services de capacités des entreprises ont effectivement commencé à augmenter significativement à la faveur de la généralisation des applications IP fortement consommatrices de débits et de l'apparition des services en VPN (surtout IP et maintenant Ethernet). Pour ce qui est du rythme de croissance des débits consommés, un autre document intitulé GigaEthernet : une révolution en marche de juillet 2005 de France Télécom indique : « la montée en débit à venir est donc difficile à prédire, mais un doublement tous les trois ans à coût constant donne un ordre de grandeur réaliste ».

On peut considérer qu'une fourchette basse d'estimation, très pessimiste, pour les raccordements à plus de 10 Mbit/s est d'environ 20 000 sites (la totalité des sites centraux), au cas où la montée en débits attendue ne se réaliserait pas (30). Dans ce cas, les raccordements en services de plus de 10 Mbit/s resteront concentrés dans les dix premières agglomérations comme c'est le cas actuellement. Une fourchette haute serait que la totalité des sites centraux et des sites secondaires soient raccordés à plus de 10 Mbit/s (donc en fibre optique), ce qui représenterait un total de 220 000 sites dès la fin de l'analyse de marché (au cas où le rythme de montée en débits serait beaucoup plus rapide que prévu).

Compte tenu de toutes les tendances en cours sur le marché, il est vraisemblable que la demande en raccordement à plus de 10 Mbit/s dans le segment terminal va augmenter fortement, et qu'elle va se diffuser sur tout le territoire, bien au-delà des dix premières agglomérations.


(30) Compte tenu du nombre actuel de 19 000 sites raccordés annoncés par Completel, ce plancher est extrêmement bas.

III-2.2. Fonctionnement du marché et concurrence potentielle

III-2.2.1. L'opérateur historique


En termes d'infrastructures en propre, France Télécom dispose d'infrastructures complètes pour être fournisseur sur le marché de détail des capacités pour l'ensemble des services, quels que soient leurs interfaces (liaisons louées et capacités alternatives), leurs débits et la localisation géographique ou l'envergure (locale/métropolitaine, régionale, nationale ou internationale). Sur le territoire français, il dispose sur le segment terminal de réseaux d'accès en cuivre et en fibre optique et d'un réseau de desserte complet raccordant les répartiteurs à ces noeuds principaux de réseau (brasseurs ATM et RTNM). Sur le circuit interurbain, il dispose de plusieurs « réseaux » logiques servant au transport des services de capacités sur un même réseau SDH/WDM entre environ 300 noeuds reliant les principales agglomérations du territoire. En outre, il dispose d'un réseau international extrêmement développé comportant notamment des capacités dans les grands réseaux sous-marins transocéaniques.

Actuellement, la zone de présence des services en fibre optique de France Télécom comprend :

- 165 agglomérations ;

- un total de 2 020 communes pour les services de VPN (6,5 % du territoire) ;

- un potentiel de 4 500 communes pour le service Réseau Intra-Cité.

Le 19 janvier 2006, France Télécom a annoncé lors d'une réunion d'analystes financiers à Londres, que 14 000 entreprises étaient déjà raccordées en fibre optique.

En termes de services sur le marché de détail, France Télécom dispose d'une gamme complète de services : liaisons louées analogiques et numériques, services de capacités en Ethernet de niveau 1 (interconnexion de réseaux locaux) et 2 (Ethernet Link), services de capacités en ATM de niveau 2 et, en option, de niveau 1, liaisons de stockage de données, services de capacités en SDH ou WDM avec interfaces au choix.


III-2.2.2. Les opérateurs entrants


Les opérateurs « locaux » comme Hub Télécom ou Toulouse-Garonne Networks : ils ont adopté une concurrence en infrastructures uniquement et fournissent des services de capacités internes à leur zone d'emprise ; ils jouent un rôle encore marginal pour les services de capacités d'envergure régionale ou nationale, car ils ne peuvent couvrir géographiquement la demande du fait de zones d'emprise trop restreintes en taille et en nombre.

Les opérateurs entrants actifs sur le marché des entreprises sur tout le territoire : il y a actuellement cinq opérateurs nouveaux entrants nationaux présents sur le marché des capacités de détail : Colt, Completel, 9Cegetel, MCI, et, dans une moindre mesure, British Telecom.

En termes d'infrastructures en propre, les opérateurs entrants disposent des moyens suivants pour constituer techniquement des services de capacités :

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JO no 247 du 24/10/2006 texte numéro 70
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France Télécom, dans sa réponse à la première consultation publique, considère que l'Autorité a sous-évalué le nombre de MAN déployé par les opérateurs alternatifs.

France Télécom indique que Colt a déployé des infrastructures à Paris, Lille, Lyon, Marseille, Toulouse, Bordeaux, et Strasbourg. Colt répond qu'il ne dispose que de 30 MAN à Paris, Lyon et Marseille. Dans les autres villes mentionnées, Colt est relié uniquement à des sites d'opérateurs.

France Télécom indique que 9Cegetel dispose de 30 MAN et 30 boucles locales SDH. 9Cegetel répond qu'il a déployé 5 MAN à Paris-La Défense, Lyon, Marseille, Lille et Toulouse. Dans les autres villes mentionnées, l'opérateur est principalement relié à des points de concentration France Télécom.

France Télécom indique qu'Easynet disposerait de 28 MAN. Cette affirmation est très étonnante. Easynet répond qu'il est un petit opérateur présent principalement sur le marché de l'accès internet et des RPV IP qui ne dispose d'aucun MAN en France. Easynet est donc exclusivement acheteur sur les marchés des liaisons louées.

France Télécom indique que MCI disposerait de 8 MAN et non pas 4. L'opérateur précise qu'il a en effet déployé des boucles optiques dans une dizaine d'agglomérations, mais hormis sur Paris elles servent essentiellement à relier les points de présence de MCI aux centraux de France Télécom et très peu de sites clients sont raccordés directement à ces boucles.

Ces cinq opérateurs nationaux sont fournisseurs sur le marché de détail des capacités pour la totalité des services, à l'exception des liaisons louées analogiques et numériques très bas débits. En revanche, leur couverture géographique restreinte en infrastructures propres les oblige à acheter des services de capacités sur le segment terminal, afin de raccorder les sites des clients, principalement sous la forme d'offres de référence (LPT, TDSL/DSLE, CE2O). Pour l'instant, les acteurs les plus significatifs sur le marché de capacités de détail restent les opérateurs ayant déployé des MAN optiques (31), notamment dans les services de plus de 10 Mbit/s. Les opérateurs disposant d'un réseau dorsal (32) capillaire ont surtout misé jusqu'à présent sur les services de niveau 3 de type RPV IP.

La faible couverture des opérateurs alternatifs en fibre les conduit à proposer essentiellement des services monosites (accès internet, téléphonie), la probabilité que l'opérateur soit présent pour plusieurs sites d'une grande entreprise étant faible.


(31) Metropolitan area network que l'on peu traduire par « boucle métropolitaine optique ». Ici, il s'agit des infrastructures optiques déployées par les opérateurs dans les niveaux inférieurs de réseau (correspondant au réseau de desserte et à la boucle locale du réseau téléphonique commuté de France Télécom) ayant une topologie en boucle et allant jusqu'aux sites des entreprises. (32) Le réseau dorsal (backbone) des opérateurs correspond aux niveaux supérieurs du réseau où le trafic des clients est le plus mutualisé. Dans le cas des opérateurs entrants, il se confond avec le circuit interurbain, c'est-à-dire le réseau inter-POP principaux d'une agglomération.




Vous pouvez consulter le tableau dans le JO

n° 247 du 24/10/2006 texte numéro 70





Implantation en 1998 des sites serveurs de calcul par rapport aux MAN opérateurs alternatifs

(source des données Colt)

III-2.2.3. Les collectivités locales


Les collectivités locales peuvent intervenir en amont de ces marchés en déployant des infrastructures passives. A l'horizon de la présente analyse les infrastructures actives déployées par les collectivités locales ne devraient pas avoir un impact significatif sur les marchés de services de capacités.

Un opérateur alternatif (Colt) indique ne connecter à ce jour aucun client entreprise via des fibres louées aux collectivités locales, les seuls contrats signés concernant le support de liaisons dorsales. Cette absence d'utilisation des fibres optiques proposées par les collectivités locales peut s'expliquer dans certains cas par la longueur de fibre trop importante pour connecter un seul client, dans d'autres par la tarification de ces fibres à un tarif « rentable » pour construire un lien POP-NRA, mais non rentable pour la connexion d'une entreprise. En outre, pour un opérateur entrant, il est très coûteux de multiplier le nombre de fournisseurs de services de communications électroniques actifs (gestion des incidents, etc...) et que cela rend d'autant plus délicat la construction de services avec des protocoles complexes qui ne sont pas compatibles avec tous les systèmes.

Un autre opérateur alternatif (MCI) fait remarquer que la location de fibres issues des DSP représente une opportunité pour lui dans certains cas, essentiellement en région parisienne (Fibre Optique Défense et IRISE), les sites clients raccordés en province n'étant qu'au nombre de 5. L'opérateur souligne que, techniquement, il peut être difficile de s'interconnecter avec ces réseaux locaux et que, économiquement, il est difficile pour un opérateur entrant de souscrire à des offres avec des FAS importants et des durées d'engagement supérieures à celles habituellement pratiquées sur le marché des liaisons louées. Ainsi le fonctionnement du marché au niveau national n'est pas sensiblement modifié par les DSP.

Comme France Télécom le fait remarquer dans sa réponse à la seconde consultation publique, l'Autorité se félicite de l'importance prise par les réseaux d'initiative publique. Leur impact sur les marchés de services de capacité n'est cependant pas mesurable à ce jour. Dans le cas où cette situation évoluerait, l'Autorité anticiperait le renouvellement de la présente analyse des marchés des services de capacité pour adapter ses conclusions, comme le prévoit l'article D. 302 du CPCE.


III-2.2.4. La concurrence potentielle sur le marché


La concurrence potentielle provient d'opérateurs qui pourraient éventuellement entrer sur le marché, notamment à la faveur d'une augmentation des prix ou d'une baisse des barrières à l'entrée.

Celle-ci ne semble pas pouvoir provenir des boucles locales du marché résidentiel (câblo-opérateurs) : leur boucle locale actuelle est concentrée dans des zones résidentielles et, dans les zones où ils sont en mesure de raccorder des entreprises, cette boucle nécessite de gros investissements de mise à niveau. De plus, le développement de services aux entreprises suppose des dépenses en moyens commerciaux, humains et marketing élevées. La barrière à l'entrée économique semble trop importante pour qu'ils puissent entrer sur le marché.

Elle ne semble pas non plus pouvoir provenir des opérateurs déployant des boucles locales radio (cf. II-2.3.1).

Pour les opérateurs ayant déployé un réseau dorsal pour les besoins en services de communications électroniques de la clientèle résidentielle (Télé 2, Free, AOL, Club Internet, Telecom Italia), la barrière économique d'entrée sur le marché des entreprises semble élevée (investissements lourds en termes commerciaux et en infrastructures). Des opérateurs comme Club Internet ou Telecom Italia, adossés à des opérateurs historiques ayant une expérience sur le marché des entreprises, sont susceptibles d'entrer sur le marché des entreprises mais cette entrée devrait être progressive et toucher en premier lieu les segments de la téléphonie et de l'accès à Internet et peu celui des services de capacités.

La concurrence potentielle qui peut venir des opérateurs ayant déployé un réseau dorsal pour servir le marché résidentiel ne semble pas pouvoir modifier la situation concurrentielle à l'horizon de l'analyse de marché.


III-2.3. Evolutions globales du marché


Des corrections marginales apportées par certains opérateurs ont conduit à légèrement modifier les chiffres après la mise en consultation publique de l'analyse, sans en changer les ordres de grandeur.

D'autre part, afin d'actualiser les analyses chiffrées du document soumis à consultation publique, les opérateurs ont répondu à un nouveau questionnaire quantitatif, envoyé le 27 janvier 2006, et dont la structure correspondait aux nouvelles caractéristiques du marché. La croissance du segment des capacités avec interfaces alternatives se confirme pour 2005. L'augmentation du chiffre d'affaires s'explique par une montée en débit des liaisons.


Pour le chiffre d'affaires (millions d'euros)

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Pour le parc (nombre de liaisons)

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III-2.4. Evolution des parts de marché de France Télécom


L'évolution des parts de marché de France Télécom en valeur sur l'ensemble du marché pertinent indique une tendance à la baisse mais une part de marché restant supérieure à 85 % en 2004 et à 80 % en 2005.

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Sur la base des chiffres portant de la période 2001-2004, un examen des parts de marché avait été conduit sur les segments plus fins composant le marché. Que ce soit lorsqu'on examine les segments du marché par interfaces (liaisons louées traditionnelles vs interfaces alternatives) ou les débits (services de moins de 10 Mbit/s vs services de plus de 10 Mbit/s), les parts de marché de France Télécom sont en baisse mais toujours supérieure, à la barre des 70 % de 2001 à 2004. On notera néanmoins que, du fait de l'existence d'une certaine concurrence en infrastructures via les MAN déployés par certains opérateurs pour raccorder les sites clients, la part de marché de France Télécom pour les services de plus de 10 Mbit/s est sensiblement inférieure à celle qu'il occupe sur le segment des services de moins de 10 Mbit/s.

Concernant l'année 2005, les données recueillies en réponse au questionnaire du 27 janvier 2006 ne comprenaient plus de distinction entre les débits inférieurs ou supérieurs à 10 Mbit/s, ce qui correspond à l'analyse faite en II.2.1.2 de la présente décision incluant tous les services de capacité dans un même marché de détail.


Evolution de la part de marché de France Télécom selon les débits (2001-2005)



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Evolution de la part de marché de France Télécom

selon les interfaces (2001-2005)



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Au niveau des parcs, le calcul des parts de marché des opérateurs a moins de sens compte tenu de l'hétérogénéité des produits composant le marché pertinent (par exemple, une liaison analogique de moins de 4 kbit/s de 1 km aura le même poids dans le calcul qu'une liaison louée numérique de 155 Mbit/s de 30 km).

Néanmoins, l'examen des parts de marché de France Télécom en parc sur l'ensemble du marché pertinent confirme les ordres de grandeur obtenus sur le chiffre d'affaires avec une tendance à la baisse mais une part de marché restant supérieure à 80 % en 2004.

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III-2.5. Evolution des prix des services commercialisés par France Télécom (2000-2005)


France Télécom en tant qu'opérateur en charge de la fourniture obligatoire des liaisons de l'ensemble minimal (liaisons louées analogiques, numériques 64 kbit/s et 2 Mbit/s structurées et non structurées) était tenu de respecter une obligation d'orientation de ses tarifs vers les coûts, ce qui a pu avoir une influence sur la fixation de ses tarifs.

A l'inverse, pour les autres services de capacités, notamment les liaisons louées dites n*64 kbit/s, il ne subissait aucune contrainte dans sa tarification, à l'exception d'une procédure d'homologation tarifaire. Or, sur ces liaisons, ses prix sont restés relativement stables au cours de la période, malgré l'ouverture à la concurrence depuis 1998 (voir graphique suivant portant sur les liaisons louées 128 kbit/s et 512 kbit/s), et ce malgré l'introduction d'une offre de gros à partir de l'année 2002.


Evolution des prix des liaisons louées numériques

Transfix 128 kbit/s de France Télécom (2000-2004)



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Evolution des prix des liaisons louées numériques

Transfix 2.0 de 512 Kbit/s de France Télécom (2000-2004)



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France Télécom, dans sa réponse à la première consultation publique, conteste que ses prix soient restés stables entre 2000 et 2004 au motif que la baisse du chiffre d'affaires sur cette période serait supérieure de 6 points à celle de la baisse du parc. La contestation de France Télécom est infondée : aucune décision tarifaire de France Télécom portant sur une évolution tarifaire de liaisons louées 64 k - 2 M n'a été homologuée depuis le passage à l'euro. L'année 2005, achevée après le lancement de la consultation publique, n'a donné lieu à aucune baisse de tarifs sur ces produits.

En outre, l'estimation faite par France Télécom est incorrecte, non seulement elle se fonde sur des périmètres différents (les liaisons louées ETSI, et non les liaisons louées ETSI inférieures ou égales à 2 Mbit/s), mais en plus elle est théoriquement infondée : une liaison louée étant tarifée en fonction de la distance et en débit, il suffit que la répartition en distance et en débit ait évolué entre 2001 et 2004 pour rendre inutilisable toute référence à une évolution du CA/parc entre 2001 et 2004.


III-2.6. Avantages concurrentiels de France Télécom

III-2.6.1. Contrôle d'une infrastructure difficile à dupliquer


Il est très difficile, techniquement et économiquement, de dupliquer la boucle locale mais aussi le réseau de desserte inter-répartiteur de France Télécom. En effet, le niveau des investissements nécessaires des opérateurs comparés aux revenus procurés par les services reste une barrière économique à l'entrée très élevée, notamment pour les opérateurs qui ne sont présents que sur le marché professionnel (voir analyse sur le marché de gros du segment terminal). L'introduction du dégroupage total permet de réduire le coût de déploiement dans la boucle locale pour les services de moins de 10 Mbit/s. De même, le déploiement d'infrastructures optiques en propre permet d'accéder aux sites des clients pour leur fournir des services de plus de 10 Mbit/s. Cependant, le dégroupage total et le déploiement des infrastructures optiques des opérateurs entrants ne devraient se limiter que dans les principales zones d'activité économique réunissant suffisamment de demande potentielle pour rentabiliser les investissements nécessaires et donc n'avoir qu'un impact insuffisant sur la période couverte par l'analyse de marché pour réduire sensiblement l'avantage conféré par le contrôle de l'infrastructure d'accès aux sites clients sur le segment terminal.

Sur l'essentiel du territoire et donc du marché, l'entrée d'opérateurs concurrents sur le marché de détail des services de capacités n'est généralement envisagée qu'en ayant recours aux offres de gros sur le marché du segment terminal (principalement celles de l'opérateur historique).


III-2.6.2. Présence d'importantes économies d'échelle et de gamme


France Télécom bénéficie d'économies d'échelle durablement supérieures à ses concurrents : grâce à l'importance de ses volumes de production, l'opérateur peut disposer d'un coût moyen de production inférieur à celui d'un autre opérateur. Ces économies d'échelle sont identifiables dans l'activité de France Télécom par le nombre très important de clients pour chaque réseau local, qui permet à l'opérateur historique un amortissement particulièrement rapide de ses investissements. A l'inverse, un opérateur souhaitant être compétitif par rapport à l'opérateur historique sur ce marché devra limiter ses tarifs de détail, ce qui rendra d'autant plus difficile l'amortissement de ses coûts et la couverture à terme des coûts irrécupérables. Cela augmentera son profil de risques financiers en allongeant la période de rentabilisation de ses investissements.

En outre, France Télécom bénéficie d'économies de gamme supérieures à ses concurrents : le partage des coûts fixes du réseau d'accès se fait sur une gamme plus étendue d'offres de détail et de gros.



III-2.6.3. Intégration verticale de France Télécom et effet de levier sur le marché de détail


Malgré la création d'offres de gros couvrant plusieurs segments de marché du segment terminal, France Télécom dispose encore des avantages d'effet de levier sur le marché de détail.


Tableau 5 : Réplicabilité des offres de détail de France Télécom

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III-2.6.3.1. Sur le segment des liaisons louées


L'offre de demi-circuit LPT a été créée en 2002 lors d'un règlement de différend entre les sociétés MFS et France Télécom afin de permettre aux opérateurs d'utiliser ces LPT pour bâtir des liaisons louées de détail concurrentes de celles de France Télécom.

Malgré le mouvement significatif de commande des offres d'interconnexion de liaisons louées LPT apparu depuis le début de l'année 2004, il semblerait que les opérateurs ne les utilisent pas pour fournir des liaisons louées de détail mais comme brique de base pour bâtir des offres de détail sur d'autres segments de marché à plus forte valeur ajoutée comme les RPV IP ou la fourniture de la voix aux grands sites. Sur ces segments de marchés, notamment les RPV IP, les opérateurs peuvent valoriser quelques avantages comparatifs dans les services et applications à valeur ajoutée (sécurisation, hébergement, gestion de la qualité de service et de la flexibilité des débits sur un réseau MPLS).


III-2.6.3.2. Sur le segment des capacités avec interfaces alternatives


Le problème de réplicabilité des offres de détail de France Télécom se situe principalement au niveau des services de plus de 10 Mbit/s : alors que des offres de capacités de détail avec interfaces alternatives de France Télécom de plus de 10 Mbit/s existent sur le marché depuis 1997 (notamment les services Ethernet Lan to Lan point à point), l'absence d'offres de gros jusqu'en octobre 2005 (lancement de l'offre de gros « CE2O » [33]) a limité la concurrence des opérateurs entrants sur ce segment de marché à une concurrence en infrastructure par le biais des boucles métropolitaines optiques dans le segment terminal, ne couvrant que quelques communes d'une dizaine d'agglomérations, soit une portion très réduite du territoire.

L'introduction de nouvelles offres de gros sur ce segment de marché (notamment à la suite de cette analyse de marché) permettra d'améliorer la réplicabilité des offres de détail de France Télécom. Cependant, ce mouvement sera relativement progressif et la régulation de l'accès ne portera pas ses effets sur toute la période de l'analyse des marchés.

L'offre de gros avec interfaces alternatives de plus de 10 Mbit/s existante, CE2O, a été lancée sur le marché en mai 2005 et commandée pour la première fois par les opérateurs au dernier trimestre 2005. Cette offre n'a bien sûr pas pu être encore intégrée à des offres de détail des opérateurs entrants. Cela ne pourra d'ailleurs se faire qu'après une période assez longue : pour la réplicabilité technique, il faut compter entre 6 mois de délai incompressible dans un scénario optimiste où les tests techniques se révèlent satisfaisants et les différents engagements pris par France Télécom sont respectés (34), et environ 18 mois dans un scénario pessimiste mais déjà vécu avec les LPT (35). Par la suite, on ne peut exclure encore une période supplémentaire de migration de services existants, d'optimisation des architectures d'interconnexion, de compatibilité avec la gamme de services existants fournis sur infrastructures propres, de recherche de l'espace économique nécessaire pour l'intégration systématique aux offres de détail. Selon les opérateurs entrants, le premier usage qu'ils feront de CE2O est surtout destiné à bâtir des services de niveau 3 du type RPV IP avant de songer à des services de capacités de niveau 1 ou 2 (tout comme ils l'ont fait pour les LPT).

En outre, l'offre CE2O n'offre que des débits compris entre 6 et 100 Mbit/s et a pour noeud d'interconnexion les brasseurs ATM de France Télécom. Ces caractéristiques techniques et d'architecture ne lui permettent pas de couvrir l'ensemble des besoins de réplicabilité des offres de détail de France Télécom existantes, notamment deux catégories d'offres :

- les services de capacités avec interfaces alternatives de plus de 100 Mbit/s comme SMHD Giga, Inter LAN 1.0 1 Gbit/s ou Inter SAN ;

- les capacités avec interfaces alternatives de France Télécom d'envergure locale ou métropolitaine (quelques kilomètres entre sites clients), dont l'architecture repose sur un rattachement des sites clients à un même répartiteur de France Télécom, sans remontée jusqu'au brasseur. Il s'agit d'offres comme Inter LAN 1.0 ou Réseau Intra-Cité.

Si de nouvelles offres de gros avec des architectures aux caractéristiques techniques plus adaptées que CE2O à la réplicabilité de telles offres de détail sont créées à la suite de l'analyse de marché, cela induira des délais encore plus longs pour le lancement d'offres de détail par les opérateurs les incorporant comme briques de base : les délais déjà évoqués entre le lancement d'une offre de gros par France Télécom et celui d'une offre de détail des opérateurs, ainsi que ceux entre la finalisation de la procédure d'analyse de marché et le lancement effectif de l'offre de gros.


(33) On peut en effet considérer que l'offre de gros n'était pas réellement disponible avant octobre 2005. La V1 lancée en mai n'avait pas été considérée par l'Autorité dans son avis 05-674 comme étant réellement utilisable par les opérateurs alternatifs. France Télécom a transmis les projets de courriers contractuels pour la V2 le 13 septembre 2005, on peut donc considérer que jusqu'en octobre il n'y avait pas d'offre de gros disponible. (34) Phase d'études, de tests et de révision informatique par les opérateurs entrants. (35) Accumulation de difficultés techniques et de freins à la commande et à la migration (engagements financiers, processus de commande compliqués, échanges d'informations difficiles, systèmes d'information insuffisants, problèmes de mutualisation avec des offres existantes).



III-2.6.4. Avantages du précurseur


France Télécom bénéficie des avantages du précurseur sur ce marché de détail complexe techniquement.

Tout d'abord, il dispose d'une bonne image en termes de qualité de service auprès de la clientèle qui est ou a toujours été cliente de France Télécom avant l'ouverture à la concurrence.

En outre, le marché des services de capacités est caractérisé par des coûts de changement d'opérateurs élevés qui poussent les entreprises à réaliser des lots importants, d'une durée assez longue et à réduire le nombre de fournisseurs pour ce type de services, tendances qui favorisent l'opérateur en place.


III-2.6.5. Diversification en termes de services permettant de faire des couplages

et des remises supérieures aux concurrents


La gamme de services de capacités de détail de France Télécom est plus étendue que celle de ses concurrents, ce qui lui permet de disposer de trois avantages concurrentiels significatifs :

- tout d'abord, France Télécom est le seul fournisseur de certains services ou sur certaines parties du territoire ;

- ensuite, par le choix d'un périmètre de remise important, qui couvre services en concurrence et services en monopole de fait, il améliore sa position concurrentielle face à ses concurrents ;

- enfin, la constitution technique ou le périmètre géographique de certains services lui permettent un couplage que ses concurrents ne peuvent pas réaliser.

En ce qui concerne les services pour lesquels France Télécom est durablement le seul fournisseur, il s'agit tout d'abord des liaisons louées analogiques et des liaisons louées numériques très bas débit (moins de 64 kbit/s). Pour ces services, l'obsolescence des technologies et les niveaux de prix de France Télécom sont inaccessibles par les concurrents qui ne les fourniront certainement pas. Seul le mouvement de substitution avec d'autres services de capacités, plus récents, sur lesquels les opérateurs entrants se positionnent améliorera la situation concurrentielle des opérateurs.

Dans le même ordre d'idées, comme relevé précédemment, la concurrence sur les services de capacités de plus de 10 Mbit/s, notamment avec interfaces alternatives, ne s'est exercés que sur une partie des dix plus grandes agglomérations. Le reste du territoire est un monopole de fait pour France Télécom et cette situation ne peut évoluer que progressivement.

En ce qui concerne l'amélioration de sa position concurrentielle permise par des remises, France Télécom propose un périmètre de remises aux volumes (fonction du montant total des achats du client) mutualisant l'ensemble des services de capacités jusqu'à 2 Mbit/s et n*2 Mbit/s d'une part, et l'ensemble des services de capacités de plus de 10 Mbit/s d'autre part. Sur les services jusqu'à 2 Mbit/s et n*2 Mbit/s, la mutualisation permet à France Télécom d'améliorer sa compétitivité par rapport à ses concurrents sur les services en concurrence. De même, la mutualisation dans le périmètre des remises de services en monopole géographique et de services fournis dans des zones où existe une certaine concurrence a le même effet sur les services soumis à concurrence. Pour améliorer leur compétitivité par rapport à France Télécom, ses concurrents doivent soit réduire leur marge de manière plus importante que France Télécom, soit offrir une gamme de services aussi étendue que lui, ce qu'ils ne souhaitaient peut être pas faire initialement (typiquement la fourniture de liaisons louées analogiques) ; dans tous les cas, la mutualisation des services sans concurrence et en concurrence dans le périmètre des remises augmente les barrières à l'entrée pour les concurrents.

Enfin, en ce qui concerne le couplage de prestations en concurrence et de prestations sans concurrence réalisées dans la composition de certains services, les opérateurs entrants ont indiqué à l'Autorité que le lancement du service SMHD en 1997, au moment de leur propre déploiement de boucles métropolitaines optiques de raccordement de sites d'entreprises, notamment en région parisienne, avait bloqué le développement de leur MAN : en effet, SMHD mutualise sur un seul contrat le raccordement de nombreux sites sur une boucle métropolitaine fédératrice. France Télécom a encouragé les clients à mutualiser le raccordement de leurs sites au sein d'un même contrat, avec souvent, des sites que SMHD pouvait couvrir mais pas les boucles des concurrents (notamment en périphérie de la région parisienne). En l'absence d'offre de gros, le raccordement de ces sites périphériques revenait trop cher pour les concurrents qui perdaient du même coup la totalité du contrat et la possibilité de rentabiliser les investissements déjà faits, de sorte qu'ils ont freiné leur déploiement.


III-2.7. Conclusion sur l'influence significative sur le marché de détail


France Télécom dispose d'une influence significative sur le marché de détail des services de capacité.



III-3. INFLUENCE SIGNIFICATIVE DE FRANCE TÉLÉCOM

SUR LE MARCHÉ DE GROS DU SEGMENT TERMINAL

III-3.1. Analyse de la demande potentielle sur le marché de gros du segment terminal


Il y a deux types de sites à raccorder sur le segment terminal composant au moins deux segments du marché libre du marché de gros du segment terminal :

- les sites de clients finals (entreprises ou administrations) à qui les opérateurs souhaitent délivrer des services de communications électroniques, notamment des services de capacités de détail ;

- les sites capillaires de réseau d'opérateurs fixes et mobiles souhaitant compléter leur réseau dorsal par l'achat de services de capacités auprès d'autres opérateurs plus capillaires : ces sites capillaires sont les BTS pour les opérateurs mobiles.

En ce qui concerne les sites de clients finals :

Cf. III-2.1.

En ce qui concerne les sites capillaires de réseau mobile :

Le nombre de BTS par réseau et donc leur dispersion géographique sur le territoire devrait augmenter à la faveur de la généralisation des réseaux radio UMTS dont les cellules sont plus petites que les cellules GSM : ainsi, chaque réseau d'opérateurs devrait passer d'environ 11 000 BTS à un total proche de 14 000, ce qui représente un nombre de points à raccorder supérieur à 30 000 (en dépit de quelques mutualisations de sites). Les liens entre les MSC et les BTS vont nécessiter des débits de raccordement plus importants qu'actuellement du fait de la montée en débits occasionnée par l'UMTS (les raccordements en fibre optique ne seront pas rares), de même que des évolutions dans les interfaces (passage de l'interface G 703 typique de la voix à des interfaces alternatives du type ATM ou Ethernet, plus aptes au transport d'applications de voix et de données).


III-3.2. Fonctionnement du marché

III-3.2.1. L'opérateur historique


Sur le segment terminal, France Télécom dispose d'abord d'un réseau d'accès en cuivre pour les débits inférieurs à 10 Mbit/s (paires de cuivre) qui couvre la demande sur tout le territoire, les zones non rentables ayant été couvertes dans le cadre de la fourniture du service universel. Il a également développé un réseau d'accès pour les débits supérieurs à 10 Mbit/s (boucles optiques), qui ne couvre pas la totalité du territoire mais qui se développe rapidement avec la montée en débits des sites clients : déployé en plusieurs phases, il couvre actuellement 170 plaques géographiques dans lesquels France Télécom indique être déjà en mesure de couvrir complètement ou partiellement les sites à l'intérieur de ces communes en l'espace de 4 à 6 semaines à la demande. Par ailleurs, France Télécom a annoncé en fin d'année 2004 le lancement d'un plan de déploiement dans environ 2 000 zones d'activité économique représentant environ 120 000 entreprises qui seront raccordées en xDSL sur support cuivre et en fibre optique selon les besoins.

Les services commercialisés par France Télécom sur le segment terminal sont : des liaisons louées achetées par les opérateurs à son catalogue de détail (liaisons louées numériques à plus de 64 kbit/s jusqu'à 155 Mbit/s), l'offre de référence LPT sur le segment terminal (de 64 kbit/s à 155 Mbit/s également), l'offre TDSL disponible à son catalogue de détail (ou DSL-E en offre de gros), des services de capacités avec interfaces alternatives commercialisées dans son catalogue de détail (à la fois des offres point à point d'interconnexion de réseaux locaux comme Inter LAN 1.0 ou 2.0 avec interface Ethernet ou des offres point à multipoints comme Multi LAN HD en ATM ou SMHD, toutes interfaces confondues) et, depuis le mois d'octobre 2005, l'offre « CE 2O » avec interface Ethernet.

France Télécom a également développé deux offres spécifiques pour les opérateurs sur le segment terminal : pour les opérateurs mobiles, l'offre AIRCOM vise à leur permettre de raccorder leurs BTS capillaires à leurs BSC.


III-3.2.2. Les opérateurs entrants


Sur le segment terminal, la situation des opérateurs entrants est un peu contrastée entre les sites clients et les sites capillaires de réseau.

Pour les sites clients :

Les opérateurs entrants couvrent une faible fraction de la demande actuelle et potentielle par leurs raccordements en propre. Ils sont donc peu vendeurs de services sur le segment terminal et principalement acheteurs de capacités sur le segment terminal.

Sur le segment de marché du segment terminal à moins de 10 Mbit/s, les opérateurs qui ont amorcé le dégroupage total des lignes d'entreprises (9Cegetel et dans une moindre mesure Colt) sont en mesure de fournir des capacités dans le segment terminal à moins de 10 Mbit/s aux autres opérateurs qui ne dégroupent pas encore : seul 9Cegetel le fait sur le marché libre pour des services avec interfaces alternatives.

Sur le segment de marché du segment terminal à plus de 10 Mbit/s, les quatre opérateurs qui ont déployé des MAN sont en mesure de fournir des capacités (également à 2 Mbit/s et n*2 Mbit/s sur les sites déjà raccordés), sur les zones d'emprise où ils sont suffisamment déployés. Dans les faits, seuls Completel et Colt le font sur le marché libre jusqu'à présent.

En outre, 9Cegetel a développé une activité de revente de liaisons louées d'interconnexion « pour compte de tiers » à des opérateurs moins déployés en profitant des différences de tarifs entre liaisons louées d'interconnexion locales et régionales (jusqu'à 2 Mbit/s et n*2 Mbit/s principalement, mais aussi à plus de 10 Mbit/s).

Pour les sites capillaires de réseau :

Pour les répartiteurs, le modèle économique est plus favorable au déploiement des opérateurs en propre du fait de la taille de ces sites de collecte et de leur moindre dispersion géographique que les sites clients :

600 répartiteurs des 20 plus grandes agglomérations ont été raccordés en propre par au moins deux opérateurs présents sur le marché entreprise (densité de population importante d'où trafic important et proximité avec les infrastructures déjà existantes - beaucoup de répartiteurs sont également CAA, notamment dans les grandes agglomérations) ;

Un second ensemble composé d'environ 2 500 répartiteurs représentant d'ores et déjà un potentiel de consommation important mais que les opérateurs auront du mal à raccorder en propre, surtout individuellement, existe, qui pourrait être également raccordé en propre avec la location de fibre noire aux collectivités territoriales pour abaisser le coût économique du déploiement en propre ;

Enfin, un troisième ensemble de répartiteurs regroupant le reste des répartiteurs de la zone éligible mais se trouvant dans des zones peu denses et donc présentant « peu » de potentiel économique ne semble pas atteignable dans l'immédiat pour des raisons de potentiel de remplissage moindre et de coûts plus élevés.

Pour la couverture des BTS des réseaux mobiles, les opérateurs ayant déployé des réseaux dorsaux et des boucles métropolitaines de collecte au sein des agglomérations sont en mesure de raccorder en propre certaines BTS et de commercialiser des capacités entre les BTS et les MSC, principalement par le biais du dégroupage des sites où se trouvent les BTS. Cependant, ce nombre, reste relativement difficile à apprécier et devrait demeurer inférieur à celui des répartiteurs.


III-3.3. Evolution du marché


Afin d'actualiser les analyses chiffrées du document soumis à consultation publique, les opérateurs ont répondu à un nouveau questionnaire quantitatif envoyé le 27 janvier 2006, et dont la structure correspondait aux nouvelles caractéristiques du marché. L'augmentation du chiffre d'affaires s'explique par une montée en débit des liaisons.

En excluant les services vendus par l'opérateur historique à ses filiales (Transpac sur le marché de la transmission de données et de l'accès à Internet) et Orange sur le marché des mobiles, la consommation sur le marché dit « libre » est la suivante :


Estimation du chiffre d'affaires (MEUR), hors ventes intra-groupe

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Estimation du parc (milliers de liaisons), hors ventes intra-groupe

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III-3.4. Parts de marché et autres indicateurs

III-3.4.1. Sur l'ensemble du segment terminal (marché libre)

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Concernant l'année 2005, les données recueillies en réponse au questionnaire du 27 janvier 2006 ne comprenaient plus de distinction entre les débits inférieurs ou supérieurs à 10 Mbit/s, ce qui correspond à l'analyse faite en II.3.1.2 de la présente décision incluant tous les services de capacité dans un même marché de gros du segment terminal.

France Télécom, dans sa réponse à la consultation première publique, indique que sa part de marché est plutôt de 16 %. Pour arriver à ce résultat, l'opérateur raisonne sur des données publiées par les opérateurs alternatifs sur le nombre de sites desservies et prend ensuite pour hypothèse que 30 % de ses sites ne sont pas raccordés en autoproduction mais via le marché de gros du segment terminal de plus de 10 Mbit/s, soit 1 865 liens. En considérant par ailleurs que France Télécom a vendu sur ce marché 296 liens, l'opérateur conclut qu'il dispose de 16 % de part de marché.

Il est difficile de tirer une conclusion d'un tel raisonnement. En effet, tous les paramètres sont très sensibles alors qu'ils ne sont estimés ici qu'avec une très forte marge d'incertitude. Par exemple, le décompte des sites raccordés n'est pas nécessairement homogène selon les opérateurs (un site égal une adresse postale, un site client, un contrat en cours ?). L'estimation de la part d'autoproduction dans les raccordements paraît assez aléatoire. Enfin, quand bien même ces valeurs auraient été bien estimées, la part de marché en parc n'a qu'un sens très limité sur ce marché où les prix sont très variables selon la densité de population, le déploiement des opérateurs et la longueur des liens (du simple au double pour VPN HD).

L'Autorité note par ailleurs que le parc estimé par France Télécom sur ce marché dans sa réponse à la consultation publique, 296 liens, est sensiblement plus important que celui déclaré précédemment.


III-3.5. Avantages concurrentiels de France Télécom sur le marché du segment terminal

III-3.5.1. Contrôle d'une infrastructure difficile à dupliquer

III-3.5.1.1. Sur le segment de marché des services de moins de 10 Mbit/s


France Télécom est propriétaire d'une infrastructure d'accès aux clients sur le segment terminal difficile à dupliquer de manière rentable, utilisée notamment pour fournir des services de capacités de détail avec des débits inférieurs à 10 Mbit/s : il s'agit de l'ensemble du réseau d'accès en cuivre. C'est une barrière à l'entrée économique structurelle, durable, que les opérateurs concurrents ne peuvent dupliquer de manière rentable sur l'ensemble du territoire. A titre d'illustration, le coût de reconstruction à neuf de la boucle locale de cuivre de France Télécom est évalué à 28 milliards d'euros (36).

Les possibilités de dégroupage total de la boucle locale de cuivre (mise à disposition d'une paire de cuivre nue pour les opérateurs entrants) réduisent fortement le coût économique de constitution d'une capacité sur le segment terminal, que ce soit pour ses propres besoins ou pour la revente à des tiers, et devrait permettre l'entrée d'opérateurs offreurs sur le marché de gros du segment terminal.

Cependant, sur la période de l'analyse de marché, la réduction des barrières à l'entrée grâce au dégroupage total sur le marché professionnel restera certainement circonscrite aux grandes agglomérations et ne devrait pas éroder significativement l'avantage que représente le contrôle par France Télécom d'une infrastructure complète sur le segment terminal pour plusieurs centaines de milliers de sites d'entreprises.



Vous pouvez consulter le tableau dans le JO

n° 247 du 24/10/2006 texte numéro 70





Figure 3 : Déploiement du dégroupage total c/ TDSL


(36) Consultation publique de l'Autorité sur les méthodes de valorisation de la boucle locale cuivre, avril 2005.



III-3.5.1.2. Sur le segment de marché des services de plus de 10 Mbit/s


France Télécom est propriétaire d'une infrastructure d'accès aux clients sur le segment terminal difficile à dupliquer de manière rentable, utilisée notamment pour fournir des services de capacités de détail avec des débits supérieurs à 10 Mbit/s : il s'agit de l'ensemble de ses boucles locales optiques sur le territoire et des fourreaux d'accès aux sites clients. A l'inverse, pour les opérateurs entrants, le déploiement de boucles de collecte optique intra-agglomérations puis de boucles métropolitaines de raccordement des sites en optique représente une barrière à l'entrée économique structurelle, durable, en dehors des zones très denses (couverture ne leur permettant plus de capter une part significative du marché potentiel).

Depuis l'année 2001 et le retournement du financement par les marchés financiers des investissements dans les télécommunications, les déploiements de nouvelles boucles métropolitaines optiques d'opérateurs entrants raccordant des sites d'entreprise se sont arrêtés en France ; les opérateurs se contentent de raccorder des sites très proches de leur boucle pour densifier la couverture des zones.



Vous pouvez consulter le tableau dans le JO

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Figure 4 : Déploiement MAN / offres de gros FT / offres de détail FT

III-3.5.2. Présence d'importantes économies d'échelle et de gamme


Les économies d'échelle et de gamme explicitées sur le marché de détail sont transposables sur les marchés du segment terminal (cf. III-2.6.2). En particulier, France Télécom a des volumes de production bien supérieurs à celles de ses concurrents. En outre, il bénéficie d'économies de gamme supérieures à ses concurrents : le partage des coûts fixes du réseau d'accès se fait sur une gamme plus étendue d'offres de détail et de gros.


III-3.5.3. Avantages du précurseur


Les opérateurs acheteurs de produits sur le segment terminal sont souvent prioritairement clients de France Télécom et encourent un coût de changement d'opérateurs élevé, notamment lorsqu'ils ont recours à une offre de référence (de type tronc-feuille).

En effet, la souscription à des offres de référence suppose des volumes de commande importants sur un brasseur pour couvrir les coûts fixes d'achat de prestations connexes entre son POP et le brasseur de France Télécom (que ce soit les LA de l'architecture d'interconnexion de liaisons louées ou les troncs de TDSL ou de CE2O) et les coûts internes financiers et humains dans le processus de mise en place de l'interconnexion avec France Télécom (mobilisation d'équipes de techniciens, tests techniques, coûts de système d'information).



Une fois ces coûts fixes engagés, l'opérateur a intérêt à concentrer le plus grand nombre possible de LPT ou de feuilles TDSL ou CE2O sur le brasseur où il est raccordé pour optimiser les économies d'échelle procurées par l'architecture d'interconnexion avec France Télécom. Ensuite il est naturellement réticent à changer d'opérateur sur une zone donnée.


III-3.6. Conclusion sur l'influence significative sur le marché de gros du segment terminal


France Télécom dispose d'une influence significative sur le marché de gros du segment terminal.


III-4. INFLUENCE SIGNIFICATIVE DE FRANCE TÉLÉCOM

SUR LES MARCHÉS DU CIRCUIT INTERURBAIN


Pour un opérateur entrant, l'intensité des goulots d'étranglement sur le circuit interurbain est différente selon que l'on cherche à fournir une capacité entre points se situant à l'intérieur d'un même territoire (notamment à l'intérieur de la métropole) ou entre des points situés dans des territoires différents (notamment entre la métropole et les départements et collectivités territoriales d'outre-mer).

L'analyse a été conduite en métropole pour le marché intra-territorial. L'Autorité considère que ses conclusions sont identiques à l'intérieur des départements d'outre-mer et de Mayotte.


III-5. IDENTIFICATION D'UN OPÉRATEUR PUISSANT

SUR LES MARCHÉS DU CIRCUIT INTERURBAIN INTRA-TERRITORIAL

III-5.1. Analyse de la demande potentielle sur le circuit interurbain en métropole


La demande sur le circuit interurbain émane de trois types d'opérateurs aux caractéristiques différentes.

Le premier type de demande provient des opérateurs fixes à dominante « transporteur longue distance », qui se déploient progressivement sur le territoire, principalement au niveau du réseau dorsal depuis l'ouverture du marché en 1998.

Le second type de demande provient des opérateurs fixes à dominante « opérateur de boucle locale » qui ont déployé plusieurs plaques régionales sur le territoire et qui souhaitent les raccorder entre elles pour constituer leur propre réseau dorsal.

Le troisième type de demande émane des opérateurs mobiles qui ont des besoins de capacités pour constituer leur propre réseau dorsal : ces besoins se partagent entre le circuit interurbain (raccordement d'une soixantaine de MSC, raccordement des MSC avec des points de concentration, partie du raccordement des BTS aux MSC) et le segment terminal (raccordement des BTS aux MSC). La particularité des besoins des opérateurs mobiles est leur grande dispersion sur l'ensemble du territoire.


III-5.2. Fonctionnement du marché et concurrence potentielle

III-5.2.1. L'opérateur historique


L'opérateur historique dispose sur le circuit interurbain d'un réseau dorsal composé de 300 noeuds de réseau sur le territoire pour les besoins de transport des différents types de services de capacités. Sur ces noeuds de réseau, environ 275 sont des brasseurs ATM (servant au transport des services de capacités avec interfaces alternatives) et 250 brasseurs de liaisons louées du réseau RTNM. Ces brasseurs jouent un rôle actif dans le brassage des liaisons louées jusqu'à 2 Mbit/s et n*2 Mbit/s. En outre, sur ces 250 brasseurs de liaisons louées, 150 sont ouverts à l'interconnexion pour les liaisons louées d'interconnexion très haut débit (34 et 155 Mbit/s).

La seule offre spécifique commercialisée par France Télécom sur le circuit interurbain intra-territorial en métropole est l'offre « VPN HD » « backbone » entre les 22 plus grandes agglomérations (soit 48 noeuds).


III-5.2.2. Les opérateurs entrants


Les opérateurs nouveaux entrants actifs sur le marché du circuit interurbain sont ceux qui ont déployé des réseaux dorsaux sur le territoire.

Il y a deux types d'opérateurs entrants actifs comme fournisseurs sur le marché du circuit interurbain :

- les premiers sont les opérateurs intégrés verticalement sur des marchés de détail. Ils ont déployé un réseau dorsal plus ou moins capillaire sur le territoire afin de chercher une duplication des infrastructures de France Télécom afin de payer le minimum de coût d'interconnexion ou d'accès à France Télécom pour leurs propres besoins, de profiter au maximum des économies d'échelle et de gamme que peut leur procurer un réseau capillaire et ne négligent pas également la source de revenus procurés par la vente de services de gros aux opérateurs moins déployés ;

- les seconds acteurs présents sur ce marché sont les opérateurs d'opérateurs, présents quasi exclusivement sur le marché du circuit interurbain. La plupart ont une activité en France réduite entre des villes comme Paris, Lyon et Lille qui sont des noeuds des capacités internationales qu'ils commercialisent (Level 3, Global Crossing). Mais, deux opérateurs ont une activité à l'intérieur du territoire français : il s'agit de Cogent (ex-Lambdanet) et, dans une moindre mesure, Télia (qui a tendance à se replier à l'international). Ce faible développement de ce type d'opérateurs peut également être interprété comme un faible facteur de concurrence sur le marché.


III-5.3. Parts de marché et autres indicateurs de concurrence


Sur le marché libre de gros du circuit interurbain, les parts de marché des opérateurs ont évolué de la manière suivante :

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JO no 247 du 24/10/2006 texte numéro 70
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La part de marché de France était en 2004 supérieure à 60 % en valeur. Les réponses au questionnaire de 2006, basé sur une typologie différente, font apparaître une part de marché estimée de France Télécom supérieure à 70 % pour l'année 2005.

France Télécom, dans sa réponse à la première consultation publique, estime que le marché libre du « backbone » représentait en 2004 2 589 liens, dont 926 pour France Télécom. L'opérateur en déduit que sa part de marché n'est pas de 61,9 % mais de 36 %.

Tout d'abord l'estimation du parc à 2 589 liens repose sur des hypothèses très incertaines.

Ensuite, le périmètre sur lequel France Télécom conduit son calcul n'est pas celui du marché du circuit interurbain tel qu'il est défini dans cette analyse de marché (après vérification auprès de l'opérateur, son calcul ne tient compte que des liens supérieurs à 10 Mbit/s, en outre il inclut les fibres noires et les liens POP-NRA qui sont hors marché).

Enfin, le parc de 2 589 liens est très sensiblement différent de celui fourni par France Télécom précédemment. En 2004, dans le cadre cette analyse de marché, France Télécom avait fourni un parc pour le « backbone ». Celui-ci se décomposait en « LL ETSI < 2M », « LL ETSI > 2M », « LL hors ETSI < 2M », « LL hors ETSI > 2M ». Pour le marché libre, la dernière catégorie était nulle. Elle semble maintenant être évaluée à plus de 2000, et ce pour la même année 2004.

Les nouvelles informations fournies par France Télécom laissent supposer que la part de marché de 61,9 % est une sous-estimation, puisque cette valeur n'incluait pas le chiffre d'affaires réalisé sur les « LL hors ETSI > 2M », qui semble être conséquent.


III-5.4. Avantages concurrentiels

III-5.4.1. France Télécom dispose d'une infrastructure difficile à dupliquer


France Télécom possède une infrastructure difficile à dupliquer sur l'ensemble du territoire reliant ses brasseurs ATM et de liaisons louées. C'est une barrière à l'entrée économique restant forte pour les opérateurs entrants. Cette infrastructure a bénéficié des économies d'échelle et de gamme qui ont rendu ce déploiement réalisable.

L'infrastructure de France Télécom sur le circuit interurbain a été dupliquée entre les principales agglomérations notamment par 9Cegetel. Dans une vision prospective, on peut considérer que les conditions de demande avec une intensification des besoins dans de nouvelles agglomérations (montée des volumes de trafics transportés) et l'amélioration des conditions d'offres avec le déploiement du réseau de fibre optique du RTE et de certains projets de collectivités territoriales permettra d'élargir le périmètre de déploiement viable des opérateurs.



III-5.4.2. Economie d'échelle et de gamme


Les économies d'échelle et de gamme explicitées sur le marché de détail sont transposables sur les marchés du segment terminal (cf. III-2.6.2). En particulier, France Télécom a des volumes de production bien supérieurs à ceux de ses concurrents. En outre, il bénéficie d'économies de gamme supérieures à ses concurrents : le partage des coûts fixes du réseau d'accès se fait sur une gamme plus étendue d'offres de détail et de gros.


III-5.5. Conclusion sur l'influence significative


France Télécom dispose d'une influence significative sur les marchés du circuit interurbain intra-territorial.

Depuis août 2005, les deux principaux concurrents de France Télécom sur ce marché en métropole, 9 Télécom et Cegetel, ont fusionné. Toutefois, les parts de marché cumulées des années 2001-2004 sont inférieures, en tout état de cause, à 30 %. En outre, les sociétés concernées estiment que les synergies attendues ne se matérialiseront pleinement qu'en 2007 (37). Enfin, eu égard à l'examen des critères qualitatifs réalisé supra, qui permettent d'apprécier la signification des parts de marché, il apparaît que France Télécom dispose encore de sérieux avantages sur ce marché, en particulier en ce qui concerne les économies d'échelle ou de gamme, qui lui permettent d'agir indépendamment de ses concurrents.

L'Autorité estime qu'une telle opération ne devrait pas substantiellement modifier le fonctionnement du marché dans les trois années à venir. D'autre part, les réseaux déployés par les collectivités et les sociétés d'autoroute auront un impact à long terme sur le fonctionnement du marché, mais pas à court terme. Dans le cas contraire, l'Autorité anticiperait le renouvellement de la présente analyse des marchés des liaisons louées pour adapter ses conclusions, comme le prévoit l'article D. 301 du CPCE.


(37) Conférence de presse, 11 mai 2005, 9 Télécom/Cegetel.



III-6. IDENTIFICATION D'UN OPÉRATEUR PUISSANT SUR LES MARCHÉS

DU CIRCUIT INTERURBAIN INTER-TERRITORIAL

III-6.1. Analyse de la demande sur le circuit interurbain inter-territorial


La demande sur le circuit interurbain entre la métropole et les départements d'outre-mer, et entre les départements d'outre-mer (notamment les axes Guadeloupe-Martinique-Guyane) provient des opérateurs fixes et mobiles actifs sur ces régions.

Pour fournir leurs prestations de communications électroniques, ces opérateurs achètent des capacités de transport sur le circuit interurbain entre leur point de présence outre-mer et un point de présence en métropole (généralement en région parisienne pour les opérateurs nouveaux entrants et ailleurs pour France Télécom).

Pour fournir leurs prestations de communications électroniques entre les départements d'outre-mer, les opérateurs achètent des capacités de transport sur le circuit interurbain entre leur point de présence dans le premier département et leur point de présence dans le second département. Du fait du parcours des câbles sous-marins entre la métropole et les départements de la Martinique, de la Guadeloupe et de la Guyane, une partie des achats de capacités entre deux départements d'outre-mer sert à transporter un trafic entre un département d'outre-mer et la métropole (ainsi pour les câbles ECFS qui participent au réseau de câbles sous-marins qui relie la Guadeloupe et la Martinique à la métropole, de même pour le câble Americas II qui participe au lien entre les deux départements des Antilles et la Guyane à la métropole).

D'après les informations recueillies, les besoins immédiats de capacités des opérateurs entrants oscillent entre 2 Mbit/s et 34 Mbit/s. Cependant, si leur position s'améliore sur le marché de détail (notamment s'ils arrivent à décrocher les contrats de quelques gros clients), les besoins en débits peuvent augmenter sensiblement.

L'analyse qui suit est essentiellement fondée sur des raisonnements de type qualitatif, l'Autorité n'ayant pas pu obtenir d'éléments chiffrés précis sur ces marchés.

En l'absence d'analyse des parts de marché, elle a analysé avec le plus grand soin l'ensemble des autres critères de puissance sur ces marchés, conformément aux « lignes directrices » de la Commission européenne.

Ces marchés sont essentiellement caractérisés par l'existence d'infrastructures difficilement réplicables et d'importantes économies d'échelle et de gammes de l'opérateur historique.


III-6.1.1. Les indicateurs de concurrence sur les routes transatlantiques

III-6.1.1.1. Existence de marchés de gros


Il existe un marché de gros entre la métropole et la Martinique, sans intervention du régulateur.

Il existe un marché de gros entre la métropole et la Guadeloupe, sans intervention du régulateur. Cependant, Outremer Télécom indique qu'il est obligé d'acheter l'offre de détail Transfix.

Il existe un marché de gros entre la métropole et la Guyane, sans intervention du régulateur.

Cependant, comme les transactions sont rares (nombre d'acheteurs extrêmement réduit) et confidentielles, que certains vendeurs ne sont pas opérateurs déclarés en France (c'est le cas de Sprint), les parts de marché n'ont pu être calculées sur la période 2001-2004, même en essayant de les reconstituer auprès des acheteurs.


III-6.1.1.2. Détention par France Télécom d'infrastructure difficile à dupliquer


Entre la métropole et la Martinique, il existe deux câbles sous-marins (le câble Americas II et le câble ECFS, cf. III-6.1.1). Sur ces deux câbles, France Télécom est membre du consortium et possède un monopole d'entrée dans les stations d'atterrissement (partie terrestre) et sur les « compléments terrestres » en Martinique.

Entre la métropole et la Guadeloupe, il existe un seul câble sous-marin (le câble ECFS, cf. III-6.1.1). Sur ce câble, France Télécom est membre du consortium et possède un monopole d'entrée dans les stations d'atterrissement (partie terrestre) et sur les « compléments terrestres » en Guadeloupe.

L'ajout d'une nouvelle bretelle en 2006 (« Guadeloupe Numérique ») pourrait améliorer la situation concurrentielle, sans pour autant impacter substantiellement cette situation à l'horizon de la présente analyse, notamment pour des raisons de sécurisation de routes. Dans le cas contraire, l'Autorité pourrait être amenée à revoir son analyse conformément aux dispositions de l'article D. 302 du CPCE.

Entre la métropole et la Guyane, il existe un seul câble sous-marin (le câble Americas II). Sur ce câble, France Télécom est membre du consortium et possède un monopole d'entrée dans les stations d'atterrissement et sur les compléments terrestres en Guyane.

Il faut enfin noter que si dans l'absolu une liaison satellite peut être utilisée en substitution de secours d'un câble sous-marin, celui-ci est un substitut très imparfait, non seulement pour des questions de prix et de temps de latence, mais aussi parce que les fournisseurs de ces liaisons peuvent être défaillants. Par exemple, début mars 2006, le fournisseur de SRR a déposé son bilan.



III-6.1.1.3. Faible évolution des prix


Les prix des capacités entre la métropole et la Martinique sont composés de deux parties :

- un prix de la partie sous-marine : celui-ci a eu tendance à baisser au cours de la période, notamment sur le câble Americas II où règne la concurrence la plus vive ;

- un prix du « complément terrestre » à la Martinique qui s'est maintenu à des niveaux stables jusqu'en 2004 où France Télécom a révisé son prix.

Au final, les tarifs des capacités entre la métropole et la Martinique sont restés relativement stables.

Lorsque l'on compare les tarifs des « compléments terrestres » avec les tarifs de capacités équivalentes (liaisons d'aboutement), on constate un différentiel important.

Comme pour la Martinique, les tarifs des capacités entre la métropole et la Guadeloupe sont restés relativement stables, et lorsque l'on compare les tarifs des « compléments terrestres » avec les tarifs de capacités équivalentes (liaisons d'aboutement), on constate un différentiel important.

Les prix des capacités entre la métropole et la Guyane sont composés de deux parties :

- un prix de la partie sous-marine : celui-ci a eu tendance à baisser avec la concurrence sur Americas II ;

- un prix du « complément terrestre » en Guyane qui s'est maintenu à des niveaux stables jusqu'en 2004 où France Télécom a révisé son prix.

Au final, les tarifs des capacités entre la métropole et la Guyane sont restés relativement stables. Lorsque l'on compare les tarifs des « compléments terrestres » avec les tarifs de capacités équivalentes (liaisons d'aboutement), on constate un différentiel important.


III-6.1.2. Les indicateurs de concurrence sur la route entre la métropole et la Réunion


Absence de marché de gros sans régulation :

Il n'existait pas de marché de gros entre la métropole et la Réunion avant l'intervention du régulateur à la suite de règlements de différend. France Télécom était en situation de monopole sur le circuit interurbain entre la métropole et la Réunion et vendait aux clients des liaisons louées du catalogue de détail, éventuellement remisées, à des niveaux de l'ordre de 16 800 EUR le Mbit/s/mois environ en 2004, ce qui lui procurait une marge importante (coût estimé à 900 EUR le Mbit/s pour 2004).

France Télécom a présenté en mars 2006 à l'Autorité des éléments d'information relatifs à la baisse de 25 % des tarifs des LLT depuis le 1er janvier 2006.

Un seul câble entre la métropole et la Réunion :

Entre la métropole et la Réunion, il n'existe qu'un seul câble sous-marin (le câble SAFE, ou plus précisément, l'assemblage SAT3-WASC-SAFE). Sur ce câble, France Télécom est membre du consortium et possède un monopole d'entrée dans les stations d'atterrissement (partie terrestre) et sur les « compléments terrestres » ainsi qu'un monopole sur la partie sous-marine terminale. Pour pouvoir commercialiser des capacités entre la métropole et la Réunion, les autres membres du consortium doivent acheter un demi-circuit à France Télécom en plus du « complément terrestre ». Avec ces deux contraintes, ils ne sont jamais entrés sur le marché.

Monopole de France Télécom :

France Télécom a donc une part de marché proche de 100 % sur ce marché.


III-6.2. Avantages concurrentiels

III-6.2.1. Contrôle d'une infrastructure difficile à dupliquer

Tableau récapitulatif

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Les câbles sous-marins sont des infrastructures particulièrement coûteuses, et donc difficiles à dupliquer. A titre d'illustration, on pourra retenir les ordres de grandeur suivants :

- un investissement initial de l'ordre de 650 millions de dollars américains (38) ;

- des coûts d'exploitation annuels avoisinant les 10 % de l'investissement initial ;

- des charges indirectes s'élevant à près de 20 % du total des amortissements annuels.

France Télécom détient des intérêts économiques dans chacune de ces infrastructures, et parfois une exclusivité de commercialisation.

De plus, les capacités allouées aux membres des consortiums le sont à des tarifs fortement dégressifs avec la quantité retenue. Ainsi, sur le câble SAT3/WASC/SAFE, il était possible au moment de la constitution du consortium d'acquérir une capacité faible, ce qui permettait l'entrée dans le consortium de nombreux opérateurs. Mais cette capacité était vendue à un prix très supérieur à celui dont bénéficie France Télécom en tant qu'investisseur principal. Cet élément illustre donc les économies d'échelle et de gammes dont France Télécom bénéficie au cas d'espèce.

Les barrières à l'entrée sur ce marché sont donc très fortes : il est impossible de proposer une offre concurrentielle sans un fort investissement et une participation aux consortiums existants.

Il n'existe pas réellement de technologies alternatives aux câbles sous-marins pour les besoins sur le circuit interurbain : en effet, les liaisons satellites n'ont pas un degré de substituabilité suffisant par rapport aux câbles sous-marins et ne peuvent représenter une alternative au transport par câbles sous-marins. Elles souffrent de défauts importants :

- une qualité de service bien moindre (notamment au niveau du temps de latence) qui dégrade le service à des niveaux peu acceptables pour les applications en temps réel ;

- un coût au Mbit/s bien supérieur à celui du câble (lorsque celui-ci est tarifé à proximité des coûts) ;

- une difficulté à obtenir facilement des capacités importantes supplémentaires.

Aussi, l'usage des liaisons satellitaires se fait généralement à des fins de sécurisation ou lorsque les câbles sont proposés à des prix de monopole (cellophane fallacy). Il en est de même des faisceaux hertziens entre deux îles ou entre une île et le continent, qui sont encore plus vulnérables aux conditions climatiques que le satellite.

Par ailleurs, la nécessité de disposer d'une sécurisation (c'est-à-dire d'avoir un deuxième circuit de transport indépendant du premier, typiquement un second câble sous-marin), notamment parce que le risque de coupure des câbles est grand (principalement à proximité des zones terrestres), conduit généralement les clients opérateurs à rechercher deux voies de transmission, ce qui avantage le contrôle d'une infrastructure.

Le contrôle des capacités sur les câbles sous-marins peut conférer à France Télécom un avantage concurrentiel fort sur le marché, à condition de pouvoir exercer un pouvoir de marché (capacité à fixer les prix durablement au-dessus du niveau concurrentiel). Mais pour cela, il faut que l'opérateur soit en mesure de contrôler tout ou partie des segments techniques composant les routes entre les départements d'outre-mer et la métropole et celles entre les départements d'outre-mer c'est-à-dire :

- soit le « complément terrestre » entre la station d'atterrissement et le brasseur le plus proche où viennent s'interconnecter les acheteurs ;

- soit tout ou partie du câble sous-marin.

Pour le « complément terrestre », en l'absence de régulation, l'opérateur peut exercer un pouvoir de monopole tarifaire quasi absolu lorsqu'il est le seul à pénétrer dans la station d'atterrissement, que ce soit par le biais d'un monopole conféré par les droits de propriété et les accords de consortium (spécifiant un monopole d'un opérateur sur la station d'atterrissement) ou d'un monopole de fait lorsque l'entrée dans une station d'atterrissement et la fourniture de « complément terrestre » représente une barrière à l'entrée économique structurelle pour de petits opérateurs clients ou des opérateurs sur le câble qui n'ont pas intérêt à investir sur un territoire aux perspectives insuffisantes pour eux. A l'échelle d'un territoire, qui peut être desservi par plusieurs câbles ou plusieurs boucles d'un même câble, le pouvoir de marché de l'opérateur qui a le monopole sur le « complément terrestre » reste bien sûr entier s'il a le monopole sur toutes les stations d'atterrissement (cas dans les départements d'outre-mer). Par contre, le pouvoir de marché conféré par le monopole sur la pénétration dans une station d'atterrissement peut être quasiment annulé s'il existe plusieurs entrées sur le territoire que l'opérateur ne contrôle pas : c'est le cas par exemple sur les routes transatlantiques entre les Etats-Unis et la France où l'existence de routes (câbles en l'occurrence) passant par le Royaume-Uni ou l'Espagne rend quasiment nul le monopole de France Télécom sur la pénétration dans la station d'atterrissement en Bretagne.

Pour la partie du transport sous-marin, le pouvoir de marché dépend de la situation sur les câbles :

- il est très fort sur les câbles où l'opérateur commercialise des demi-circuits à ses concurrents (grâce à un monopole sur l'atterrissement), dont il fixe librement les tarifs, et des circuits complets pour son propre compte ; il est alors en mesure de mettre en oeuvre un effet de ciseaux entre les deux tarifs pour évincer ses concurrents ;

- il est nettement plus réduit sur les câbles sous-marins où l'opérateur est en concurrence pour des circuits complets. Le degré de concurrence sur un câble donné entre les membres d'un consortium augmente fortement avec le nombre de concurrents réellement actifs sur la route, et est une fonction croissante de la capacité de réserve disponible (à la fois la capacité propre à chaque opérateur et la capacité libre), ce qui est généralement le cas sur les câbles les plus récents ; l'effet joue bien sûr en sens inverse si le nombre de concurrents sur la route est faible et la capacité disponible réduite pour l'ensemble des acteurs : dans ce cas, le pouvoir de marché des opérateurs augmente puisque, écoulant en priorité le trafic de leurs propres services, ils fixent un tarif augmentant parallèlement à la réduction de la capacité marginale restante sur le câble ; des comportements anti-concurrentiels peuvent même s'observer entre acteurs bridant la capacité disponible pour conserver des prix élevés sur le marché libre ;

- enfin, le pouvoir de marché sur la partie strictement sous-marine peut s'effondrer en cas de duplication de câbles sur une route donnée avec au moins un câble ayant de nombreux acteurs, avec beaucoup de capacités disponibles (cas sur les câbles transatlantiques).

Le pouvoir de marché exercé par les opérateurs sur l'ensemble du circuit interurbain provient du cumul des pouvoirs de marché sur les « compléments terrestres » et sur la partie sous-marine.


(38) Ainsi, France Télécom aurait dépensé 96 millions de dollars dans le câble SAFE, ce qui représente 15 % de ce système (cf. décision no 2004-374 de l'Autorité de régulation des télécommunications en date du 27 avril 2004 se prononçant sur un différend opposant le conseil régional de la Réunion à France Télécom).



III-6.2.1.1. Sur la route entre la métropole et la Martinique


Il existe deux câbles, dont l'un, Americas II, est relativement récent et concurrentiel. France Télécom n'a donc pas un grand avantage concurrentiel sur la partie sous-marine par rapport aux autres opérateurs actifs sur le câble, tant qu'Americas II demeurera concurrentiel. Mais, France Télécom détient un monopole sur les « compléments terrestres » entre la station d'atterrissement et le brasseur de liaisons louées sur les deux câbles atterrissant en Martinique.



III-6.2.1.2. Sur la route entre la métropole et la Guadeloupe


Il n'existe qu'un seul câble, ECFS, ancien, avec deux acteurs actifs sur la route entre la métropole et la Guadeloupe (France Télécom et Cable & Wireless), aux intérêts convergents et avec une capacité de réserve réduite. Aussi, France Télécom détient un certain pouvoir de marché sur la partie sous-marine entre la métropole et la Guadeloupe. Ce pouvoir de marché est accru par son monopole sur le « complément terrestre » entre la station d'atterrissement et le brasseur de liaisons louées.


III-6.2.1.3. Sur la route entre la métropole et la Guyane


Il existe un seul câble, Americas II, entre la métropole et la Guyane. De ce fait, le pouvoir de marché sur la partie sous-marine est relativement réduit, bien que plus important qu'en Martinique où il y a deux câbles. Mais, France Télécom détient un monopole sur les « compléments terrestres » entre la station d'atterrissement et le brasseur de liaisons louées.


III-6.2.1.4. Sur la route entre la métropole et la Réunion


Il existe un seul câble, SAFE, sur lequel France Télécom dispose d'un monopole sur la partie sous-marine reliant le câble à l'île de la Réunion, ce qui lui permet de facturer librement ses prestations de demi-circuit aux autres opérateurs membres du consortium et, par ce biais, les évincer de la route entre la métropole et l'île de la Réunion (en facturant ses propres circuits complets au-dessous des coûts d'un opérateur efficace). Par ailleurs, France Télécom dispose d'un monopole sur le « complément terrestre » entre la station d'atterrissement et le brasseur de liaisons louées.


III-6.2.2. Absence de contre-pouvoir des acheteurs


Les opérateurs acheteurs sur ces marchés ont indiqué que les volumes de trafic qu'ils réalisent, ne justifient pas, pour eux, d'investir dans ce type d'infrastructures, que ce soit au moment de la construction de ces câbles ou, par la suite, sous la forme d'un IRU (durée d'engagement de cinq ans jugé trop long, volumes minimaux à réserver trop élevés). De même, ils ne peuvent pas non plus investir de manière rentable dans l'accès à une station d'atterrissement (en cas de levée du monopole sur l'entrée). France Télécom est donc en présence d'opérateurs de petite taille, qui ne peuvent se passer de sa prestation qui représente un pourcentage élevé de leurs coûts et de leur activité.


III-6.2.3. Intégration verticale et effet de levier sur les marchés de détail


La présence de France Télécom comme membre du consortium et détenteur de monopole sur les stations d'atterrissement lui confère la possibilité d'évincer ses concurrents sur le marché de gros du circuit interurbain (notamment par la fixation de prix élevés de « compléments terrestres » et de demi-circuits ne leur permettant pas de s'aligner sur les prix des prestations de bout en bout de France Télécom).

En outre, France Télécom est le seul opérateur présent sur toute la chaîne géographique : les opérateurs membres des consortiums sur les câbles sous-marins sont tous des opérateurs internationaux qui sont peu, voire pas actifs sur le territoire national et exercent donc une faible concurrence vis-à-vis de France Télécom sur ce type de routes.

Enfin, entre la décision de mise en place d'une offre de gros et sa mise en oeuvre opérationnelle par les opérateurs entrants, les délais peuvent être extrêmement longs du fait de pratiques de blocage ou de points à régler dans le choix précis des modalités techniques et financières du service : ainsi, dans le cas de l'offre de gros dite de liaison louée de transport entre la métropole et la Réunion, la mise en place a été effectuée en mai 2004 suite au règlement de différend entre Outremer Télécom et France Télécom, mais n'était souscrite fin 2004 que par un seul opérateur, et par 4 opérateurs à mi-2006. Des difficultés persistent concernant la sécurisation et la qualité de service des circuits passant par le câble.


III-6.3. Conclusion sur l'influence significative


France Télécom dispose d'une influence significative sur les marchés de gros du circuit interurbain interterritorial : routes métropole-Martinique, métropole-Guadeloupe, métropole-Guyane, métropole-la Réunion, ainsi que l'ensemble des routes reliant directement les départements d'outre-mer entre eux (Guadeloupe-Martinique, Guadeloupe-Guyane, Martinique-Guyane).


III-7. COMMENTAIRES SUR L'ANALYSE DE L'AUTORITÉ

III-7.1. Avis du Conseil de la concurrence


Conformément à l'article L. 37-1 du CPCE, l'Autorité a sollicité l'avis du Conseil de la concurrence, notamment sur la liste des opérateurs réputés exercer une influence significative sur les marchés pertinents qu'elle a identifiés, le 28 mars 2006. Le Conseil de la concurrence a rendu son avis no 2006-A-10 du 12 mai 2006.

Au sujet de l'influence significative, le conseil partage l'appréciation de l'ARCEP selon laquelle France Télécom exerce une influence significative sur les marchés considérés. Actant du fait qu'il est difficile de juger de l'impact futur sur le jeu concurrentiel des projets de collectivités non encore réalisés, et de la progression relative des offres d'accès en SDSL en raison notamment des freins entravant la migration d'une offre de liaison louée traditionnelle vers une offre de service de capacité sur interface alternative, il recommande toutefois à l'Autorité de suivre avec attention la double dynamique concurrentielle résultant de l'intervention des collectivités territoriales d'une part, et de la montée en puissance des services de capacités sur accès dégroupés d'autre part.

L'ARCEP avait déjà indiqué qu'elle entendait effectivement suivre avec attention ces évolutions. Elle rappelle qu'en cas d'évolution de la situation concurrentielle des marchés, elle peut anticiper une nouvelle analyse des marchés.


III-7.2. Observations de la Commission européenne


Dans ses observations en date du 24 juillet 2006 susvisée, la commission ne formule pas d'observations sur la désignation de France Télécom comme opérateur disposant d'une influence significative sur les marchés de détail et de gros des services de capacité ; elle approuve ainsi l'analyse et la conclusion de l'Autorité.



IV. - LES OBLIGATIONS SUR LES MARCHÉS PERTINENTS

IV-1. INTRODUCTION

IV-1.1. Objectifs de l'action réglementaire


Si l'analyse du niveau de développement de la concurrence conclut qu'un marché est effectivement concurrentiel, l'Autorité peut proposer la suppression des éventuelles obligations qui s'y appliquaient jusqu'alors ; dans le cas contraire, l'Autorité impose aux entreprises identifiées comme puissantes les obligations spécifiques appropriées, conformément aux articles L. 38 et L. 38-1. L'imposition de ces obligations doit être établie en tenant compte de la nature des obstacles au développement d'une concurrence effective et proportionnée à la réalisation des objectifs mentionnés à l'article L. 32-1 du CPCE :

« 1° A la fourniture et au financement de l'ensemble des composantes du service public des communications électroniques ;

« 2° A l'exercice au bénéfice des utilisateurs d'une concurrence effective et loyale entre les exploitants de réseau et les fournisseurs de services de communications électroniques ;

« 3° Au développement de l'emploi, de l'investissement efficace dans les infrastructures, de l'innovation et de la compétitivité dans le secteur des communications électroniques ;

« 4° A la définition de conditions d'accès aux réseaux ouverts au public et d'interconnexion de ces réseaux qui garantissent la possibilité pour tous les utilisateurs de communiquer librement et l'égalité des conditions de la concurrence ;

« 5° Au respect par les opérateurs de communications électroniques du secret des correspondances et du principe de neutralité au regard du contenu des messages transmis, ainsi que de la protection des données à caractère personnel ;

« 6° Au respect, par les exploitants de réseau et les fournisseurs de services de communications électroniques de l'ordre public et des obligations de défense et de sécurité publique ;

« 7° A la prise en compte de l'intérêt des territoires et des utilisateurs, notamment handicapés, dans l'accès aux services et aux équipements ;

« 8° Au développement de l'utilisation partagée entre opérateurs des installations mentionnées aux articles L. 47 et L. 48 ;

« 9° A l'absence de discrimination, dans des circonstances analogues, dans le traitement des opérateurs ;

« 10° A la mise en place et au développement de réseaux et de services et à l'interopérabilité des services au niveau européen ;

« 11° A l'utilisation et à la gestion efficaces des fréquences radioélectriques et des ressources de numérotation ;

« 12° A un niveau élevé de protection des consommateurs, grâce notamment à la fourniture d'informations claires, notamment par la transparence des tarifs et des conditions d'utilisation des services de communications électroniques accessibles au public ;

« 13° Au respect de la plus grande neutralité possible, d'un point de vue technologique, des mesures qu'ils prennent ;

« 14° A l'intégrité et la sécurité des réseaux de communications électroniques ouverts au public. »


IV-1.2. Obligations génériques d'interconnexion et d'accès

IV-1.2.1. Introduction


D'une manière générale, l'interconnexion des réseaux permet aux opérateurs d'acheminer leurs trafics sur les réseaux des autres opérateurs. Elle permet ainsi à leurs abonnés de joindre les abonnés physiquement présents sur d'autres réseaux.

En outre, l'existence de marchés de gros de l'accès et de l'interconnexion permet à des opérateurs qui ne possèdent pas l'ensemble des infrastructures nécessaires à l'acheminement de trafic de bout en bout de s'appuyer sur les réseaux existants pour intervenir sur les marchés de détail.

Par conséquent, ces marchés de gros sont indispensables à l'existence et au bon fonctionnement d'une concurrence durable sur les marchés des communications électroniques.


IV-1.2.2. Prééminence de la régulation via les marchés de gros


La finalité de la conduite des analyses de marchés est, au-delà de la désignation d'opérateurs puissants, de déterminer les obligations spécifiques qui paraissent, conformément aux dispositions des articles L. 38 et L. 38-1 du CPCE, proportionnées aux objectifs de régulation fixés à l'article L. 32-1.

Dans l'esprit du nouveau cadre européen, et conformément à l'article L. 38-1 du CPCE, l'Autorité privilégie une régulation via les marchés de gros et n'envisage une régulation via les marchés de détail que lorsque l'imposition d'obligations de gros ne suffit pas à atteindre l'objectif poursuivi. Dans cette logique, on examine en premier lieu les obligations sur les marchés de gros et dans un deuxième temps les obligations complémentaires sur les marchés de détail.

La présente analyse de marché connaît toutefois des spécificités concernant la régulation applicable au segment de l'ensemble minimal de liaisons louées (cf. infra).


IV-1.2.3. Principales obligations sur les marchés de gros


Conformément à l'article 16 de la directive-cadre, lorsqu'une autorité de régulation nationale a identifié un opérateur exerçant une influence significative sur un marché pertinent, celle-ci est tenue de lui imposer des mesures réglementaires spécifiques visées aux articles 9 à 13 de la directive « accès ». Ces obligations sont les suivantes :

- obligations de transparence ;

- obligations de non-discrimination ;

- obligations relatives à la séparation comptable ;

- obligations relatives à l'accès à des ressources spécifiques et à leur utilisation ;

- contrôle des prix et obligations relatives au système de comptabilisation des coûts.



L'article 8 la directive « accès » prévoit également que les obligations imposées sont fondées sur la nature du problème constaté, proportionnées et justifiées au regard des objectifs énoncés dans l'article 8 de la directive « cadre ».

En outre, le paragraphe 118 des « Lignes directrices » indique qu'un projet de mesure est considéré comme compatible avec le principe de proportionnalité si la mesure à prendre poursuit un but légitime et si les moyens employés sont à la fois nécessaires et aussi peu contraignants que possible.

L'article L. 38-I du code des postes et des communications électroniques prévoit que « les opérateurs réputés exercer une influence significative sur un marché du secteur des communications électroniques peuvent se voir imposer, en matière d'interconnexion et d'accès, une ou plusieurs des obligations [...], proportionnées à la réalisation des objectifs mentionnés à l'article L. 32-1 ».

Il s'agit des obligations suivantes :

- rendre publiques des informations concernant l'interconnexion ou l'accès, notamment publier une offre technique et tarifaire détaillée d'interconnexion ou d'accès lorsqu'ils sont soumis à des obligations de non-discrimination ;

- fournir des prestations d'interconnexion ou d'accès dans des conditions non discriminatoires ;

- faire droit aux demandes raisonnables d'accès à des éléments de réseau ou à des moyens qui y sont associés ;

- ne pas pratiquer de tarifs excessifs ou d'éviction sur le marché en cause et pratiquer des tarifs reflétant les coûts correspondants ;

- isoler sur le plan comptable certaines activités en matière d'interconnexion ou d'accès.

S'agissant de l'accès, l'Autorité peut imposer à un opérateur réputé exercer une influence significative de faire droit aux demandes raisonnables, notamment lorsqu'elle considère qu'un refus ou des propositions déraisonnables empêcheraient l'émergence d'un marché de détail concurrentiel durable ou risqueraient d'être préjudiciables aux utilisateurs finals.

Dans ce cadre, l'Autorité peut préciser les contours de l'obligation de faire droit aux demandes raisonnables d'accès en imposant certains des mécanismes spécifiques qui figurent notamment à l'article D. 310 du code des postes et des communications électroniques.

En outre, lorsque l'Autorité apprécie le caractère proportionné des obligations d'accès qu'elle est susceptible d'imposer, elle veille notamment à prendre en compte les critères d'analyse suivants mentionnés à l'article L. 38-V du code des postes et des communications électroniques :

- la viabilité technique et économique de l'utilisation ou de la mise en place de ressources concurrentes, compte tenu du rythme auquel le marché évolue et de la nature et du type d'interconnexion et d'accès concerné ;

- le degré de faisabilité de la fourniture d'accès proposée, compte tenu de la capacité disponible ;

- l'investissement initial réalisé par le propriétaire des ressources, sans négliger les risques inhérents à l'investissement ;

- la nécessité de préserver la concurrence à long terme ;

- le cas échéant, les éventuels droits de propriété intellectuelle pertinents ;

- la fourniture de services paneuropéens.


IV-1.3. Obligations génériques pour les marchés de détail


En ce qui concerne les obligations imposées sur les marchés de détail, l'article 17 de la directive « service universel » dispose que lorsqu'un marché de détail n'est pas en situation de concurrence réelle et que les obligations imposées au titre de l'interconnexion et de l'accès ne permettent pas réaliser les objectifs de régulation, les autorités réglementaires nationales peuvent imposer des obligations aux entreprises puissantes sur ces marchés. Ces obligations « peuvent inclure l'exigence que les entreprises visées ne pratiquent pas de prix excessifs, n'interdisent pas l'accès au marché ou ne restreignent pas la concurrence en fixant des prix d'éviction, ni ne privilégient de manière abusive certains utilisateurs finals ou groupent leurs services de façon déraisonnable. Les autorités réglementaires nationales peuvent appliquer à ces entreprises des mesures d'encadrement des tarifs [...]. Les autorités réglementaires nationales veillent à ce que lorsqu'une entreprise est soumise à une réglementation relative aux tarifs de détail ou à d'autres contrôles concernant le marché de détail, les systèmes nécessaires et appropriés de comptabilité des coûts soient mis en oeuvre [...] ».

Ces dispositions ont été transposées à l'article L. 38-1 du CPCE qui dispose que l'Autorité peut imposer aux opérateurs disposant d'une influence significative sur les marchés de détail lorsque les obligations imposées au titre de l'article L. 38 ne permettent pas d'atteindre les objectifs mentionnés à l'article L. 32-1 une ou plusieurs des obligations suivantes, proportionnées à la réalisation de ces objectifs et établies en tenant compte de la nature des obstacles au développement d'une concurrence effective identifiés lors de l'analyse du marché prévue à l'article L. 37-1 :

- obligation de non-discrimination et interdiction de couplage abusif ;

- obligation de contrôle tarifaire : interdiction des tarifs excessifs ou d'éviction, pratiquer des tarifs reflétant les coûts, encadrement pluriannuel des tarifs, communication préalable des tarifs dans la mesure où ces tarifs ne sont pas déjà contrôlés au titre du service universel ;

- obligation de comptabilisation des coûts.

Enfin, le marché des liaisons louées de détail connaît une spécificité dans la mesure où tant l'article 18 de la directive service universel, et son annexe VII, que les articles L. 38-2 et D. 369 et suivants du CPCE définissent les obligations qui doivent être imposées à tout opérateur puissant sur le segment de l'ensemble minimal de liaisons louées. L'Autorité ne dispose donc d'aucun pouvoir d'appréciation sur ce segment et doit imposer les obligations de non-discrimination, d'orientation des tarifs vers les coûts et de transparence à tout opérateur désigné comme disposant d'une influence significative.


IV-1.4. Obstacles au développement d'une concurrence effective


En vertu des articles L. 37-1 et L. 38 du CPCE, la mise en oeuvre, par l'Autorité, d'obligations ex ante au niveau des marchés de gros, doit permettre « de lever ou d'atténuer les obstacles au développement d'une concurrence effective », ces obstacles étant identifiés au cours de l'analyse des marchés. Il convient donc de procéder à cet examen en ce qui concerne France Télécom.

Dans l'esprit du nouveau cadre européen, l'Autorité privilégie une régulation via les marchés de gros ; seul son caractère insuffisant peut conduire l'Autorité à envisager une régulation des marchés de détail pour atteindre l'objectif poursuivi, à l'exception du segment de l'ensemble minimal de liaisons louées.

Les remèdes imposés sur les marchés de gros reposent principalement sur l'obligation de faire droit aux demandes raisonnables d'accès, les obligations de transparence et de non-discrimination, la publication d'offres de référence, le contrôle des tarifs et les obligations comptables ; ces obligations font l'objet de la partie IV-2 de la présente analyse.

D'une façon générale, il est difficile de prévoir avec certitude l'effet des remèdes imposés sur les marchés de gros sur le fonctionnement de la concurrence. En effet, l'imposition de ces remèdes a pour objectif de permettre aux opérateurs concurrents d'accéder aux offres de gros nécessaires pour intervenir dans des conditions de concurrence équivalentes sur les marchés détail par rapport à celles dont bénéficie France Télécom. Cependant, comme cela est exposé dans l'analyse des marchés de détail, il paraît peu vraisemblable que ces remèdes conduisent les marchés de détail à une situation de concurrence effective sur la période 2006-2008.

Le principal frein au développement d'une concurrence effective réside dans la très forte position de puissance de France Télécom sur les marchés du segment terminal. A partir de cette position, France Télécom est potentiellement en mesure d'exercer un effet de levier horizontal vers l'ensemble des autres marchés.

Dans cette attente et comme on l'a vu précédemment, ce manque de concurrence effective n'est pas uniquement lié à l'importance de la puissance de France Télécom sur les marchés de détail. Certains facteurs tels que la persistance de barrières économiques à l'entrée suggèrent que la contrainte exercée sur France Télécom par l'entrée effective ou potentielle de nouveaux opérateurs est limitée. D'autres facteurs, tels que la puissance exercée simultanément par France Télécom sur les marchés de gros et les marchés avals de détails, montrent que les risques d'éviction de la concurrence ou de fermeture de l'accès à certains marchés demeurent relativement élevés. Ces risques sont détaillés ci-après, afin de préciser les obligations qui permettent de les anticiper.


IV-1.5. Objectifs principaux de cette analyse de marché et durée de validité


Les obligations imposées au titre de la présente analyse de marché ont deux objectifs principaux :

- d'une part, assurer une réplicabilité raisonnable des offres de détail de France Télécom à travers la mise en place de « briques de base » au profit des opérateurs alternatifs. La réalisation de cet objectif nécessite la fourniture d'offres de gros sur le segment terminal adaptées (débits, interfaces, qualité de service) et la réduction des goulots d'étranglement du transport interurbain ;

- d'autre part, ne pas désinciter les opérateurs dans le déploiement de boucles locales optiques. La réalisation de cet objectif conduit à ne pas imposer une obligation de reflet des coûts pour les tarifs des offres de gros sur la boucle locale optique et à empêcher la forclusion : interdiction des prix d'éviction et de la discrimination sur le marché de détail.

L'ensemble des obligations imposées au titre de la présente analyse à France Télécom sont valables jusqu'au 1er octobre 2009, sans préjudice de l'éventuel réexamen que l'Autorité pourrait être amenée à anticiper conformément à l'article D. 303 du CPCE.



IV-2. LES OBLIGATIONS SUR LES MARCHÉS DE GROS


L'influence significative qu'exerce France Télécom sur les marchés de gros et de détail des services de capacité rend nécessaire l'imposition d'obligations sur les marchés de gros.


IV-2.1. Obligation de faire droit aux demandes raisonnables d'accès


L'article L. 38-I du code des postes et communications électroniques précité prévoit que « les opérateurs réputés exercer une influence significative sur un marché du secteur des communications électroniques peuvent se voir imposer, (...) [de] faire droit aux demandes raisonnables d'accès à des éléments de réseau ou à des moyens qui y sont associés ».

Comme cela a été démontré précédemment, France Télécom dispose d'une influence significative sur l'ensemble des marchés pertinents de détail et de gros étudiés dans la présente analyse. L'analyse a également montré qu'il disposait d'un réseau capillaire très étendu qui peut difficilement être dupliqué par un opérateur alternatif.

Par conséquent, afin de permettre aux opérateurs d'intervenir dans des conditions équivalentes sur les marchés de détail situés en aval, il est nécessaire d'imposer à France Télécom une obligation de fournir, en réponse aux demandes raisonnables des opérateurs alternatifs, des prestations d'accès, lorsque celles-ci sont relatives aux marchés de gros sur lesquels elle exerce une influence significative, ou nécessaires pour l'exercice, au bénéfice des utilisateurs, d'une concurrence effective et loyale sur les marchés de détail.

D'une manière générale, conformément aux dispositions de l'article L. 38-V du code, le caractère raisonnable d'une demande d'accès formulée par un opérateur devra être apprécié au regard de la proportionnalité entre les contraintes économiques et techniques d'une telle demande pour France Télécom, et le bénéfice attendu pour la résolution d'un problème concurrentiel particulier ou plus généralement pour le fonctionnement d'un des marchés de gros ou de détail des services de capacité pertinent.

Les parties suivantes précisent cette obligation, certaines modalités d'accès ou d'interconnexion étant d'ores et déjà raisonnables et doivent être fournies par France Télécom.


I-2.1.1. Obligations générales


En premier lieu, compte tenu des investissements consentis par les opérateurs pour s'interconnecter sur l'un ou l'autre des brasseurs de France Télécom (brasseurs de liaisons louées ou brasseurs ATM), et en vertu de l'article D. 310 (3°) du CPCE, il est proportionné d'imposer à cette dernière de ne pas retirer un accès déjà accordé à un opérateur, sauf accord préalable expresse de l'Autorité ou de l'opérateur concerné, conformément à l'objectif de développement efficace dans les infrastructures et de compétitivité du secteur mentionné au 3° de l'article L. 32-1 du code précité.

De plus, France Télécom étant une entreprise verticalement intégrée fournissant tout type de prestations de détail et de gros, il est également nécessaire et proportionné, au regard notamment de l'objectif de développement efficace dans les infrastructures et de compétitivité du secteur mentionné au 3° de l'article L. 32-1 du code précité, qu'elle présente les prestations qu'elle offre de façon suffisamment claire et détaillée, et qu'elle ne subordonne pas l'octroi d'une prestation à une autre, afin de ne pas conduire les acteurs à payer pour des prestations qui ne leur seraient pas nécessaires.

Enfin, France Télécom devra, conformément à l'article D. 310 (2°), négocier de bonne foi avec les opérateurs qui demandent des prestations d'accès relatives à ces marchés, afin d'une part de minimiser les cas de litige, et d'autre part de ne pas profiter de l'influence significative qu'elle exerce sur ces marchés pour faire obstruction dans les négociations avec les opérateurs.

Ces obligations sont conformes aux critères fixés par l'article L. 38-V, en particulier les a, b et d en ce qu'elles sont aujourd'hui fournies par France Télécom, et permettent le développement de la concurrence. Elles sont proportionnées aux objectifs fixés à l'article L. 32-1-II du CPCE précités, en particulier les 2°, 3° et 4°.


IV-2.1.2. Obligation de faire droit aux demandes raisonnables d'accès et d'interconnexion nécessaires

à une concurrence effective sur les marchés de gros et de détail

IV-2.1.2.1. Offres de France Télécom existantes


France Télécom fournit aujourd'hui les offres suivantes au catalogue d'interconnexion ou dans ses conventions :

- les offres de liaisons louées partielles terminales « LPT » jusqu'à 2 Mbit/s (avec les prestations connexes associées du type LA, colocalisation et interconnexion in-span) ; cette prestation est inscrite dans le catalogue d'interconnexion de l'opérateur pour les LPT dites « locales » ;

- les « LPT » très haut débit de 34 et 155 Mbit/s (avec les mêmes prestations techniques que pour les débits inférieurs à 2 Mbit/s) ; cette prestation est inscrite dans les conventions d'interconnexion avec les autres opérateurs ;

- une offre sur le circuit interurbain (« LLT », Liaison Louée de Transport) entre la métropole et l'île de la Réunion.

En outre, France Télécom commercialise également des offres d'accès aux opérateurs sur le marché de gros :

- une offre de capacité avec interface ATM et Ethernet sur support xDSL allant de 128 kbit/s à 4 Mbit/s (jusqu'à présent), « TDSL ». A la suite de l'analyse de marché des offres d'accès large bande livrées au niveau régional, France Télécom publie désormais une offre de référence « DSL-E » (39) ;

- une offre de capacité dénommée « CN2 » avec interface Ethernet 1920 kbit/s en cas de livraison au brasseur ATM, et interface G703 2048 kbit/s en cas de livraison au NRA ;

- une offre de capacité avec interface Ethernet en fibre optique entre 6 et 100 Mbit/s, « CE2O », qui est vendue hors catalogue aux opérateurs pour raccorder leurs sites clients principalement ;

- une offre de capacité avec interface ATM et Ethernet sur supports xDSL pour les débits inférieurs à 6 Mbit/s et fibre optique au-delà, « AIRCOM », vendue aux opérateurs mobiles pour raccorder leurs BTS à leurs MSC (40) ;

- une offre de capacité avec interfaces SDH et GigaEthernet de débits compris entre 34 Mbit/s et 2,5 Gbit/s, « VPN HD », vendue aux opérateurs à la fois pour raccorder des très gros sites clients et leurs points de présence entre eux ;

- des offres de liaisons louées aux opérateurs entre la métropole et les départements d'outre-mer, et entre les départements d'outre-mer ;

- des offres de « compléments terrestres » en métropole et dans les départements d'outre-mer entre les stations d'atterrissement des câbles sous-marins et les brasseurs du réseau RTNM les plus proches.


(39) Cf. décision no 2005-280 du 19 mai 2005 relative aux obligations imposées à France Télécom sur le marché des offres de gros d'accès large bande livrées au niveau régional. (40) France Télécom précise que cette offre n'a pas de clients actuellement (janvier 2006).



IV-2.1.2.2. Obligations de fournir les prestations d'accès et d'interconnexion actuellement fournies


L'Autorité explique ci-dessous pourquoi il est nécessaire et proportionné que France Télécom soit soumis à l'obligation de continuer à fournir certaines de ces prestations.

Les besoins des opérateurs entrants pour effectuer une réplicabilité raisonnable des offres de détail de capacités de France Télécom portent sur des « briques de base », dotées des interfaces principales (liaisons louées, Ethernet, ATM), dans le segment terminal. Ces « briques de base » doivent comporter les niveaux et la granularité de débits, des fonctionnalités techniques, des engagements de qualité de service, des remises pour des économies de coûts similaires ou supérieures aux offres de détail de services de capacités.

En outre, afin de préserver également la concurrence entre opérateurs (que ce soit les opérateurs mobiles, les opérateurs fixes ou les intégrateurs de services), l'Autorité estime qu'il faut que les « briques de base » incorporent également les caractéristiques techniques et commerciales nécessaires pour concurrencer les offres spécifiques faites par France Télécom à ces opérateurs pour leurs besoins de constitution de réseau dorsal.


a) Nécessité de fournir l'offre LPT


Afin de répondre à l'objectif de réplicabilité des offres de détail de liaisons louées de France Télécom exposé ci-avant, et eu égard à la puissance de France Télécom sur les marchés de gros et aux obstacles au développement de la concurrence identifiés, l'Autorité estime justifié d'imposer à France Télécom de continuer à fournir l'offre actuelle de LPT sur interfaces liaisons louées.



En effet, cette offre est appropriée pour la quasi-totalité des besoins de réplicabilité des liaisons louées de détail de France Télécom.

Cette offre, actuellement au catalogue (41), est raisonnable (accès aux brasseurs de France Télécom) et répond techniquement au problème concurrentiel d'accès aux sites clients dans le segment terminal dans la quasi-totalité des configurations : elle demeure le principal moyen à court et moyen terme d'assurer une réplicabilité des offres de détail de liaison louée et de voir se développer la concurrence sur cette fraction du marché de détail.

Comme indiqué lors de l'analyse de la puissance sur le marché de détail des services de capacités, l'offre LPT a surtout été utilisée pour entrer sur les autres marchés de détail verticalement liés au segment terminal (transmission de données, accès à Internet commuté, voix).

Pour assurer à l'avenir une réplicabilité raisonnable des offres de détail de liaisons louées de France Télécom, la première action est de garantir une réplicabilité technique de ces offres par les LPT.

Celle-ci passe d'abord par l'enrichissement de l'offre de LPT des fonctionnalités existant sur les offres de détail et qui ne sont pas disponibles à ce jour au niveau des offres de gros.

Plus généralement, toutes les futures fonctionnalités, débits, niveaux de qualité de service, intégrées à ses offres de détail devront être intégrées à l'offre de LPT.

Pour assurer un suivi de cette réplicabilité, l'offre enrichie de LPT très haut débit sera incorporée dans l'offre de référence de France Télécom (voir ci-dessous).

En l'absence de l'obligation de fournir des LPT aux opérateurs alternatifs, France Télécom pourrait contraindre dans une large mesure leur intervention sur l'ensemble des marchés.

Eu égard à l'ensemble de ces éléments, et dans la mesure où elle fournit déjà actuellement en grande partie la prestation de LPT ainsi spécifiée nécessaire au développement de la concurrence et indispensable au maintien des opérateurs alternatifs sur ces marchés, cette obligation est conforme à l'article L. 38-V (a, b et d).

En conséquence, l'obligation de fournir des prestations de LPT ainsi spécifiée, imposée à France Télécom, est proportionnée aux objectifs mentionnés à l'article L. 32-1 du code des postes et des communications électroniques. Elle est notamment nécessaire à l'exercice au bénéfice des utilisateurs d'une concurrence effective et loyale entre les exploitants de réseau et les fournisseurs de services de communications électroniques (2°), au développement de l'investissement efficace dans les infrastructures de l'innovation et de la compétitivité dans le secteur des communications électroniques (3°), et garantit l'égalité des conditions de concurrence et la possibilité pour tous les utilisateurs de communiquer librement (4°). Cette obligation, conforme à l'article D. 310 (1°) du code, constitue le seul moyen permettant de répondre aux problèmes de concurrence démontrés ci-avant.


(41) Au catalogue pour les LPT « locales », et dans les conventions pour les LPT « régionales ».



b) Absence de nécessité d'une nouvelle offre de service de capacité

avec interfaces alternatives pour les débits inférieurs à 10 Mbit/s


France Télécom commercialise l'offre Turbo DSL/DSL-E utilisée jusqu'à présent par les opérateurs sur le segment terminal, et initialement conçue pour fournir l'accès à Internet aux entreprises.

Cette offre répond aux besoins de réplicabilité des offres de détail de capacités avec interfaces alternatives de France Télécom, pour les débits inférieurs à 10 Mbit/s, ainsi que des autres offres de détail comme les VPN IP et la fourniture de voix sur IP, grâce à son architecture tronc-feuilles, similaire à celle de la LPT-LA et caractéristique des « briques de base » dont les opérateurs ont besoin.

Suite à l'obligation, rappelée ci-avant, imposée à France Télécom de publier une offre de référence pour les offres d'accès large bande livrées au niveau régional, l'Autorité estime que, tant que cette offre de référence sur le marché du bitstream régional répond aux besoins de réplicabilité sur les marchés de services de capacités de détail (par exemple si elle incorpore des interfaces Ethernet avec les débits appropriés et l'aspect symétrique) ainsi que sur les autres marchés de détail comme les RPV IP, les besoins d'offres d'accès des opérateurs concurrents de France Télécom sur le segment terminal avec interfaces alternatives pourront être traités prioritairement par cette offre.

Il n'est donc pas nécessaire d'imposer à un stade une offre d'accès spécifique au titre de la présente analyse. Cependant, l'Autorité examinera la possibilité d'introduire d'autres offres avec interfaces alternatives sur le segment terminal, en tant que de besoin, pour assurer une réplicabilité raisonnable des offres de détail de France Télécom sur le segment terminal.


c) Nécessité de fournir l'offre de service de capacité avec interfaces alternatives

de débits supérieurs à 10 Mbit/s CE2O


Afin de répondre à l'objectif de réplicabilité raisonnable des offres de détail de capacités avec interfaces alternatives de France Télécom de plus de 10 Mbit/s, et eu égard à la puissance de France Télécom sur les marchés de gros et aux obstacles au développement de la concurrence identifiés, l'Autorité estime justifié d'imposer à France Télécom de continuer à fournir l'offre actuelle CE2O, avec des interfaces Ethernet et ATM sur un réseau de transport ATM, telle qu'introduite en 2005 par France Télécom.

En effet, cette offre répond aux besoins de réplicabilité de l'offre Multi LAN et de l'offre Ethernet Link.

En l'absence de l'obligation de fournir l'offre CE2O aux opérateurs alternatifs, France Télécom pourrait contraindre dans une large mesure leur intervention sur l'ensemble des marchés.

Eu égard à l'ensemble de ces éléments, et dans la mesure où elle fournit déjà actuellement cette offre nécessaire au développement de la concurrence et indispensable au maintien des opérateurs alternatifs sur ces marchés, cette obligation est conforme à l'article L. 38-V (a, b et d).

En conséquence, l'obligation de fournir l'offre CE2O ainsi spécifiée, imposée à France Télécom, est proportionnée aux objectifs mentionnés à l'article L. 32-1 du code des postes et des communications électroniques. Elle est notamment nécessaire à l'exercice au bénéfice des utilisateurs d'une concurrence effective et loyale entre les exploitants de réseau et les fournisseurs de services de communications électroniques (2°), au développement de l'investissement efficace dans les infrastructures de l'innovation et de la compétitivité dans le secteur des communications électroniques (3°), et garantit l'égalité des conditions de concurrence et la possibilité pour tous les utilisateurs de communiquer librement (4°). Cette obligation, conforme à l'article D. 310 (1°) du code, constitue le seul moyen permettant de répondre aux problèmes de concurrence démontrés ci-avant.


d) Nécessité de fournir l'offre LLT


Afin de répondre à l'objectif de réplicabilité raisonnable des offres de détail de capacités avec interfaces alternatives de France Télécom inter-territoriales, et eu égard à la puissance de France Télécom sur les marchés de gros et aux obstacles au développement de la concurrence identifiés, l'Autorité estime justifié d'imposer à France Télécom de continuer à fournir l'offre actuelle « LLT » à la Réunion et les liens de « compléments terrestres » dans tous les départements d'outre-mer.

Le maintien de ces offres est en effet indispensable pour la pérennité des activités des opérateurs alternatifs. Il est ainsi notamment nécessaire à l'exercice au bénéfice des utilisateurs d'une concurrence effective et loyale entre les exploitants de réseau et les fournisseurs de services de communications électroniques, au développement de l'investissement efficace dans les infrastructures, de l'innovation et de la compétitivité dans le secteur des communications électroniques, et garantit l'égalité des conditions de concurrence et la possibilité pour tous les utilisateurs de communiquer librement, objectifs cités à l'article L. 32-1-II (2°, 3° et 4°) du CPCE.


e) Prestations d'accès et d'interconnexion associées


Pour assurer leur activité d'acheminement de communications électroniques de bout en bout, les opérateurs alternatifs doivent acheter des prestations d'accès et d'interconnexion. Par conséquent, les offres d'accès et d'interconnexion incluent un ensemble de prestations élémentaires dont la fourniture est nécessaire au bon acheminement des communications des opérateurs alternatifs et à leur activité. Ces prestations associées comprennent notamment les prestations de raccordement aux sites d'interconnexion et d'accès.

France Télécom doit en particulier proposer une offre de colocalisation adaptée sur les sites brasseur des offres susmentionnées et une offre de liaison entre ces sites brasseurs et les points de présence des opérateurs (offre liaison d'aboutement [LA] pour les LPT).

La suppression ou modification de ces offres aurait pour conséquence de déstabiliser le marché et les plans d'affaire des opérateurs alternatifs. Dans la mesure où ces prestations sont déjà offertes aujourd'hui et sont nécessaires à l'activité des opérateurs tiers, leur imposition répond aux critères de l'article L. 38-V du code, en particulier les a, b, c et d.



En outre, France Télécom introduira une granularité supérieure dans ses offres de LA, notamment avec un débit de 34 Mbit/s afin de permettre aux opérateurs alternatifs de ne payer que ce qui est nécessaire comme charge d'interconnexion.

Conformément aux objectifs imposés par l'article L. 32-1-II du code, et en particulier les 2°, 3° et 4°, et en l'absence de mesures moins contraignantes qui permettraient d'atteindre le même but, l'Autorité considère comme proportionné que France Télécom propose au titre de l'article D. 310 (1° et 3°) du code, une offre de colocalisation adaptée sur les sites brasseurs des offres susmentionnées et une offre de liaison entre ces sites brasseurs et les points de présence des opérateurs, ainsi qu'une granularité supérieure pour les LA.


IV-2.1.2.3. Engagement de qualité de service


La qualité de service (délais de livraison, de réparation, etc.) d'une prestation fournie est indissociable de la prestation elle-même, en ce qu'elle conditionne son utilisation dans des conditions effectives et par là même l'établissement d'une offre sur le marché de détail par l'acheteur de la prestation.

Par conséquent, France Télécom doit s'engager sur un niveau satisfaisant de qualité de service pour la mise en service et la fourniture des prestations d'accès et d'interconnexion relatives aux marchés pertinents analysés dans la présente décision (délais de livraison de la prestation, de réparation, etc.).

Par ailleurs, et compte tenu de la puissance de France Télécom sur l'ensemble des marchés de détail et de gros des services de capacité, il pourrait être dans son intérêt de mettre en oeuvre des pratiques dilatoires visant à restreindre la capacité des opérateurs alternatifs à entrer sur ces marchés.

Par conséquent, il est justifié d'imposer à France Télécom de proposer un mécanisme incitatif au respect de son engagement de qualité de service précédemment mentionné. Ce mécanisme pourra notamment reposer sur un système de pénalités incitatives ou sur la reconnaissance par France Télécom de sa responsabilité commerciale.

Cette obligation d'engagement de qualité de service se rattache au régime juridique en vigueur en matière d'accès, dans la mesure où la livraison ou la réparation des accès en fonction d'un délai précis constitue une modalité de mise en oeuvre concrète de l'obligation de faire droit aux demandes d'accès raisonnables. Ainsi, l'article D. 310 du code des postes et des communications électroniques prévoit que l'Autorité « définit en tant que de besoin les conditions de mise en oeuvre des obligations [...] de façon à assurer leur exécution dans des conditions équitables et raisonnables ».

En outre, cette obligation d'engagement de France Télécom au respect des niveaux de qualité de service annoncés peut se prévaloir des dispositions relatives à la non-discrimination (imposée ci-après) dans la mesure où elle permet aux opérateurs alternatifs d'obtenir des conditions sur le marché de gros comparables à celles que France Télécom offre à ses services, filiales ou partenaires : cette obligation leur permet, à l'instar de France Télécom, de s'engager auprès des consommateurs sur les marchés de détail, notamment en terme de délais d'ouverture du service.

Enfin, cette modalité de mise en oeuvre des obligations d'accès fait peser sur France Télécom une contrainte limitée. Ce type d'engagement correspond en effet à des pratiques commerciales courantes sur les marchés concurrentiels et s'avère nécessaire pour vérifier le respect de l'obligation de non-discrimination.

Au demeurant, il est laissé à l'opérateur toute latitude quant à la forme et aux modalités que peut prendre le mécanisme contraignant, à condition cependant qu'il reste suffisamment incitatif.

Cette mesure apparaît donc comme justifiée au regard de l'objectif d'égalité des conditions de concurrence prévu à l'article L. 32-1 du CPCE, et proportionnée en ce qu'elle constitue la mesure la moins contraignante pour France Télécom, le choix lui étant laissé de la modalité de mise en oeuvre, de remplir l'objectif d'engagement sur des niveaux satisfaisants de qualité de service. Elle répond aux critères de l'article L. 38-V en particulier les b et d.


IV-2.1.2.4. Obligation de faire droit aux autres demandes raisonnables


Au-delà des prestations d'accès et d'interconnexion précédemment mentionnées, un certain nombre de prestations d'accès complémentaires et de moyens associés à l'accès peut être nécessaire pour rendre l'accès au réseau de France Télécom effectif, dans des conditions économiquement viables.

D'une manière générale, France Télécom devra faire droit aux demandes des opérateurs jugées raisonnables, lorsque le caractère proportionné de l'obligation qui en découlera aura été vérifié, en conformité avec les dispositions de l'article L. 38-V du code. L'Autorité précise ci-dessous quelques types de prestations auxquelles France Télécom devra faire droit en cas de demandes raisonnables des opérateurs.

France Télécom devra ainsi, conformément aux objectifs mentionnés à l'article L. 32-1, et notamment celui de veiller au développement de l'interopérabilité des services au niveau européen, faire droit aux demandes raisonnables d'accès visant à solliciter des services spécifiques nécessaires pour garantir aux utilisateurs l'interopérabilité des services de bout en bout, y compris en ce qui concerne les moyens destinés aux services de réseaux intelligents.

De même, et en vertu de l'objectif visé au 2° du même article , France Télécom devra faire droit aux demandes raisonnables d'accès à des systèmes d'assistance opérationnelle ou à des systèmes logiciels similaires nécessaires pour garantir l'existence d'une concurrence loyale dans la fourniture des services.

Par ailleurs, et compte tenu notamment de l'apparition probable de nouveaux standards techniques sur les marchés de gros, France Télécom devra, conformément à l'article D. 310 (7°), permettre aux opérateurs d'avoir accès aux interfaces techniques, protocoles ou autres technologies clés qui revêtent une importance essentielle, notamment pour l'interopérabilité des services ou des services de réseaux virtuels, conformément au 5° de l'article D. 310 du code précité.

Enfin, en cas de demande jugée raisonnable aux vues des objectifs mentionnés à l'article L. 32-1, France Télécom devra offrir des services particuliers en gros en vue de leur revente à des tiers, sur les marchés de gros ou de détail, conformément à l'article D. 310 (4°) du code.


a) Mutualisation des troncs et des feuilles


L'AFORST, Colt, 9Cegetel et MCI, dans leur réponse à la consultation publique, font le constat de la relative inefficacité de l'ajout de nouvelles offres de gros sans mutualisation des flux, et sous un format unique qui ne peut pas correspondre à l'architecture de tous les opérateurs alternatifs.

Ces opérateurs notent en effet que les liaisons Ethernet sur fibres optiques peuvent être implémentées selon quatre technologies différentes, toutes utilisées par France Télécom :

- ethernet sur fibre dédiée (InterLan 1.0) ou Ethernet sur ATM sur fibre dédiée (section locale du tronc CE2O ou Ethernet Link) ;

- ethernet sur VPLS (MAN Ethernet) ;

- ethernet sur SDH (VPN HD) ;

- ethernet sur ATM sur SDH (InterLan 2.0 ou tronçon interurbain de Ethernet Link et CE2O).

Selon les cas, ces technologies sont plutôt utilisés pour sections locales ou les sections interurbaines.

Ils proposent donc :

- de séparer les offres de gros en deux catégories :

- les offres relatives au segment terminal (feuilles) ;

- les offres relatives au segment interurbain (troncs) ;

- de laisser aux opérateurs alternatifs le choix de :

- l'aboutement d'une technologie propre au segment terminal avec une technologie propre au réseau interurbain ;

- l'agrégation ou non de plusieurs segments terminaux par France Télécom en un point réalisant la fonction tronc ;

- la mixité des flux transportés.

Enfin, ils suggèrent que France Télécom assure la fonction d'aboutement entre ces troncs et ces feuilles ou bien autorise les opérateurs à colocaliser un équipement assurant cette fonction dans un de ses bâtiments.

Ces demandes apparaissent a priori raisonnables dans leurs principes, notamment au vu des 1°, 4°, 6°, 7° et 9° du D. 310 du code, mais il n'est pas imposée à ce stade à France Télécom de formuler une offre a priori dans le cadre de la présente décision.


b) « IRU » sur les câbles sous-marins


Le délégué interministériel à l'aménagement et à la compétitivité des territoires (DIACT), par un courrier reçu par l'Autorité le 28 février 2006 indique :

« Le ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire a confié le soin à la DIACT de piloter une étude juridique relative aux possibilités d'acquérir de la capacité sur les câbles sous-marins reliant la métropole avec les départements français d'outre-mer, notamment par droits d'usage irrévocables (IRU), afin de ramener le prix du haut débit dans les DOM aux prix pratiqués en métropole.

Au vu des premiers résultats, il m'apparaît opportun d'intégrer une offre d'IRU dans les prestations devant faire l'objet d'une offre de référence de la part de France Télécom sur les liaisons entre les territoires d'outre-mer et la métropole.

Dans la mesure où l'article L. 1425-1 du CGCT permet aux collectivités territoriales d'acquérir des droits d'usage pour effectuer des offres de capacités haut débit, elles ont en effet besoin des IRU sur des volumes de capacités compris entre 1 et 100 Gbit/s.



De plus, il convient de souligner que seules les offres d'IRU sont considérées comme des investissements, à la différence des liaisons louées, et donc permettent aux collectivités territoriales de mobiliser [...] des subventions nécessaires à ces opérations ».

Le président du conseil régional de la Réunion, par un courrier daté du 27 février 2006 indique :

« Dans le cadre des échanges que nous avons actuellement avec l'Etat, nous étudions les solutions permettant d'améliorer les conditions d'interconnexion entre la métropole et la Réunion. [Le Conseil régional] envisage un achat d'IRU à France Télécom sur le câble SAFE car les capacités nécessaires sont très importantes et seuls les achats d'IRU [permettent] de mobiliser les subventions nécessaires [..].

J'insiste donc sur la demande que je vous ai faite dans le cadre [de la consultation publique] sur l'analyse de marché des liaisons louées [..], à savoir intégrer l'offre d'IRU dans les prestations devant faire l'objet d'une offre de référence de la part de France Télécom sur les liaisons entre la Réunion et Paris. »

Il ne saurait être exclu que la commercialisation d'un droit d'usage exclusif irrévocable de long terme moyennant le paiement d'une redevance forfaitaire réponde à une demande justifiée par les besoins de certains des acheteurs potentiels. En cas d'échec des négociations entre France Télécom et un opérateur, et en tant que de besoin, l'Autorité pourrait être amenée à analyser le caractère raisonnable d'une demande portant sur ce point spécifique.


IV-2.2. Obligation de non-discrimination


L'article L. 38-I (2°) du code des postes et des communications électroniques prévoit que « les opérateurs réputés exercer une influence significative sur un marché du secteur des communications électroniques peuvent se voir imposer (...) [de] fournir des prestations d'interconnexion ou d'accès dans des conditions non discriminatoires ».

L'article D. 309 du code précise que les obligations de non-discrimination font notamment en sorte que « les opérateurs appliquent des conditions équivalentes dans des circonstances équivalentes aux autres opérateurs fournissant des services équivalents, et qu'ils fournissent aux autres des services et informations dans les mêmes conditions et avec la même qualité que ceux qu'ils assurent pour leurs propres services, ou pour ceux de leurs filiales ou partenaires ».

France Télécom, entreprise intégrée verticalement, intervient sur l'ensemble des marchés de gros d'acheminement de trafic, et sur l'ensemble des marchés de détail sous-jacents, sur l'ensemble desquels, de surcroît, elle exerce une influence significative.

Il est par conséquent nécessaire de garantir que France Télécom n'avantagera pas ses propres services de détail par les moyens qu'elle leur fournit.

Il est de même nécessaire que France Télécom n'avantage pas certains opérateurs, et en particulier ses filiales ou ses partenaires, en leur proposant des offres de gros privilégiées, afin d'exclure ses concurrents les plus directs des marchés de détail et de gros sous-jacents.

Seule une obligation de non-discrimination imposée à France Télécom sur l'ensemble des marchés de gros où elle exerce une influence significative est ainsi à même de garantir l'exercice au bénéfice des utilisateurs d'une concurrence effective et loyale entre les exploitants de réseau et les fournisseurs de services de communications électroniques, objectif mentionné au 2° de l'article L. 32-1 du code des postes et des communications électroniques.

Cette obligation s'applique notamment aux conditions techniques et tarifaires offertes par voie contractuelle, aux contenus et à la qualité des informations fournies dans les processus mis en oeuvre pour l'accès et l'interconnexion, aux délais de fourniture des offres de gros, ou encore à la qualité de service offerte.

D'une manière plus générale, l'obligation de non-discrimination concerne toutes les prestations d'accès fournies par l'opérateur aux opérateurs tiers sur les marchés de gros pertinents, y compris les prestations qui leur sont associées.

Sur le plan des caractéristiques techniques, lorsque France Télécom introduit des évolutions dans ses offres de détail en aval (implémentation de normes, de débits, de nouvelles zones géographiques de disponibilité par exemple), il est tenu de le faire au préalable sur les marchés de gros en adaptant ses offres d'accès ou d'interconnexion, que les prestations soient ou non incluses dans les offres de référence, dans un délai d'un mois avant leur introduction au niveau du détail en informant l'Autorité et les opérateurs entrants de ces évolutions (cf. figure 5 : Synthèse des délais imposés aux offres de détail et de gros).

Sur le plan de la qualité de service, les engagements sur les indicateurs de qualité de service et leur mise en oeuvre au niveau des offres de gros doivent être au moins aussi élevés que ceux réalisés au niveau du détail. De même, toute évolution dans les engagements de qualité de service sur les offres de détail doit être précédée par un engagement similaire au niveau des offres de gros correspondantes un mois avant, en informant l'Autorité et les opérateurs entrants de cette évolution.

Sur le plan des remises tarifaires, si des remises tarifaires sont accordées sur les offres de détail en vertu d'économies de coûts hors remises aux volumes et à la durée (remises pour des offres en faisceau, pour des raccordements spécifiques, pour des souscriptions à des GTR,...) qui sont réalisées pareillement sur les offres de détail ou de gros, les offres de gros doivent en bénéficier un mois avant les offres de détail, avec information de l'Autorité et des opérateurs tiers.

Enfin, l'obligation de non-discrimination se comprend également entre l'offre de référence et les autres offres d'accès ou d'interconnexion du même marché : ainsi, lorsque des caractéristiques techniques, des niveaux de qualité de service et des remises spécifiques (hors remises aux volumes ou à la durée) sont accordées aux autres offres du type AIRCOM ou VPN HD sur le marché du segment terminal (ou toute autre à venir), les prestations incluses dans les offres de référence doivent également en bénéficier.



Mise en oeuvre de la réplicabilité :

France Télécom est soumis à des obligations de faire droit aux demandes raisonnables d'accès et de non-discrimination au titre de la présente analyse. Comme exposé ci-avant, un des enjeux spécifiques de cette analyse des marchés est de veiller à imposer en priorité une régulation sur les marchés de gros en s'assurant de la réplicabilité raisonnable des offres de détail de France Télécom par les opérateurs alternatifs.

L'ancien cadre réglementaire avait favorisé la régulation du marché de détail des liaisons louées à travers l'obligation d'homologation tarifaire préalable, aux dépends d'une régulation des marchés de gros pour laquelle l'Autorité disposait de peu d'outils adaptés. L'Autorité entend désormais favoriser une action sur les marchés de gros des services de capacité. Ainsi, dans cet esprit, et comme il sera exposé ci-après, l'Autorité estime justifié de supprimer l'obligation d'homologation préalable des tarifs de France Télécom sur le marché de détail des services de capacité.

Toutefois, les marchés de gros des services de capacité sont à ce jour encore insuffisamment développés en comparaison des produits complexes et multiples existant sur le marché de détail.

En raison notamment de cette spécificité, et afin de s'assurer que France Télécom respecte effectivement l'obligation de non-discrimination imposée sur les marchés de gros des services de capacité, par ailleurs également imposée sur le marché de détail, l'Autorité estime nécessaire d'imposer à France Télécom de lui transmettre pour information ses offres génériques de détail de services de capacité, dans un délai raisonnable avant leur mise en oeuvre.

Il convient d'entendre au titre de la présente analyse par offre générique de détail les offres de France Télécom commercialisées par défaut sur le marché de détail, lesquelles s'opposent aux offres sur mesure élaborées en fonction de critères techniques permettant de répondre à une demande spécifique.

Dans leur réponse à la consultation publique, l'Aforst, 9Cegetel, Colt et MCI demandent que France Télécom publie ses offres de détail au moins deux mois avant leur mise en oeuvre. En revanche, France Télécom « considère l'obligation d'introduire sur le marché de gros, un mois avant leur introduction sur le marché de détail, les évolutions prévues au niveau du détail lourdement disproportionnée pour les offres sur support optique : sur ce segment, en effet, le stimulant au développement d'offres nouvelles doit être la concurrence elle-même, alors que les mesures préconisées auraient pour effet de stériliser cette concurrence en offrant toutes les innovations de France Télécom à des compétiteurs de ce fait découragés d'investir ». De même France Télécom considère que l'obligation de transmettre pour information à l'Autorité deux mois avant les spécifications techniques importantes, et huit jours avant les autres modifications, n'a pas à exister car « cette exigence n'existe pas sur le marché des services xDSL [et] elle n'a pas à exister pour les offres sur support optique ».

Au vu de la situation actuelle du marché, et des contributions à la consultation publique, il semble qu'il soit raisonnable d'imposer les délais suivants :

- dans le cas d'une création ou d'une modification majeure d'offre de détail dont la réplicabilité nécessite une modification majeure de l'offre de gros de référence :

- information de l'ARCEP des grandes lignes trois mois avant la commercialisation ;

- information de l'ARCEP de l'offre complète 8 jours avant commercialisation ;

- dans le cas d'une création ou d'une modification d'offre de détail dont la réplicabilité nécessite une modification mineure de l'offre de gros de référence :

- information de l'ARCEP des grandes lignes deux mois avant la commercialisation ;

- information de l'ARCEP de l'offre complète 8 jours avant commercialisation.

Le schéma suivant synthétise cette procédure :


Figure 5 : Synthèse des délais imposés aux offres de détail et de gros





Vous pouvez consulter le tableau dans le JO

n° 247 du 24/10/2006 texte numéro 70





Dans ces conditions, l'Autorité sera à même de s'assurer que les opérateurs alternatifs disposent des éléments nécessaires sur les marchés de gros leur permettant de répliquer les offres de détail de France Télécom. Si tel ne devait pas être le cas, l'Autorité serait en droit de demander, et le cas échéant d'imposer, à France Télécom de modifier ses offres de référence de gros, ou encore de sanctionner France Télécom pour non-respect de son obligation de non-discrimination.

Cette obligation est ainsi justifiée et proportionnée au regard des objectifs de régulation définis à l'article L. 32-1 du CPCE. Elle est en effet notamment nécessaire à l'exercice au bénéfice des utilisateurs d'une concurrence effective et loyale entre les exploitants de réseau et les fournisseurs de services de communications électroniques (2°), au développement de l'investissement efficace dans les infrastructures de l'innovation et de la compétitivité dans le secteur des communications électroniques (3°), et garantit l'égalité des conditions de concurrence et la possibilité pour tous les utilisateurs de communiquer librement (4°). Cette obligation, conforme à l'article D. 309 du code, constitue le seul moyen permettant de répondre aux problèmes de concurrence démontrés ci-avant.



IV-2.3. Obligation de transparence


L'article L. 38-I (1°) du code précité énonce que « les opérateurs réputés exercer une influence significative sur un marché du secteur des communications électroniques peuvent se voir imposer, (...) [de] rendre publiques des informations concernant l'interconnexion ou l'accès, (...) ; ».

En d'autres termes, l'opérateur puissant peut se voir imposer, en application de cet article , de fournir l'accès et l'interconnexion dans des conditions transparentes.

Conformément à l'article D. 307-I du code, la transparence consiste ainsi en la mise à disposition de l'ensemble des opérateurs d'informations concernant les processus d'accès et d'interconnexion, qu'il s'agisse d'informations comptables, d'indicateurs de qualité de service, de spécifications techniques, ou d'informations plus générales sur les modalités de fourniture des prestations ou sur les tarifs.

L'influence significative de France Télécom sur l'ensemble des marchés de gros rend les conditions dans lesquelles les opérateurs peuvent accéder aux prestations de France Télécom ou s'interconnecter avec elle structurantes pour la viabilité des services qu'ils peuvent proposer.

Il est donc nécessaire que les opérateurs disposent d'une bonne visibilité sur l'architecture technique, économique et tarifaire des offres de gros de France Télécom, afin de garantir l'exercice d'une concurrence effective et loyale dans la fourniture des services de communications électroniques, au bénéfice des utilisateurs, ainsi qu'à l'égalité des conditions de concurrence.

Par ailleurs, l'obligation de transparence apparaît indispensable pour permettre le contrôle de l'obligation de non-discrimination et ainsi permettre aux opérateurs négociant l'accès avec France Télécom de s'appuyer sur des données de référence publiques.

L'obligation de transparence imposée à France Télécom est ainsi nécessaire et proportionnée aux objectifs mentionnés à l'article L. 32-1 du code et notamment à ceux cités aux 2° et 4° de cet article .

En pratique, l'Autorité impose à France Télécom une obligation de transparence au moyen de deux dispositifs.


IV-2.3.1. Conventions d'interconnexion et d'accès


Les conditions inscrites dans les conventions d'interconnexion et d'accès précisent les conditions techniques et tarifaires offertes par les parties.

France Télécom devra par conséquent informer l'ARCEP de la signature de toutes les conventions d'interconnexion et d'accès et de tout avenant à ces conventions qu'elle signe avec des tiers dans un délai de sept jours à compter de la signature du document, lorsque les prestations concernées sont fournies sur les marchés de gros des services de capacité.

Cette information permettra à l'Autorité de demander le cas échéant à France Télécom de lui transmettre ledit document, en application de l'article L. 34-8 du code des postes et des communications électroniques, afin notamment de lui permettre de contrôler le respect par France Télécom de l'obligation de non-discrimination.


IV-2.3.2. Informations données aux acteurs bénéficiant de prestations d'accès et d'interconnexion


En outre, afin de donner un maximum de visibilité aux acteurs ayant signé avec elle une telle convention d'interconnexion et d'accès, France Télécom devra leur fournir des informations sur les caractéristiques de son réseau, notamment en termes d'architecture, d'interfaces et de dimensionnement (l'opérateur puissant doit mettre à la disposition des opérateurs concurrents des informations concernant les zones de brassage, l'éventuelle saturation des noeuds d'interconnexion et le chemin technique parcouru par les solutions de remplacement). Elle en informera également l'Autorité.

Conformément aux dispositions de l'article D. 307-III du code, elle devra également informer ces acteurs, dans un préavis raisonnable, de toute évolution de ses conditions techniques et tarifaires des prestations d'interconnexion et d'accès, ainsi que de toute évolution d'architecture de son réseau, en cas d'évolution de nature à contraindre les opérateurs utilisant une des prestations d'interconnexion et d'accès à modifier ou adapter leurs propres installations :

- pour les prestations qui devront être intégrées dans l'une des offres de référence imposées ci-après, France Télécom devra respecter le préavis défini dans la partie IV-2.5.2 ;

- pour les autres prestations, il devra respecter un préavis raisonnable.

Cette obligation apparaît essentielle pour permettre aux opérateurs d'anticiper ces évolutions, et ainsi d'avoir une visibilité suffisante de leurs plans d'investissement, condition nécessaire au développement de l'investissement efficace dans les infrastructures. Les modalités de publication de ces informations et le niveau de détail requis pourront être précisés par une décision ultérieure de l'Autorité, en tant que de besoin.


IV-2.4. Publication d'indicateurs sur la qualité de service


Conformément à ses missions qui résultent des objectifs fixés dans les dispositions de l'article L. 32-1 du code, l'Autorité est particulièrement attachée à ce que le développement de la concurrence sur les marchés des services de capacité améliore l'attractivité des offres de détail, en maintenant notamment une qualité de service élevée dans l'intérêt des utilisateurs finals.

La capacité qu'ont les opérateurs alternatifs de proposer à leurs clients des niveaux de qualité de service satisfaisants (délai de livraison, délai de réparation en cas de panne...) est un paramètre déterminant pour l'établissement d'une concurrence durable sur les marchés de détail, dans le respect des intérêts du consommateur.

Si la qualité de service des offres aval commercialisées par les opérateurs alternatifs dépend de la qualité de leurs propres prestations, elle est également fonction de la qualité des offres de gros achetées auprès de France Télécom à partir desquelles elles sont construites.

Or, une transparence totale sur les conditions techniques et tarifaires des offres peut ne pas s'avérer suffisante pour assurer l'équivalence des conditions de fourniture des prestations.

En particulier, elle ne garantit pas que France Télécom fournisse des offres de gros avec une qualité de service équivalente à celle fournie à ses propres services pour des prestations équivalentes, comme elle doit y veiller conformément à l'obligation de non-discrimination qui lui est imposée.

Ce type de dissymétrie est préjudiciable au fonctionnement du marché, notamment si la qualité de service de l'offre de gros rend impossible la réplication par les opérateurs alternatifs des offres de détail du groupe France Télécom en terme de qualité de services rendus aux clients finals.

En application de l'article D. 307 du code, l'Autorité estime nécessaire d'imposer à France Télécom de publier des informations concernant les conditions de fourniture des prestations d'interconnexion.

L'Autorité considère donc comme proportionné aux objectifs poursuivis, et notamment à ceux de veiller à l'exercice au bénéfice des utilisateurs d'une concurrence effective et loyale, et à la définition de conditions d'accès aux réseaux qui garantissent l'égalité des conditions de concurrence, cités aux 2° et 4° de l'article L. 32-1 du code des postes et des communications électroniques, que France Télécom soit astreinte à publier un ensemble d'indicateurs pertinents de qualité de service sur les prestations déterminantes pour la capacité des opérateurs alternatifs à répliquer les offres de détail de France Télécom et permettre ainsi de s'assurer de l'absence de discrimination entre le niveau de service de l'offre de gros et le niveau de services des prestations équivalentes que France Télécom met en oeuvre pour son propre compte.

L'Autorité établira le cas échéant par une décision ultérieure la liste des indicateurs pertinents, au regard notamment des indicateurs que France Télécom élabore déjà pour son propre suivi.

Cette liste pourrait notamment inclure les indicateurs suivants :

- délais de livraison des liaisons ;

- délai de rétablissement après une panne ;

- interruption maximale de service.



IV-2.5. Publication d'offres de référence

IV-2.5.1. Objectif de l'obligation de publication d'une offre de référence


L'article L. 38-I du code précité précise, en son 1°, qu'une obligation de transparence spécifique peut être imposée aux opérateurs « réputés exercer une influence significative sur un marché du secteur des communications électroniques ». Ces derniers peuvent ainsi se voir imposer de « publier une offre technique et tarifaire détaillée d'interconnexion ou d'accès lorsqu'ils sont soumis à des obligations de non-discrimination ».

France Télécom est soumise à une obligation de transparence et de non-discrimination par la présente décision pour l'ensemble des prestations d'accès et d'interconnexion. L'obligation de publication d'une telle offre technique et tarifaire ou offre de référence poursuit quatre objectifs :

- concourir à la mise en place de processus transparents, pour limiter la capacité de l'opérateur exerçant une influence significative à déstabiliser ses concurrents ou favoriser ses filiales ;

- donner de la visibilité aux acteurs sur les termes et les conditions dans lesquelles ils s'interconnectent avec l'opérateur sur qui pèse l'obligation ;

- pallier le déficit de pouvoir de négociation des opérateurs alternatifs ;

- permettre l'élaboration d'une offre cohérente de prestations aussi découplées que possible les unes des autres pour permettre à chaque opérateur de n'acheter que les prestations dont il a besoin.

Elle contribue ainsi grandement à la stabilité du marché et permet aux opérateurs alternatifs de développer un plan d'affaires et de programmer leurs investissements avec une visibilité suffisante sur des paramètres qui conditionnent fortement leur structure de coûts. Imposée sur les prestations d'accès et d'interconnexion structurantes, au sens où elles conditionnent la possibilité même des acteurs de faire des offres sur les marchés de détail, l'obligation de publier une offre technique et tarifaire d'interconnexion et d'accès est ainsi décisive pour le développement d'investissements efficaces, et garantit l'égalité des conditions de concurrence et son exercice, dans des conditions loyales, au bénéfice des utilisateurs.

Dès lors, l'Autorité estime que cette obligation, en ce qu'elle constitue le minimum nécessaire qui doive être imposé à France Télécom pour les atteindre, est nécessaire et proportionnée aux objectifs mentionnés à l'article L. 32-1, notamment aux 2°, 3° et 4°, pour trois types d'offres : les liaisons louées partielles terminales (LPT), les services de capacité optique à interface Ethernet (CE2O) et les liaisons louées de transport métropole-Réunion (LLT).

En effet, ces prestations constituent le minimum indispensable pouvant permettre aux opérateurs alternatifs d'entrer sur le marché et de favoriser ainsi le développement de la concurrence sur ces marchés. En outre, en ce qui concerne les LLT, comme rappelé ci-après, le monopole de fait qui existe sur la liaison métropole-Réunion justifie l'obligation de publier une offre de référence.


IV-2.5.2. Principes applicables à l'ensemble des offres de référence

imposées au titre de la présente analyse de marchés


Conformément au II de l'article D. 307 du code des postes et des communications électroniques, l'offre de référence devra être « suffisamment détaillée pour que l'opérateur demandeur ne paye que l'utilisation des moyens strictement liés à la prestation demandée ».

En application des II et III de l'article D. 307 précité, l'Autorité estime justifié que cette offre comprenne, outre les prestations devant y figurer, les conditions contractuelles types relatives aux tarifs, aux conditions de souscription, aux modalités d'accès à l'offre, les engagements de qualité de services, ainsi que les informations répondant à l'obligation de transparence et de non-discrimination définies dans la présente décision. En particulier, tous les tarifs devront être effectivement inscrits dans l'offre de référence et non uniquement dans les conventions conclues entre les parties.

En outre, il importe que la tarification de certaines prestations « sur devis » ne soit envisagée qu'à titre exceptionnel. Le cas échéant, il reviendra à France Télécom de justifier des contraintes l'empêchant d'établir un tarif fixé à l'avance dans l'offre de référence.

Les prestations y figurant seront clairement détaillées et accompagnées des modalités de fourniture, des conditions techniques et tarifaires correspondant à ces offres ainsi qu'aux prestations qui leur sont associées. Afin de pouvoir apprécier le respect par France Télécom de ses obligations tarifaires imposées sur les marchés du segment terminal et du circuit interurbain, France Télécom distinguera dans son offre tarifaire le prix de la prestation de circuit interurbain et celle de segment terminal.

Pour en assurer une diffusion satisfaisante, l'Autorité souhaite que l'offre de référence soit publiée sur un site Internet librement accessible. Certaines informations, concernant notamment la localisation et les caractéristiques d'équipements de réseau et pouvant être qualifiées de sensibles, pourront être mises en annexe, afin d'en limiter la diffusion aux seuls opérateurs.

France Télécom pourrait être amenée à faire évoluer ces offres de référence. Une évolution unilatérale sans concertation préalable risquerait cependant de s'avérer préjudiciable pour le secteur. Elle pourrait en effet, sur le plan tarifaire, remettre en question la politique commerciale d'un opérateur ou, sur le plan technique, impacter le plan de déploiement d'un opérateur et nécessiter des adaptations techniques longues à mettre en oeuvre.

Les prestations ayant vocation à figurer à l'offre de référence sont particulièrement structurantes pour les marchés. Les acteurs ont par conséquent grandement besoin de visibilité sur les conditions de fourniture de ces prestations, qui représentent souvent la majorité de leurs charges annuelles, pour optimiser leurs choix d'investir ou non dans des infrastructures de transport, conformément à l'objectif mentionné au 3° de l'article L. 32-1 du code. Il est donc nécessaire que France Télécom publie avec un préavis suffisant toute évolution de l'offre de référence.

Ce préavis aura pour fin de permettre à l'ensemble du secteur de répercuter ces évolutions sur les prix de détail dès leur application, de mettre en oeuvre les solutions techniques correspondantes et, le cas échéant, d'adapter leurs processus opérationnels.



Vous pouvez consulter le tableau dans le JO

n° 247 du 24/10/2006 texte numéro 70





Par conséquent, sur le fondement des dispositions de l'article D. 307-III du code des postes et des communications électroniques, l'Autorité considère que les modifications des conditions inscrites à l'offre de référence devront respecter un délai de préavis raisonnable, qui ne saurait être inférieur à 1 mois. En cas d'évolution tarifaire à la hausse, ce préavis sera de 3 mois minimum et il sera porté à 1 an en cas d'évolution de nature à contraindre les opérateurs à modifier leurs installations (cf. Figure 5 : Synthèse des délais imposés aux offres de détail et de gros). Cette condition apparaît essentielle pour garantir aux opérateurs une visibilité suffisante sur leurs investissements. Elle est donc adaptée au respect des objectifs d'égalité des conditions de la concurrence fixés à l'article L. 32-1 du code, sans pour autant représenter une charge excessive pour France Télécom.

L'obligation de publication avec préavis pour l'entrée en vigueur des modifications apportées s'entend sauf décision contraire de l'Autorité ou de toute autre autorité ou juridiction habilitée à imposer une telle modification. Certains cas particuliers peuvent en effet nécessiter une mise en oeuvre immédiate des évolutions de l'offre. Ce cas peut notamment se rencontrer à la suite d'une décision de règlement de différend ou d'une décision de modification de l'offre de référence.

France Télécom, dans sa réponse à la première consultation publique, déplore que le cumul du délai d'un mois pour la commercialisation de l'offre de gros avant l'offre de détail, et de trois mois pour la modification de l'offre de référence, conduise à « une complète stérilisation du marché ». Il est à noter que le schéma global proposé dans le présent document conduit le plus souvent à un délai total de 8 jours ou 1 mois, dans quelques cas à des délais totaux de 2 à 3 mois, le délai de 12 mois étant très spécifique et complètement exceptionnel.

S'agissant de la première offre de référence publiée conformément à la présente décision, il y a lieu de réduire ce préavis en cas d'évolution tarifaire susmentionné entre sa publication et son entrée en vigueur, afin d'assurer au secteur une mise en oeuvre aussi rapide que possible des obligations détaillées dans la présente décision tout en gardant une visibilité minimale obligatoire pour permettre aux opérateurs de prendre en compte d'éventuelles évolutions tarifaires. L'Autorité impose donc l'entrée en vigueur de cette offre au 1er octobre 2006.

Il apparaît cependant raisonnable de laisser à France Télécom un délai d'un mois à compter de l'entrée en vigueur de la présente décision pour préparer une offre de référence qui y soit conforme et la communiquer à l'Autorité. Ce délai d'un mois apparaît suffisant au regard du fait qu'une offre préexistait dans l'ancien cadre pour les trois prestations visées.

Les parties suivantes précisent l'obligation ainsi imposée à France Télécom de publier une offre de référence pour les prestations de LPT, de CE2O et de liaisons de transport métropole-Réunion.



IV-2.5.3. Offre de référence, partie « liaisons louées d'interconnexion - interface classique »


L'offre de référence « liaisons louées - interface classique » intégrera les offres proposées actuellement par France Télécom dans son catalogue d'interconnexion et dans ses conventions d'interconnexion :

LPT de 64 kbit/s à 2 Mbit/s sans limitation de longueur (LPT « locales » et « régionales ») ;

Liaison d'aboutement de 2, 34 et 155 Mbit/s ;

LPT haut débit de 34 Mbit/s, et 155 Mbit/s ;

Qualités de service au moins équivalentes aux offres de détail.


IV-2.5.4. Offre de référence, partie « liaisons louées d'interconnexion - interfaces alternatives »


L'offre de référence « liaisons louées - interfaces alternatives » intégrera l'offre actuellement proposée par France Télécom sous le nom CE2O.

Elle pourra être étendue aux autres produits de gros de services de capacité à interface alternative avec des débits différents ou des caractéristiques différentes permettant de répliquer les principales offres de détail de France Télécom de services de capacité.


IV-2.5.5. Offre de référence, partie « liaisons louées de transport » (métropole, la Réunion)


Contrairement aux autres routes entre la métropole et les départements d'outre-mer, il n'y a pas de concurrence entre opérateurs membres du consortium du câble SAFE reliant la métropole et la Réunion du fait de l'incapacité d'autres opérateurs, notamment Cable & Wireless qui semble l'acteur le plus intéressé, à proposer un circuit complet entre la métropole et la Réunion.

France Télécom dispose donc d'un monopole de fait. Seule une levée de ce monopole, couplée à une régulation appropriée du « complément terrestre » est susceptible d'accroître la concurrence sur cette route sans imposer d'offre de référence. Cette levée étant peu envisageable puisque ce monopole a été accordé dans le cadre contractuel de ce câble sous-marin (il bénéficie notamment à tous les opérateurs historiques le long du parcours du câble), il est donc nécessaire que France Télécom publie une offre de référence.

Aussi, France Télécom proposera, sous la forme d'une offre de référence, l'offre de liaison louée de transport allant d'un brasseur de référence en métropole à un brasseur de référence à la Réunion, issue du règlement de différend de mai 2004.


IV-2.6. Contrôle des tarifs


L'article L. 38-I du code précité précise, en son 4°, qu'il peut être imposé aux opérateurs « réputés exercer une influence significative sur un marché du secteur des communications électroniques » de « ne pas pratiquer de tarifs excessifs ou d'éviction sur le marché en cause et de pratiquer des tarifs reflétant les coûts correspondants ».

Il est nécessaire d'imposer à France Télécom de ne pas pratiquer de tarifs d'éviction pour l'ensemble de ses offres sur les marchés de gros.

En revanche, selon les segments de marché, il peut être nécessaire d'imposer l'obligation de reflet des coûts ou seulement l'interdiction de pratiquer des tarifs excessifs.

La régulation des parties « segment terminal » et « circuit interurbain » étant différente, France Télécom devra proposer une tarification distinguant ces deux segments pour toutes ses prestations de gros régulées.

L'Autorité souligne que conformément au cadre réglementaire des communications électroniques, et comme l'y invite le Conseil de la concurrence dans son avis du 12 mai 2006 précité, les prestations différentes d'un même marché peuvent être soumises à des obligations distinctes.


IV-2.6.1. Obligation de ne pas pratiquer des tarifs d'éviction

sur l'ensemble des marchés de gros


L'analyse de la puissance a montré l'influence significative qu'exerce France Télécom sur l'ensemble des marchés de gros des services de capacité identifiés comme pertinents pour une régulation ex ante.

France Télécom sera donc encore en mesure durant les prochaines années de se comporter, sur ces marchés, indépendamment de ses clients et de ses concurrents, grâce notamment à sa puissance sur les divers marchés situés en amont (détail et gros), et aux avantages structurels dont il bénéficie.

L'analyse a néanmoins permis de constater l'existence d'une certaine concurrence via le développement par les opérateurs alternatifs de leurs propres infrastructures. Les opérateurs proposant de telles alternatives ont dû consentir de lourds investissements pour déployer les infrastructures capillaires nécessaires.

Conformément à l'objectif de développement efficace dans les infrastructures, mentionné au 3° du II de l'article L. 32-1, l'Autorité estime qu'il est nécessaire et proportionné, afin d'une part de ne pas nuire aux investissements déjà consentis, et d'autre part de maintenir une incitation suffisante pour les opérateurs à se déployer plus bas dans le réseau, d'interdire à France Télécom de fixer une tarification d'éviction de ses prestations pour l'ensemble des marchés de gros des services de capacité, et notamment pour l'ensemble des prestations inscrites dans les offres de référence imposées au titre de la présente analyse.


IV-2.6.2. Segment terminal > 10 Mbit/s


L'analyse de la puissance de France Télécom sur ce segment de marché a montré que ces prestations sont incontournables pour l'ensemble des opérateurs de communications électroniques en France, qui ne disposent dès lors d'aucun contrepouvoir sur la latitude de fixation des tarifs dont dispose France Télécom.

France Télécom, en position quasi-monopolistique sur ce marché pourrait fixer les tarifs de ces prestations indépendamment de toute pression concurrentielle au désavantage de ses concurrents sur les marchés aval et, in fine, des consommateurs.

L'Autorité note que l'absence d'obligation de reflet des coûts permettrait à France Télécom de bénéficier d'une rente liée à sa puissance importante sur ce segment de marché. Une telle rente fausserait les conditions de développement d'une concurrence équitable sur les marchés.

L'obligation de reflet des coûts sur ce marché de gros où France Télécom est extrêmement puissant et sur lequel il dispose d'une infrastructure largement amortie permet de réduire la possibilité d'étendre l'influence significative sur le marché de détail et de maximiser le surplus social.

L'Autorité estime donc que les tarifs de ces prestations doivent refléter les coûts, sous réserve du respect de l'obligation de ne pas pratiquer des tarifs d'éviction imposée précédemment. En l'absence de mesure moins contraignante qui permettrait de prévenir toute distorsion de concurrence, cette obligation est proportionnée aux objectifs de l'article L. 32-1-II du code et en particulier à l'exercice « d'une concurrence effective et loyale », au développement de la compétitivité ou encore à « l'égalité des conditions de concurrence ». Cette obligation concerne toutes les prestations du marché pertinent du segment terminal inférieur à 10 Mbit/s, et notamment les éléments de l'offre technique et tarifaire « Liaisons louées d'interconnexion - interface classique », à l'exclusion du segment de marché supérieur à 10 Mbit/s.


IV-2.6.3. Segment terminal < 10 Mbit/s


L'analyse de la puissance a montré l'influence significative qu'exerce France Télécom sur ce segment du marché du segment terminal. En particulier, France Télécom sera encore en mesure durant les prochaines années de se comporter, sur ce marché, indépendamment de ses clients et de ses concurrents, grâce notamment à sa puissance sur les divers marchés situés en amont (détail et gros), et aux avantages structurels dont il bénéficie.

L'analyse a néanmoins permis de constater le développement par les opérateurs alternatifs de leurs propres infrastructures. Les opérateurs proposant de telles alternatives ont dû consentir de lourds investissements pour déployer les infrastructures capillaires nécessaires.

Sur cette partie du marché du segment terminal, une régulation appropriée doit ainsi concilier une réplicabilité raisonnable des offres de détail de France Télécom sur le plan technique (architecture, interfaces, capillarité) et tarifaire en apportant une gamme de « briques de base », et le souci de ne pas freiner les opérateurs (France Télécom et les opérateurs alternatifs) dans leur déploiement en cours dans l'optique (boucles locales et réseau de desserte).

Cela suppose notamment de ne pas imposer d'obligation de reflet des coûts pour les offres de gros du segment terminal sur fibre optique (débits supérieurs à 10 Mbit/s).

L'Autorité estime donc justifié de n'imposer ni obligation de reflet des coûts ni obligation de pratiquer des prix excessifs sur une partie du marché du segment terminal, à savoir, les offres de gros du segment terminal de débit supérieur à 10 Mbit/s (et donc en fibre optique).



IV-2.6.4. Circuit interurbain intra-territorial

et inter-territorial, à l'exception de la route vers la Réunion


Comme pour les prestations du marché du segment terminal supérieures à 10 Mbit/s, l'analyse de la puissance a montré l'influence significative qu'exerce France Télécom sur le marché du circuit interurbain intra-territorial et sur les marchés du circuit urbain inter territorial. En particulier, France Télécom sera encore en mesure durant les prochaines années de se comporter, sur ce marché, indépendamment de ses clients et de ses concurrents, grâce notamment à sa puissance sur les divers marchés situés en amont (détail et gros) et aux avantages structurels dont il bénéficie.

L'analyse a néanmoins permis de constater le développement d'infrastructures ou d'offres alternatives. Les opérateurs proposant de telles alternatives ont dû consentir de lourds investissements pour déployer les infrastructures nécessaires.

Ainsi, il est également justifié sur ces marchés de veiller à favoriser une réplicabilité raisonnable des offres de détail de France Télécom sur le plan technique (architecture, interfaces, capillarité) et tarifaire en apportant une gamme complète de « briques de base », tout en incitant les opérateurs alternatifs à continuer d'investir dans leur déploiement en cours.

Cela suppose notamment de ne pas imposer d'obligation de reflet des coûts pour les offres du circuit interurbain intra-territorial et inter territorial, à l'exception de la route vers la Réunion et des prestations de « compléments terrestres » pour lesquelles France Télécom est en monopole.

En revanche, pour les prestations de « compléments terrestres » pour lesquelles France Télécom est en monopole sur l'ensemble de ces routes et le demeurera jusqu'à l'horizon de la présente analyse, France Télécom est en mesure de fixer les tarifs de ces prestations indépendamment de toute pression concurrentielle au désavantage de ses concurrents sur les marchés aval et, in fine, des consommateurs. Il est donc justifié et proportionné de lui imposer une obligation de reflet des coûts.

Afin de garantir l'égalité des conditions de concurrence, de veiller à l'exercice au bénéfice des utilisateurs d'une concurrence effective et loyale et au développement de l'investissement efficace dans les infrastructures, conformément aux objectifs cités aux 2°, 3° et 4° de l'article L. 32-1 (II) précité, l'Autorité estime également nécessaire et proportionné d'imposer à France Télécom l'obligation de ne pas pratiquer de tarifs excessifs pour l'ensemble des prestations comprises dans ces marchés, à l'exception de la route métropole-Réunion. Enfin, pour les prestations de compléments terrestres pour lesquelles France Télécom est en monopole, il est justifié et proportionné de lui imposer une obligation de reflet des coûts.


IV-2.6.5. Circuit interurbain inter-territorial sur la route métropole-Réunion


Comme exposé ci-avant, la route métropole-Réunion connaît une spécificité importante en ce qu'elle est de fait en monopole. Par conséquent, France Télécom pourrait fixer les tarifs de ces prestations indépendamment de toute pression concurrentielle au désavantage de ses concurrents sur les marchés aval et, in fine, des consommateurs.

L'Autorité note que l'absence d'obligation de reflet des coûts permettrait à France Télécom de bénéficier d'une rente liée à sa puissance sur le marché. Une telle rente fausserait les conditions de développement d'une concurrence équitable sur les marchés.

L'Autorité estime donc que les tarifs de ces prestations doivent refléter les coûts, sous réserve du respect de l'obligation de ne pas pratiquer des tarifs d'éviction imposée précédemment. En l'absence de mesure moins contraignante qui permettrait de prévenir toute distorsion de concurrence, cette obligation est proportionnée aux objectifs de l'article L. 32-1 (II) du code et en particulier à l'exercice « d'une concurrence effective et loyale », au développement de la compétitivité ou encore à « l'égalité des conditions de concurrence ». Cette obligation concerne toutes les prestations du marché du circuit interurbain inter territorial sur la route métropole - Réunion, et en particulier l'ensemble des prestations prévues à l'offre de référence « liaisons louées de transport » (métropole-La Réunion).


IV-2.6.6. Prestations de raccordements aux brasseurs de France Télécom


Eu égard au monopole de fait de France Télécom sur les prestations de raccordements à ses brasseurs, l'absence d'obligation de reflet des coûts sur ces prestations permettrait à France Télécom de pratiquer des prix qui fausseraient la concurrence.

L'Autorité estime donc que les tarifs de ces prestations doivent refléter les coûts. En l'absence de mesure moins contraignante qui permettrait de prévenir toute distorsion de concurrence, cette obligation est proportionnée aux objectifs de l'article L. 32-1-II du code et en particulier à l'exercice « d'une concurrence effective et loyale », au développement de la compétitivité ou encore à « l'égalité des conditions de concurrence ».


IV-2.7. Obligations comptables


Les obligations de séparation comptable et de comptabilisation des coûts sont des remèdes distincts que peut imposer l'Autorité à un opérateur déclaré puissant sur un marché donné au terme des analyses de marché menées selon la procédure déclinée dans l'article 16 de la directive « cadre ».

L'article 11 de la directive « accès » prévoit que l'Autorité peut « imposer des obligations de séparation comptable en ce qui concerne certaines activités dans le domaine de l'interconnexion et/ou de l'accès », et ce dans l'objectif de contribuer à la vérification du respect des obligations de transparence et de non-discrimination. En particulier, l'Autorité peut « obliger une entreprise intégrée verticalement à rendre ses prix de gros et ses prix de transferts internes transparents, entre autres pour garantir le respect de l'obligation de non-discrimination prévue à l'article 10 ou, en cas de nécessité, pour empêcher des subventions croisées abusives. »

A ce titre, l'Autorité peut « spécifier le format et les méthodologies comptables à utiliser » et « exiger que les documents comptables, y compris les données concernant les recettes provenant de tiers, lui soient fournis si elle en fait la demande ».

L'obligation de comptabilisation des coûts est prévue par l'article 13 de la directive « accès », incluant également les obligations liées à la récupération des coûts, au contrôle des prix et à l'orientation des prix en fonction des coûts. L'objectif de l'imposition de ces obligations est d'éviter que l'opérateur concerné, « en l'absence de concurrence efficace, ne maintienne des prix à un niveau excessivement élevé, ou ne comprime les prix, au détriment des utilisateurs finals ».

L'article L. 38-I (5°) du code des postes et des communications électroniques précise que « les opérateurs réputés exercer une influence significative sur un marché du secteur des télécommunications électroniques peuvent se voir imposer, (...) [d'] isoler sur le plan comptable certaines activités en matière d'interconnexion ou d'accès, ou tenir une comptabilité des services et des activités qui permette de vérifier le respect des obligations imposées au titre du présent article ».

Le caractère intégré et le positionnement de France Télécom sur les marchés de détail et de gros des services de capacité peut se traduire par des distorsions discriminatoires sur les marchés de gros et de détail, qui peuvent être mises sous surveillance grâce notamment à l'imposition d'une obligation de séparation comptable.

L'obligation de séparation comptable est justifiée étant donné la nécessité de détecter l'apparition de comportements anticoncurrentiels (discrimination, couplages abusifs, tarifs excessifs, d'éviction), la nécessité pour les prix de refléter les coûts, l'exercice éventuel de l'Autorité de son pouvoir d'opposition sur les évolutions tarifaires de détail de France Télécom, et l'obligation d'encadrement tarifaire imposée à France Télécom.

Elle est proportionnée aux objectifs fixés à l'article L. 32-1 du code des postes et des communications électroniques, et en particulier les 2°, 3° et 4°. Cette obligation constitue le minimum nécessaire pour s'assurer notamment de l'absence de subventions croisées, de pratiques de ciseau tarifaire destinées à évincer des concurrents et du respect de l'obligation de non-discrimination.

Dans un souci de cohérence et d'homogénéité des obligations imposées à la suite des analyses de marché menées dans le nouveau cadre, cette obligation de séparation comptable sera précisée dans une décision ultérieure, conformément à l'article D. 312 du code des postes et des communications électroniques, et après consultation publique et notification à la Commission européenne.

France Télécom se doit d'ores et déjà de respecter les dispositions de la décision no 2005-0834 du 15 décembre 2005 susvisée définissant la méthode de valorisation des actifs de la boucle locale cuivre ainsi que la méthode de comptabilisation des coûts applicable au dégroupage total.

Enfin, à titre transitoire, et jusqu'à la publication de la décision complémentaire précitée, France Télécom demeure soumise au titre de la présente décision à l'ensemble des obligations relatives à la séparation comptable qui lui étaient imposées en vertu de l'article 18 du cahier des charges de France Télécom annexé au décret no 96-1225 du 27 décembre 1996, au chapitre XIII de l'annexe de l'arrêté du 12 mars 1998 susvisé, et dans les décisions no 98-901 et no 2001-650 de l'Autorité, dans la mesure où elles sont compatibles avec la décision no 2005-0834 précitée.



IV-3. LES OBLIGATIONS SUR LE MARCHÉ DE DÉTAIL

IV-3.1. Fondement des obligations imposées sur les marchés de détail


L'article L. 38-1-I du CPCE prévoit que les obligations qui peuvent être imposées à l'opérateur puissant remplissent les conditions suivantes :

- les obligations imposées en matière d'accès et d'interconnexion ne sont pas suffisantes pour répondre aux objectifs de la régulation prévus par l'article L. 32-1 précité ;

- elles sont justifiées, et proportionnées à ces objectifs ;

- elles tiennent compte de la nature des obstacles à la concurrence identifiés lors de la seconde phase de l'analyse.


IV-3.2. Obligations spécifiques sur l'ensemble minimal


Cependant, indépendamment de l'analyse des obligations nécessaires pour remédier aux problèmes concurrentiels, l'article 18 de la directive « Service universel » prévoit que, dans la mesure où France Télécom est réputé exercer une influence significative sur le marché de détail contenant l'ensemble minimal des liaisons louées, l'Autorité doit lui imposer les obligations prévues à l'annexe VII de cette directive. Cette contrainte a été transposée aux articles L. 38-2 et D. 369 et suivants du CPCE.

A cet égard, l'article D. 371 du CPCE dispose que les liaisons louées de l'ensemble minimal doivent être fournies dans des conditions objectives, transparentes et non discriminatoires et fixe les conditions minimales de fourniture de ces liaisons. Par ailleurs, l'article D. 377 précise que les tarifs de ces mêmes liaisons louées doivent respecter le principe de l'orientation vers les coûts, comporter une redevance initiale de connexion et une redevance périodique, indiquées de façon distincte. Enfin, il souligne que la comptabilité prévue au 3° de l'article L. 38-1 doit permettre d'évaluer les coûts des liaisons louées en accord avec les principes définis à l'article D. 374.

Contrairement aux autres analyses de marché, l'Autorité ne dispose donc pas de marge d'appréciation en ce qui concerne les obligations à imposer sur ce segment de marché dès lors q'un opérateur y a été déclaré puissant. France Télécom ne peut donc demander dans sa contribution à ce que l'Autorité s'interroge sur le bien fondé de ces obligations.

En conséquence, France Télécom, pour la liaison louée analogique 2 fils, la liaison louée analogique 4 fils, la liaison louée numérique 64 kbit/s et les liaisons louées numériques à 2 Mbit/s devra respecter les obligations prévues aux articles D. 369 à D. 377 du CPCE et en particulier les obligations de :

- non-discrimination ;

- transparence ;

- orientation vers les coûts et comptabilisation des coûts.


IV-3.3. Nécessité d'imposer des obligations sur l'ensemble du marché de détail


Les obligations imposées sur les marchés de gros, et celles imposées sur le marché de détail au titre de l'ensemble minimal, ne sont pas suffisantes pour réaliser entièrement l'un des objectifs principaux, c'est-à-dire l'incitation des opérateurs à déployer un réseau local de fibre optique. En effet, France Télécom pourrait être tenté de discriminer ces tarifs de détail selon qu'un opérateur alternatif soit ou non en mesure de le concurrencer et empêcher ainsi l'opérateur alternatif d'amortir ses investissements.

Les risques d'éviction sont en effet d'autant plus fort que le déploiement des MAN des opérateurs alternatifs est très limité et qu'il est donc aisé pour France Télécom de pratiquer des remises pouvant aller jusqu'à 80 % sur ces zones.

Les conditions de concurrence constatées sur les marchés de gros maintiennent la possibilité pour France Télécom de notamment pratiquer des prix conduisant à un effet de ciseau tarifaire sur les marchés de détail ou d'adopter des pratiques discriminatoires. Il est peu vraisemblable que les obligations nouvelles imposées sur les marchés de gros conduiront à une situation de concurrence effective sur le marché de détail à l'horizon de la présente analyse.

Ainsi, si les obligations imposées sur les marchés de gros devraient permettre aux opérateurs alternatifs d'élaborer leurs propres offres commerciales au profit des utilisateurs, elles ne pourront cependant pas empêcher l'opérateur historique d'adopter des pratiques qui annuleraient les effets de cette régulation, par exemple en mettant en oeuvre des tarifs d'éviction ou discriminatoires.

Il existe donc encore à ce jour de réels risques de forclusion du marché qui aurait pour conséquence de freiner la velléité des opérateurs alternatifs de continuer à investir dans leurs propres infrastructures afin de gagner en indépendance par rapport aux offres de gros de France Télécom. Ces spécificités justifient une intervention ex ante sur le marché de détail des services de capacité.

En outre, si les nouvelles obligations imposées sur les marchés de gros ont pour objet de pouvoir lever à terme la régulation sur le marché de détail, il convient de prendre en compte le nécessaire décalage temporel entre l'imposition d'une obligation, sa mise en oeuvre pratique et son impact sur les marchés concernés.

Par conséquent, l'Autorité estime justifié d'imposer des obligations ex ante sur le marché de détail des services de capacité tel que défini dans la présente analyse, jusqu'au 1er octobre 2009.

A cet égard, il convient de noter que les obligations imposées par la présente décision sur le marché de détail des services de capacité s'avèrent moins contraignantes que celles prévues dans l'ancien cadre ; elles ont en particulier pour effet de supprimer l'homologation préalable des tarifs de France Télécom.

En outre, l'Autorité sera particulièrement vigilante à l'évolution de ce marché de détail et à l'impact des obligations imposées sur les marchés de gros sur le marché de détail. Ainsi, si les obligations imposées sur les marchés de gros devaient impacter favorablement et substantiellement le fonctionnement du marché de détail, l'Autorité pourrait être amenée à réexaminer les obligations ainsi imposées avant ce terme. Par conséquent, il n'est pas exclu que l'Autorité puisse anticiper sur le terme de la présente décision pour lever les obligations imposées sur le marché de détail en cas d'évolution concurrentielle satisfaisante.


IV-3.4. Obstacles au développement de la concurrence sur le marché de détail


En vertu des articles L. 37-1 et L. 38-1 du CPCE, la mise en oeuvre, par l'Autorité, d'obligations ex ante sur les marchés de détail doit tenir compte de « la nature des obstacles au développement d'une concurrence effective » identifiés lors de leur analyse.

La nature des obstacles au développement de la concurrence, telle qu'elle a été appréhendée dans la deuxième phase de l'analyse des marchés de détail des services de capacité, est caractérisée notamment par des barrières à l'entrée structurelles : infrastructure difficile à dupliquer, importance des coûts fixes, et donc économies d'échelle et de gamme par exemple.

En raison de sa puissance, France Télécom peut être amené à adopter des comportements visant à évincer ses concurrents ou à rendre leur entrée sur le marché plus difficile : discrimination, tarifs d'éviction... Les obligations retenues pour le marché de détail poursuivent donc principalement l'objectif de contribuer au développement de la concurrence en veillant à prévenir les risques de forclusion du marché.

Ces risques ne sont pas seulement théoriques, France Télécom ayant déjà par le passé tenté d'adopter de telles pratiques, par exemple en ce qui concerne l'offre de détail « Ethernet Link ».


IV-3.5. Suppression de l'obligation d'homologation préalable des tarifs de détail

et imposition d'obligations plus légères


Dans le système actuel, France Télécom transmet à l'Autorité préalablement à leur mise en oeuvre les évolutions tarifaires des offres incluses dans ce marché. Cette procédure permet à l'Autorité d'exercer un contrôle préalable sur la tarification de France Télécom et de vérifier qu'a priori l'opérateur ne pratique ni des tarifs excessifs, ni des tarifs d'éviction, ni des conditions discriminatoires, ni des couplages abusifs.

Dans leur contribution à la consultation publique, certains opérateurs alternatifs estiment tous nécessaire que soit maintenu une obligation d'homologation tarifaire.

Néanmoins, il est apparu que ce contrôle préalable a priori ne permettait pas de contrôler la mise en oeuvre effective de la non-discrimination et de l'absence de tarif d'éviction pour des produits très complexes dont chaque implémentation est différente. A la suite de ce constat, l'Autorité estime plus efficace d'exercer un contrôle a posteriori sous la forme d'enquêtes administratives pouvant déboucher, le cas échéant, sur des procédures de sanction.

L'Autorité envisage donc d'alléger la régulation de détail en supprimant la communication préalable des tarifs et en n'imposant que l'obligation de non-discrimination (IV-3.5.1), l'obligation de ne pas pratiquer des tarifs d'éviction (IV-3.5.2) et l'obligation de comptabilisation des coûts (IV-3.5.3).



IV-3.5.1. Obligation de non-discrimination


L'article L. 38-1-I (1°) prévoit la possibilité d'imposer à l'opérateur puissant l'obligation de « fournir des prestations de détail dans des conditions non discriminatoires » ; l'article 17 de la directive « service universel » prévoit l'interdiction de « privilégier de manière abusive certains utilisateurs finals ».

L'influence significative de France Télécom pourrait l'amener à discriminer ses tarifs de détail des services de capacité, par rapport aux prix catalogues, en pratiquant des prix sensiblement plus bas dans les zones où d'autres opérateurs alternatifs sont déployés.

Cette forte discrimination tarifaire selon l'existence ou non d'un réseau alternatif dans la zone n'est pas de nature à inciter les opérateurs alternatifs à déployer un réseau d'accès en fibre optique et n'est donc pas de nature à favoriser le développement à long terme d'une concurrence fondée sur les infrastructures.

Le risque de telles pratiques discriminatoires justifie l'obligation de les proscrire sur le marché de détail des services de capacités. Il ne semble pas envisageable qu'avant la fin de la période d'analyse, le déploiement des opérateurs alternatifs soit tel que France Télécom ne soit plus en mesure de mettre en oeuvre ces pratiques.

L'obligation de non-discrimination, à la lumière de l'article 17 de la directive « service universel », ne limite pas la possibilité pour France Télécom de différencier ses offres, si ces différences sont objectivement justifiées d'un point de vue technique, économique ou commercial et qu'elles n'affectent pas la concurrence ni les utilisateurs.

Cette obligation est proportionnée aux objectifs fixés à l'article L. 32-1-II du CPCE en ce qu'elle va permettre « l'exercice au bénéfice des utilisateurs d'une concurrence effective et loyale entre les exploitants de réseau » ainsi que le « développement de l'emploi de l'investissement efficace dans les infrastructures, de l'innovation et de la compétitivité dans le secteur des communications électroniques ».

Au titre de la mise en oeuvre de la présente obligation, et afin d'en contrôler le respect, France Télécom doit avoir un document interne regroupant ses offres génériques, telles que définies précédemment, de services de capacité. Ces offres génériques servent notamment à la constitution des offres de gros de référence pour assurer raisonnablement leur réplicabilité.

Les offres sur mesure de détail que l'opérateur peut être amené à créer doivent être dérivées de ces offres génériques. En particulier, lorsque France Télécom est amené à répondre par une offre sur mesure à un appel d'offres, les écarts de prix entre l'offre générique et l'offre sur mesure doivent être liées aux écarts de coûts entre la fourniture de l'offre générique et de l'offre sur mesure. Par ailleurs, les offres sur mesure doivent nécessairement présenter une spécificité technique et commerciale, ce qui signifie que les offres sur mesure purement tarifaires sont proscrites au titre de la présente obligation.

L'Autorité peut demander à France Télécom de justifier que ces offres sur mesure ne sont pas discriminatoires entre elles ou vis à vis des offres génériques.

Par ailleurs, si la commercialisation de produits de services de capacités par des filiales de France Télécom engendrait des problèmes concurrentiels non identifiés à ce jour, l'Autorité pourrait être amenée à préciser certains éléments de la présente analyse ou à modifier certaines obligations.


IV-3.5.2. Proscription des tarifs d'éviction


Le I (2°) de l'article L. 38-1 du CPCE prévoit qu'un opérateur puissant peut être soumis à l'obligation de ne pas pratiquer des tarifs d'éviction. Le deuxième paragraphe de l'article 17 de la directive « service universel » prévoit la possibilité d'imposer à un opérateur puissant l'obligation de ne pas porter atteinte à la concurrence par la fixation de prix d'éviction.

France Télécom est en mesure d'évincer ces concurrents en pratiquant des tarifs discriminatoires, il peut être remédié à ce risque par l'obligation de non-discrimination. Néanmoins, il existe d'autres formes d'éviction.

Dans le cas d'une demande très spécifique à laquelle un opérateur alternatif pourrait répondre en utilisant ses infrastructures propres, France Télécom peut évincer l'opérateur alternatif en pratiquant un tarif inférieur au coût de revient pour un opérateur alternatif efficace, sans que cela contrevienne à l'obligation de non-discrimination (puisque la prestation est très spécifique) et sans que cela contrevienne aux obligations sur les prestations de gros (puisqu'il n'y a pas d'achat de prestation de gros).

Il semble donc nécessaire d'imposer à France Télécom l'obligation de ne pas pratiquer de tarifs d'éviction sur le marché de détail des services de capacité. Cette obligation est proportionnée aux objectifs fixés à l'article L. 32-1-II du CPCE en ce qu'elle va favoriser « l'exercice au bénéfice des utilisateurs d'une concurrence effective et loyale entre les exploitants de réseau » ainsi que le « développement de l'emploi de l'investissement efficace dans les infrastructures, de l'innovation et de la compétitivité dans le secteur des communications électroniques ».


IV-3.5.3. Obligation de comptabilisation des coûts


Une comptabilisation spécifique des coûts est nécessaire pour vérifier le respect de la non-discrimination et de l'interdiction des prix d'éviction. En effet, la comptabilité générale d'un opérateur n'est pas à même de fournir les éléments suffisants vu la complexité des retraitements nécessaires, en termes notamment de rémunération du capital, de distinction des éléments de réseau et des fonctionnalités.

Dans l'ancien cadre, le cahier des charges de France Télécom, annexé au décret no 96-1225 susvisé, prévoyait par son article 18 la comptabilisation des coûts de ses services et activités, et notamment la nécessité d'allouer les coûts communs et de valoriser les coûts de réseaux.

En application du quatrième paragraphe de l'article 17 de la directive « service universel », le régulateur doit veiller à la mise en oeuvre de systèmes de comptabilité des coûts par tout opérateur puissant soumis à une obligation tarifaire sur un marché de détail. L'article L. 38-1-I du CPCE, par son 3°, dispose que la comptabilisation des coûts est un outil de vérification du respect des obligations qui peuvent être imposées à un opérateur puissant sur les marchés de détail. Ses conditions d'application sont définies à l'article D. 314, qui renvoie à l'article D. 312 concernant les obligations de séparation comptable pouvant être imposées aux opérateurs puissants sur les marchés de gros.

Cette obligation contribue à une information adaptée du régulateur pour l'exercice de ses missions.

Il est donc nécessaire d'imposer à France Télécom l'obligation de comptabilisation des coûts. Elle est justifiée par la nécessité de vérifier le respect des obligations imposées à l'opérateur puissant. Sa proportionnalité avec les objectifs poursuivis réside dans la définition et la précision des informations contenues dans le système de comptabilisation des coûts, chacune contribuant à la vérification du respect d'au moins une obligation relative à l'interdiction de certaines pratiques.

Dans un souci de cohérence et d'homogénéité des obligations imposées à la suite des analyses de marché menées dans le nouveau cadre, cette obligation de comptabilisation, comme celle de séparation comptable imposée sur les marchés de gros, sera précisée dans une décision ultérieure, conformément à l'article D. 312 du CPCE, après consultation publique et notification à la Commission européenne et aux autres ARN européennes.


COMMENTAIRES SUR L'ANALYSE DE L'AUTORITÉ

IV-4.1. Observations de la Commission européenne


Dans ses observations en date du 24 juillet 2006 susvisée, la Commission invite l'ARCEP à considérer l'extension de l'obligation de ne pas pratiquer de tarifs excessifs, telle qu'imposée sur le marché des segments interurbains, aux segments terminaux de lignes louées supérieurs à 10 Mbit/s.

L'objectif principal de la régulation sur le marché du très haut débit est le déploiement de l'offre, c'est-à-dire des réseaux fibre sur le segment de l'accès, tant par l'opérateur historique que par les opérateurs alternatifs.

Or, à ce jour, la structure de coût de l'opérateur historique est nettement plus favorable que celle des opérateurs alternatifs sur la boucle locale : part de marché plus élevées entraînant un meilleur taux de mutualisation des infrastructures, partage du génie civil entre les boucles optiques en cours de déploiement et la boucle locale cuivre pour laquelle il existe une clientèle quasiment captive.

Dès lors, l'Autorité estime qu'au stade actuel de développement du marché, définir une régulation tarifaire explicite de l'opérateur historiques pourrait être susceptible de donner un signal erroné au marché, et d'orienter à long terme les opérateurs alternatifs vers des plan d'affaire fondés sur la location de bande passante à l'opérateur historique plutôt que sur la construction de leurs infrastructures propres.

L'Autorité note par ailleurs qu'une régulation tarifaire implicite des offres de gros existe. Le cadre de régulation défini par la présente décision interdit à France Télécom de pratiquer des tarifs de détail d'éviction. Ses offres de détail son réputées réplicables par ses offres de gros, y compris en l'absence de régulation tarifaire explicites de celles-ci. La régulation tarifaire du marché de gros existe donc de manière indirecte, par la proscription des tarifs d'éviction sur le marché de détail et la stratégie tarifaire de l'opérateur historique, conditionnée in fine par la disposition à payer et l'élasticité de la demande des clients finaux.

Dès lors, l'Autorité estime comme prématuré le fait d'imposer à France Télécom une régulation tarifaire des offres de liaisons louées sur fibre optique à plus de 10 Mbit/s.

Cette position de préjuge pas d'une éventuelle position ultérieure de l'Autorité en matière de régulation tarifaire des offres de capacité sur fibre optique de l'opérateur historique, soit s'il s'avérait structurellement impossible pour les opérateurs alternatifs de construire leurs propres réseaux dans certaines zones, soit si un décalage venait à perdurer entre les conditions d'accès des opérateurs alternatifs aux réseaux d'infrastructures passives de France Télécom, notamment le génie civil, et celles dont France Télécom bénéficie pour son propre compte. Cette position ne préjuge pas non plus de la position de l'Autorité sur le marché résidentiel, marché fondamentalement différent tant en terme de demande que d'offre.

L'Autorité sera particulièrement vigilante au cours de l'année 2007 à ce que le principe de non-éviction soit effectivement respecté sur le marché de détail. Elle est susceptible de modifier les obligations pesant sur France télécom sur le marché de gros en fonction du respect effectif des obligations définies dans la présente analyse par l'opérateur historique, des conditions d'accès réseaux passifs de France Télécom dont bénéficieront les opérateurs alternatifs, et de la disponibilité effective de ressources au sein de ce réseau,



Décide :


Article 1


Dans le cadre de l'analyse des marchés des services de capacité, sont utilisées les définitions suivantes :

1. Territoire d'analyse. On entend par « territoire d'analyse » le territoire métropolitain, les départements d'outre-mer et la collectivité territoriale de Mayotte.

2. Complément terrestre. On entend par « Complément terrestre » le tronçon de liaison louée compris entre la station d'atterrissement d'un câble sous-marin et le brasseur le plus proche où viennent s'interconnecter les opérateurs acheteurs.

3. Segment terminal. On entend par « Segment terminal » le tronçon compris entre le site client et le premier brasseur, soit de liaisons louées, soit ATM dans le cas de services de capacités à interfaces alternatives.

4. Circuit interurbain. On entend par « Circuit interurbain » le tronçon entre deux brasseurs qui permet en reliant deux segments terminaux de construire une liaison louée point à point.

5. Circuit interurbain intra-territorial. On entend par « Circuit interurbain intra-territorial » un circuit interurbain entre des équipements réseaux présents sur un même territoire : France métropolitaine, département ou collectivité territoriale d'outre-mer.

6. Circuit interurbain inter-territorial. On entend par « Circuit interurbain intra-territorial » un circuit interurbain entre des équipements réseaux présents sur deux territoires au sens de la précédente définition.


Définition des marchés pertinents

Définition des marchés pertinents de détail


Article 2


Est déclaré pertinent le marché de détail des services de capacité, incluant toutes les liaisons louées, quels que soient leurs débits et la technologie employée. Ce marché comprend notamment les liaisons louées normalisées par l'ETSI et les services de capacité à interface Ethernet ou ATM point à point ou multipoints. Il ne comprend pas les réseaux privés virtuels IP, les services de transmission de données, tels les liens Frame Relay ou X.25, et les services de support physique. Le marché est constitué géographiquement par toutes les liaisons dont les extrémités sont situées dans le territoire d'analyse.


Définition des marchés pertinents de gros


Article 3


Est déclaré pertinent le marché de gros des prestations de segment terminal de services de capacité sur le territoire d'analyse. Il comprend les interfaces classiques et les interfaces alternatives. Il exclut les services support et de transmission, ainsi que les offres d'accès large bande livrées au niveau régional.

Article 4


Est déclaré pertinent le marché de gros des prestations de circuit interurbain intra-territorial en métropole, dans les départements d'outre-mer, et Mayotte.

Il comprend les interfaces classiques et les interfaces alternatives. Il exclut les services support et de transmission.

Article 5


Sont déclarés pertinents les marchés de gros des prestations de transit inter territoires suivants :

- le marché de gros des prestations de circuit interurbain interterritorial entre la métropole et la Martinique ;

- le marché de gros des prestations de circuit interurbain interterritorial entre la métropole et la Guadeloupe ;

- le marché de gros des prestations de circuit interurbain interterritorial entre la métropole et la Guyane ;

- le marché de gros des prestations de circuit interurbain interterritorial entre la métropole et la Réunion ;

- le marché de gros des prestations de circuit interurbain interterritorial entre la Guadeloupe et la Martinique ;

- le marché de gros des prestations de circuit interurbain interterritorial entre la Martinique et la Guyane ;

Le circuit interurbain inter-territorial exclut les services de services de transmission de données et les services support.


Durée de validité


Article 6


Les marchés recensés aux articles 2 à 5 sont déclarés pertinents à compter de la publication de la présente décision au Journal officiel de la République française et jusqu'au 1er octobre 2009, sans préjudice d'un éventuel réexamen anticipé de la liste des marchés pertinents, conformément aux dispositions de l'article D. 301 du code des postes et des communications électroniques.


Existence d'un opérateur exerçant une influence significative


Article 7


La société France Télécom est réputée exercer une influence significative sur le marché de détail défini à l'article 2.

Article 8


La société France Télécom est réputée exercer une influence significative sur les marchés de gros définis aux articles 3 à 5.


Durée de validité


Article 9


Les articles 7 et 8 s'appliquent à compter de la publication de la présente décision au Journal officiel de la République française et jusqu'au 1er octobre 2009, sans préjudice d'un éventuel réexamen anticipé, conformément aux dispositions l'article D. 302 du code des postes et des communications électroniques.


Obligations imposées à l'opérateur puissant sur les marchés de détail et de gros

Obligations imposées sur les marchés de gros

Obligation de faire droit aux demandes raisonnables d'accès


Article 10


France Télécom est tenue de faire droit aux demandes raisonnables d'accès à des éléments de réseau ou à des moyens qui y sont associés, et relatives aux prestations des marchés pertinents définis aux articles 3 à 5.

A ce titre, lorsque la demande est raisonnable et relative aux prestations des marchés pertinents précités, ou aux prestations qui leur sont associées, France Télécom est notamment tenue :

- de négocier de bonne foi avec les opérateurs qui demandent un accès ;

- de ne pas retirer à un opérateur un accès déjà accordé, sauf accord préalable de l'Autorité ou de l'opérateur tiers concerné ;

- d'offrir des services particuliers en gros en vue de leur revente à des tiers ;

- d'accorder un accès ouvert aux interfaces techniques, protocoles ou autres technologies clés qui revêtent une importance essentielle pour l'interopérabilité des services ou des services de réseaux virtuels ;

- de fournir une possibilité de colocalisation ou d'autres formes de partage des moyens, y compris le partage des gaines, des bâtiments ou des pylônes ;

- de fournir les services spécifiques nécessaires pour garantir aux utilisateurs l'interopérabilité des services de bout en bout, notamment en ce qui concerne les moyens destinés aux services de réseaux intelligents ;

- de fournir l'accès à des systèmes d'assistance opérationnelle ou à des systèmes logiciels similaires, nécessaires pour garantir l'existence d'une concurrence loyale dans la fourniture des services.

Tout refus de France Télécom doit être dûment motivé.

Les conditions techniques et tarifaires des prestations d'accès fournies par France Télécom doivent être suffisamment détaillées pour faire apparaître les divers éléments propres à répondre à la demande. En particulier, la fourniture d'une prestation d'accès ne doit pas être subordonnée à la fourniture de services, de moyens ou de toute autre ressource qui ne seraient pas nécessaires à la fourniture de cette prestation.

France Télécom devra s'engager, sur les prestations de raccordement physique et logique à son réseau, sur un niveau satisfaisant de qualité de service et proposer un mécanisme incitatif à son respect.

France Télécom doit maintenir les offres d'accès au réseau qu'elle fournit actuellement, à savoir les liaisons louées partielles LPT locales et régionales, la liaison louée de transport Réunion, CE2O, les liaisons d'aboutement et les services de colocalisation.



Obligation de non-discrimination


Article 11


France Télécom doit fournir l'ensemble des prestations d'accès relatives aux marchés pertinents définis aux articles 3 à 5, y compris les prestations qui leur sont associées, dans des conditions non discriminatoires.

A ce titre, France Télécom doit notamment informer l'Autorité des créations et des évolutions de ces offres de détail selon les modalités décrites en Annexe A.


Obligation de transparence


Article 12


France Télécom est soumis à une obligation de transparence sur l'ensemble des prestations d'accès relatives aux marchés pertinents définis aux articles 3 à 5, y compris sur les prestations qui leur sont associées.

A ce titre, l'opérateur informe l'Autorité notamment de la signature de toute nouvelle convention d'accès et d'interconnexion pour laquelle il est partie, ou de tout avenant à une telle convention, dans un délai de sept jours à compter de la signature du document.

France Télécom devra notamment communiquer aux opérateurs ayant signé avec elle une convention d'accès et d'interconnexion ou négociant avec elle la signature d'une telle convention, ainsi qu'à l'Autorité, des informations sur les caractéristiques de son réseau. Les modalités de publication de ces informations et le niveau de détail requis pourront être précisés par une décision ultérieure de l'Autorité, en tant que de besoin.

France Télécom devra notamment informer, dans un délai de préavis raisonnable, défini pour les prestations inscrites à l'offre de référence en annexe A, les opérateurs bénéficiant d'une prestation d'interconnexion à son réseau et l'Autorité :

- des évolutions des conditions techniques et tarifaires de ses prestations d'interconnexion ;

- des évolutions d'architecture de son réseau, en cas d'évolution de nature à contraindre les opérateurs utilisant une des prestations d'interconnexion à modifier ou adapter leurs propres installations.


Indicateurs de qualité de service


Article 13


Au titre des obligations de transparence et de non-discrimination, France Télécom doit mesurer et publier un ensemble d'indicateurs de qualité de service relatifs aux marchés pertinents définis aux articles 3 à 5.

Cette obligation pourra être précisée ultérieurement par l'Autorité.


Offre de référence « Services de capacité »


Article 14


France Télécom doit publier une offre technique et tarifaire d'accès et d'interconnexion relative aux services de capacité. Celle-ci comportera une partie sur les offres de liaisons louées partielles terminales normalisées par l'ETSI, une partie sur les offres de liaisons louées partielles terminales à interfaces alternatives (dont Ethernet), une partie sur les liaisons louées de transport métropole-Réunion ainsi qu'une partie sur les offres de colocalisation et de raccordement distant associées aux prestations définies dans les trois premières parties.

Les modalités de publication, de révision de l'offre de référence, ainsi que son contenu minimum sont précisés dans l'annexe A.

Cette offre doit notamment inclure un engagement de niveau de qualité de service et un mécanisme incitatif à son respect, ainsi que l'ensemble des tarifs et distinguer en particulier le prix de la prestation de circuit interurbain et celle de segment terminal.


Contrôle des tarifs


Article 15


France Télécom ne devra pas pratiquer de tarifs d'éviction pour l'ensemble des prestations relatives aux marchés définis aux articles 3 à 5, y compris pour les prestations qui leur sont associées.

Article 16


Sous réserve des dispositions de l'article 15, France Télécom devra pratiquer des tarifs reflétant les coûts correspondants pour les prestations de débit inférieur à 10 Mbit/s incluses dans le marché de gros du segment terminal défini à l'article 3, pour les prestations incluses dans le marché de gros du circuit interurbain métropole-Réunion ainsi que pour toutes les prestations de colocalisation, de raccordement distant et de complément terrestre.

La méthodologie actuelle de valorisation des coûts pour l'interconnexion, y compris les prestations qui leur sont associées, telle que notamment développée dans la décision no 2002-1027 susvisée, est maintenue, sans préjudice de décisions ultérieures de l'Autorité qui pourront modifier ou préciser les modalités de mise en oeuvre de cette obligation, et sous réserve du respect des dispositions de la décision no 2005-0834 du 15 décembre 2005 susvisée.

Article 17


Outre les dispositions de l'article 15, France Télécom ne devra pas pratiquer des tarifs excessifs pour les prestations incluses dans les marchés de gros du circuit interurbain définis aux articles 4 et 5, à l'exclusion du marché de gros du circuit interurbain métropole-Réunion.


Obligations comptables


Article 18


France Télécom est soumise à une obligation de séparation comptable et à une obligation relative à la comptabilisation des coûts de l'ensemble des prestations d'accès et d'interconnexion relatives aux marchés pertinents définis aux articles 3 à 5.

Les modalités de cette obligation seront définies par une décision ultérieure de l'Autorité. France Télécom transmet à l'ARCEP les données comptables selon les règles prévues dans la décision no 2005-0834 du 15 décembre 2005 susvisées. De manière transitoire, elle demeure également soumise aux règles préexistant à la présente décision et selon les formats définis à l'article 18 du cahier des charges de France Télécom annexé au décret no 96-1225 du 27 décembre 1996, au chapitre XIII de l'annexe de l'arrêté du 12 mars 1998 susvisé, et dans les décisions no 98-901 et no 2001-650 de l'Autorité, dans la mesure où elles sont compatibles avec la décision no 2005-0834 précitée.


Obligations imposées sur le marché de détail

Obligations spécifiques à l'ensemble minimal


Article 19


L'ensemble minimal des liaisons louées est composé des liaisons louées analogiques deux fils et quatre fils et des liaisons louées numériques de 64 kbit/s et 2 Mbit/s normalisées par l'ETSI.

Article 20


Pour les prestations de l'ensemble minimal, France Télécom devra respecter les obligations prévues aux articles D. 369 à D. 377 du code des postes et des communications électroniques et en particulier les obligations de non-discrimination, transparence, orientation vers les coûts et comptabilisation des coûts.


Obligations sur l'ensemble du marché de détail


Article 21


France Télécom fournit dans des conditions non discriminatoires les prestations d'accès incluses dans le marché de détail des services de capacité défini à l'article 2.

A ce titre, France Télécom doit notamment avoir un document interne regroupant ses offres génériques de services de capacité, entendues comme les offres de France Télécom commercialisées par défaut sur le marché de détail, lesquelles s'opposent aux offres sur mesure élaborées en fonction de critères techniques permettant de répondre à une demande spécifique.

Les offres sur mesure de détail que l'opérateur peut être amené à créer doivent être dérivées de ces offres génériques. Enfin, les offres sur mesure doivent nécessairement présenter une spécificité technique et commerciale, ce qui signifie que les offres sur mesure purement tarifaires sont proscrites au titre de la présente obligation.

Article 22


France Télécom est tenu de ne pas pratiquer de tarifs d'éviction pour les prestations incluses dans le marché de détail des services de capacité défini à l'article 2.

Article 23


France Télécom est soumise à une obligation de comptabilisation des services et des activités incluses dans le marché des services de capacité défini à l'article 2.

Les modalités de cette obligation seront définies par une décision ultérieure de l'ARCEP. De manière transitoire, France Télécom transmet à l'ARCEP les données comptables selon les règles et les formats définis à l'article 18 du cahier des charges de France Télécom annexé au décret no 96-1225 du 27 décembre 1996, au chapitre XIII de l'annexe de l'arrêté du 12 mars 1998 autorisant la société France Télécom à établir et exploiter un réseau de téléphonie ouvert au public et à fournir le service téléphonique au public précité, et dans les décisions no 98-901 et no 2001-650 de l'Autorité.


Durée de validité

Article 24


Les obligations figurant aux articles 10 à 23 de la présente décision sont imposées à France Télécom à compter de la publication de la présente décision au Journal officiel de la République française et jusqu'au 1er octobre 2009, sans préjudice d'un éventuel réexamen anticipé des obligations imposées, conformément aux dispositions de l'article D. 303 du code des postes et des communications électroniques.

Article 25


Le directeur général de l'Autorité est chargé de l'application de la présente décision. Il notifiera à France Télécom cette décision ainsi que l'annexe A. Cette décision et son annexe seront publiées au Journal officiel de la République française.


Fait à Paris, le 26 septembre 2006.


Le président,

P. Champsaur





A N N E X E A


LISTE MINIMALE DES ÉLÉMENTS QUI DOIVENT FIGURER DANS L'OFFRE TECHNIQUE ET TARIFAIRE D'INTERCONNEXION ET D'ACCÈS, ET CONDITIONS D'ÉVOLUTION DE L'OFFRE, MENTIONNÉES À L'ARTICLE 14


1. Mode de publication et de modification de l'offre

a) Mode de publication


Cette offre de référence sera publiée sur un site internet librement accessible. L'annexe décrivant la liste des brasseurs de France Télécom et leur localisation pourra être de diffusion restreinte à l'usage des seuls opérateurs de communications électroniques.


b) Modification de l'offre


Sauf décision contraire de l'Autorité, et sous réserve des dispositions de l'article D. 99-7 du code des postes et des communications électroniques, toute évolution de la présente offre technique et tarifaire décidée par France Télécom et toute modification d'architecture de son réseau devront faire l'objet d'un préavis raisonnable. Ce préavis sera de un mois minimum, et sera porté au minimum à :

- un an, en cas d'évolution ou de modification de nature à contraindre les opérateurs utilisant une des prestations inscrites à cette offre de modifier ou adapter leurs propres installations ;

- trois mois, en cas d'évolution tarifaire à la hausse.


c) Entrée en application des modalités de la première offre publiée

en vertu de la présente décision


Par dérogation aux dispositions du point précédent, les modalités techniques et tarifaires prévues à la première offre de référence publiée au plus tard un mois après la notification de la présente décision entreront en vigueur le 1er octobre 2006.


2. Contrôle de la réplicabilité


Dans le cas d'une création ou d'une modification majeure d'offre de détail dont la réplicabilité nécessite une modification majeure de l'offre de gros de référence :

- information de l'ARCEP des grandes lignes trois mois avant la commercialisation ;

- information de l'ARCEP de l'offre complète huit jours avant commercialisation ;

Dans le cas d'une création ou d'une modification d'offre de détail dont la réplicabilité nécessite une modification mineure de l'offre de gros de référence :

- information de l'ARCEP des grandes lignes deux mois avant la commercialisation ;

- information de l'ARCEP de l'offre complète huit jours avant commercialisation.


3. Processus de commande


Dans le cas d'une évolution des offres de gros liées à la commercialisation d'une nouvelle offre de détail, l'opérateur pourra signer les conditions spécifiques de la nouvelle offre de gros un mois avant la commercialisation de l'offre de détail correspondante. La prise de commande effective de l'offre de gros (signature de conditions particulières) devra être possible au plus tard le jour de l'ouverture de la prise de commande pour l'offre de détail (signature de conditions particulières).


4. Contenu minimal


France Télécom doit inclure au minimum dans son offre technique et tarifaire d'interconnexion et d'accès les prestations suivantes :


a) L'offre LPT


Cette offre de référence inclut au minimum les prestations suivantes :

LPT de 64 kbit/s à 2 Mbit/s sans limitation de longueur (LPT « locales » et « régionales ») ;

LPT haut débit de 34 Mbit/s et 155 Mbit/s ;

Qualités de service au moins équivalentes aux offres de détail.


b) L'offre CE2O


L'offre de référence inclut l'offre CE2O.

Elle pourra être étendue aux autres produits de gros de services de capacité à interface alternative avec des débits différents ou des caractéristiques différentes permettant de répliquer les principales offres de détail de France Télécom de services de capacité.


c) L'offre LLT


France Télécom propose sous la forme d'une offre de référence l'offre de liaison louée de transport allant d'un brasseur de référence en métropole à un brasseur de référence à la Réunion, issue de la décision no 2004-376 en date du 4 mai 2004 se prononçant sur un différend opposant Outremer Télécom à France Télécom.


d) Les prestations associées


Ces prestations associées comprennent notamment les prestations de raccordement aux sites d'interconnexion et d'accès.

France Télécom doit en particulier proposer une offre de colocalisation adaptée sur les sites brasseurs des offres susmentionnées et une offre de liaison entre ces sites brasseurs et les points de présence des opérateurs (offre liaison d'aboutement [LA] pour les LPT de 2 Mbit/s, 34 Mbit/s et 155 Mbit/s).


e) Prestations à l'acte


France Télécom devra inclure dans son offre technique et tarifaire d'interconnexion et d'accès l'ensemble des prestations à l'acte standards nécessaires à la mise en oeuvre ou la résiliation des accès et des interconnexions, ou plus généralement à toute modification des conditions techniques d'interconnexion et d'accès.


5. Niveau de détail minimum

a) Items généraux


L'intégralité des conditions de souscription de l'offre, notamment statutaires, financières et contractuelles, applicables lors de toute commande, modification ou résiliation des prestations.


b) Informations préalables


Organisation et architecture du réseau, avec les différents brasseurs, la description des zones géographiques de desserte et les zones tarifaires associées :

Eléments du réseau auxquels l'accès et l'interconnexion sont proposés.

Informations permettant la localisation des points physiques d'accès et d'interconnexion.

Modalités d'accès aux informations préalables plus détaillées concernant ces équipements.


c) Caractéristiques techniques des services d'accès et d'interconnexion

et des prestations associées


La description complète des prestations.

La description complète des interfaces d'accès et d'interconnexion.

La description complète des modalités d'acheminement du trafic.


d) Modalités d'accès à l'offre


Les conditions contractuelles types d'accès aux différentes offres, les restrictions d'utilisation.

Les conditions contractuelles types de commande et de livraison des ressources physiques ou logicielles nécessaires à l'interconnexion des réseaux : informations nécessaires à la commande, conditions de suspension des engagements.

Les conditions contractuelles types de mise en oeuvre des modifications physiques ou logiques de l'interconnexion ou de l'accès.

Les processus de commande et de résiliation.

Les processus de signalisation et de rétablissement des dysfonctionnements constatés.

Les conditions de partage des installations liées à la colocalisation des équipements et au raccordement physique des réseaux.

La liste des prestations faisant l'objet d'offres sur mesure ou de devis préalables.


e) Qualité de service


Les conditions contractuelles types de qualité de service standard des prestations fournies et des options de qualité de service renforcées qui peuvent être souscrites.

Les délais de réponse aux demandes de fourniture de services et de ressources.

L'engagement de niveau de service associé et le mécanisme incitatif à son respect.


f) Grille tarifaire


L'intégralité des conditions tarifaires, notamment les tarifs, acomptes et pénalités en cas de manquements imputables à France Télécom, relatives aux prestations d'accès et d'interconnexion - y compris les prestations associées - figurant à l'offre de référence.

En particulier, seront précisées les conditions tarifaires :

- des souscriptions et modifications des offres ;

- des conditions des options de qualité de service souscrites ;

- des informations préalables.